interview Comics

Gabriel Hernandez Walta

Bonjour Gabriel Hernandez Walta, peux-tu te présenter ?
Gabriel Hernandez Walta : Je m'appelle [NDT: avec l'accent espagnol] Gabriel Hernández Walta, pour les anglophones je suis [NDT: avec l'accent anglais] Gabriel Hernandez Walta. [rires] J'ai débuté dans l'industrie des comics il y a dix ans et quelques, chez IDW. Un de mes amis, El Torres, qui est aussi auteur, connaissait les gens travaillant chez IDW et leur a envoyé des exemples de mon travail et j'ai alors commencé là-bas, sur une série intitulée CVO. J'ai ensuite fait The Thief of Always et ça s'est enchaîné. Petit à petit, j'ai commencé à me faire connaitre auprès des gens dans l'industrie. Les éditeurs font souvent des revues de portfolio et un jour, Daniel Ketchum, un éditeur de chez Marvel, est tombé sur un des miens. Il a aimé ce que je faisais et j'ai alors commencé à travailler pour lui.

Quelles sont tes influences ?
Gabriel Hernandez Walta : On me le demande souvent, dans les interviews ! [rires] J'ai une réponse assez banale à cette question mais voilà, je suis influencé par beaucoup de choses, pas seulement des comics. J'aime regarder des films... Sur certains dessins ou certaines planches, par exemple, je peux avoir être influencé par le Parrain ou bien par une gravure de Rembrandt ou encore par quelque chose que j'ai pu observer dans la rue, beaucoup de choses. Mais si on se réfère aux comic-books, alors dans ce cas j'ai été très influencé par ce que je lisais quand j'avais 14-15 ans car c'était alors une grande époque pour les comics, dans les années quatre-vingt. Frank Miller, Bill Sienkiewicz, Alan Moore, Mike Mignola... C'était vraiment une très belle époque pour les fan de comics. Mais c'est aussi l'âge auquel ce qu'on lit nous influence plus qu'à tout autre moment de sa vie. Donc voilà mes influences.

Peux-tu nous parler un peu plus de ta collaboration avec El Torres ainsi que sur les deux titres sur lesquels vous avez travaillé ensemble ?
Gabriel Hernandez Walta : Notre première collaboration a été sur Le Voile des Ténèbres et c'était un projet sur lequel on travaillait dès lors que l'on ne faisait pas autre chose. En fait, on n'a même pas cherché d'éditeur pour le Voile des Ténèbres avant qu'il ne soit achevé. C'était comme une sorte de projet personnel, ce qui était une très bonne chose car on pouvait faire ce que l'on voulait, expérimenter des éléments de narration et je me suis vraiment amusé. C'est génial d'avoir en mains un livre dont on est soi-même très fier et de pouvoir aller le présenter aux éditeurs. C'est plus intéressant que de présenter encore des travaux basés sur des super-héros - ce qui est quand même très bien si c'est ce sur quoi on souhaite travailler -. Je suis quand même heureux d'avoir pu faire Le Voile des Ténèbres avant d'entrer en contact avec les éditeurs de chez Marvel car ils ont pu voir ce que je voulais faire.

Tu as donc travaillé pour Marvel sur Astonishing X-Men puis, maintenant, sur Magneto. Comment es-tu arrivé sur ces deux titres ?
Gabriel Hernandez Walta : Aujourd'hui, j'ai un contrat d'exclusivité avec Marvel et ils me proposent donc des projets. Et Daniel Ketchum, l'éditeur qui m'a le premier proposé un contrat chez eux m'a appelé au téléphone et m'a dit "Hey, on a un titre pour toi : est-ce que ça te plairait de travailler sur une série solo consacrée à Magneto ? Ils tue des gens, il..." et moi "Oh oui, oh oui, oh oui !" [rires] J'ai donc commencé à réaliser quelques esquisses, quelques planches tests, histoire de capturer l'atmosphère de la série et j'ai commencé à m'y mettre. ça s'est donc joué sur un coup de fil.

La carrière de Cullen Bunn est riche en titres orientés vers le fantastique et l'horreur. Est-ce que ça a facilité votre collaboration, à tous les deux ?
Gabriel Hernandez Walta : Oui, il est toujours nécessaire de s'adapter quand on débute sur un nouveau titre, qu'il s'agisse d'un titre Marvel ou d'un projet personnel. Je m'efforce toujours de m'adapter à l'histoire. Le Voile des Ténèbres et La forêt des suicidés sont des histoires d'horreur mais je ne les ai pas abordées de la même manière. J'ai modifié ma narration et mon style à chacun des deux titres. Cela dit, Cullen a écrit des scènes qui sont, comme tu l'as dit, très similaires à des scènes de ces livres mais j'essaie quand même à chaque fois de partir de rien, de m'imprégner du style de l'auteur et de ne pas repenser à ce que j'ai pu faire avant.

Sans spoiler, as-tu ressenti le besoin de changer ton style sur les derniers numéros de Magneto, dans le cadre de l'event Axis actuellement publié aux Etats-Unis ?
Gabriel Hernandez Walta : On ne m'a jamais explicitement indiqué de le faire, je me suis contenté de recevoir le script et de faire de mon mieux à partir de celui-ci. Si des super-héros sont présents dans la scène que tu dessines, tu ne vas pas illustrer ça comme s'ils étaient là à marcher dans la rue en habits de civils. On ne m'a pas donné de consigne spécifique mais c'est comme ça que je fais les choses : j'aime varier mon style donc si je reçois une description du genre "Magneto marche dans la rue et tombe nez-à-nez avec une Sentinelle. Ils commencent à se battre" alors oui, là pour moi, ça indique un changement d'ambiance. Donc non, aucune consigne mais uniquement ma propre initiative parce que j'aime illustrer des choses différentes.

Est-ce que tu sais pendant combien de temps encore tu vas travailler sur Magneto.
Gabriel Hernandez Walta : Pas vraiment. Je travaille en ce moment sur le numéro 14 et on vient de débuter un nouvel arc narratif. Je suis très à mon aise sur cette série. C'est un peu le job rêvé car j'adore le personnage, l'auteur, le coloriste est selon moi le meilleur qui soit - il s'agit de Jordie Bellaire, lauréat d'un Eisner - je suis donc très bien là. Donc tant que la série se poursuit, je ferai en sorte de rester dessus.

Y a-t-il des personnages sur lesquels tu aimerais travailler ?
Gabriel Hernandez Walta : Je n'ai jamais songé à travailler sur un personnage en particulier. J'ai toujours été fan des X-Men et j'ai donc toujours aimé ce qui avait trait aux mutants pour l'aspect futuriste, notamment. Et tout ce qui est lié aux Sentinelles, les ambiances à la Days of Future Past... J'aime vraiment ça. Je ne suis pas un dessinateur du genre à faire les Avengers non mais en fait je ne pense pas en termes de personnages. Je pense en termes d'auteurs, de coloristes... Il y a peut-être, en revanche, des personnages que je n'aime pas, par exemple je n'ai jamais aimé Hulk. Je ne me suis jamais dit que ce serait un personnage intéressant pour moi mais à côté de ça, à chaque fois que je l'ai dessiné, j'ai adoré le faire. Et après avoir commencé à travailler pour Marvel, j'ai pu lire certaines histoires de Hulk qui conviendraient à mon style donc, finalement, tout dépend de l'histoire et de l'auteur. On peut avoir un très bon personnage comme Wolverine mais l'histoire, elle, est décevante. Je ne suis pas intéressé par les personnages mais plus par la vision de l'auteur.

Y a-t-il donc un auteur avec lequel tu aimerai travailler, plus particulièrement ?
Gabriel Hernandez Walta : Oui, il y a un auteur avec lequel nous aimerions tous travailler, c'est Alan Moore, mais je pense qu'il s'est retiré de tout ça. Mais travailler avec Alan Moore est un de mes rêves. J'aimerais aussi pouvoir de nouveau travailler avec Jonathan Hickman et aussi avec Marjorie Liu, j'aimerai beaucoup travailler encore avec elle. Et El Torres ! Il m'a envoyé le script du premier numéro de la suite du Voile des Ténèbres et j'ai hâte de pouvoir encore travailler avec lui. Cullen Bunn est aussi un très bon auteur. Je ne le connais pas personnellement mais il est très gentil est très talentueux.


Gabriel Hernandez Walta Magneto


Lis-tu beaucoup de comics ou de bandes dessinées ?
Gabriel Hernandez Walta : Oui, je fais en sorte de lire beaucoup de choses. J'adore tout ce que fait Jonathan Hickman chez Image, comme Manhattan Projects, j'aime ce genre d'histoire étrange. J'aime aussi ce que fait Eric Stephenson comme cette série avec les scientifiques, là, Nowhere Men. J'aime ces trucs bizarres ou encore Hellboy. Chez Marvel, aussi, il y a plein de trucs super. J'adore le Moon Knight de Warren Ellis et de Declan Shalvey. J'essaie de lire le plus de choses possibles comme Blacksad de Juanjo Guarnido. Il se trouve, d'ailleurs, qu'on a tous les deux étudié à la même école de dessin, à Grenade. C'est la même école mais pas le même talent ! [rires] C'est drôle parce que Grenade est une très petite ville mais il y a beaucoup de gens venus de là-bas qui travaillent pour Marvel. Javi Fernandez, qui illustre aussi la série Magneto, habite là-bas. Et Jorge Jimenez, qui travaille sur certains titres DC, José Luis Munuera - vous le connaissez ? - lui aussi vit à Grenade. Je lis beaucoup de choses différentes, je ne crois pas qu'il soit bon de se cantonner à ne lire que des comics ou des histoires de super-héros ou un seul type de livre. Je lis aussi des mangas, même si ce n'est pas trop mon truc, et j'en trouve de très bons. Je lis des choses très variées.

Est-ce qu'un magasin de comics a explosé à Grenade et vous a tous donné le pouvoir de dessiner des comics ?
Gabriel Hernandez Walta : [rires] Peut-être bien ! Peut-être y a-t-il eu un éclair et après ça, tout le monde... Non, Grenade est une ville universitaire de peut-être 200 000 habitants dont peut-être une grande majorité est étudiant. Chaque année, j'y vais et je me dis que ce doit être la raison pour laquelle autant d'artistes viennent de là.

Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre artiste, présent ou passé, afin de mieux comprendre son art ou ses techniques, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Gabriel Hernandez Walta : Pour les comics... J'ai pu rencontrer Bill Sienkiewicz et j'adorerais pouvoir être au-dessus de son épaule, chaque fois qu'il saisit un pinceau parce que j'ai passé des heures et des heures à regarder ce qu'il fait et c'est une inspiration pour moi. On a parlé de techniques et je n'arrêtais pas de me dire "je suis en train de parler avec ce génie !". Mais pour l'art en général et pour la peinture, j'aimerais pouvoir être à côté de Vélasquez et voir comment il faisait. Je ne pense pas que je serais capable de comprendre tout ce qu'il a fait mais j'aimerais me trouver là, au moment où il l'a peint.

Muchas gracias Gabriel !

Remerciements à Arno et à l'organisation du Lille Comics festival, et à Mickaël Géreaume pour la mise en forme.

Gabriel Hernandez Walta Elektra


PAR

6 décembre 2014
©Panini Comics édition 2014

Après avoir débuté chez l'éditeur IDW sur des titres tels que CVO, Thief of Always ou encore des titres plus intimistes comme Aokigahara - La forêt des suicidés et Le Voile des Ténèbres, tous deux co-signés avec son compère El Torres, Gabriel Hernandez Walta s'est vite fait remarquer par Marvel où il a notamment œuvré sur Astonishing X-Men. C'est en 2013 qu'il a décroché la timbale en se voyant confier l'illustration de la série Magneto, écrite par Cullen Bunn. L'artiste, que nous avons rencontré lors de l'édition 2014 du Lille Comics Festival, nous a cependant prouvé que si, dans le nord, les hivers sont rudes, les ibères sont quant à eux très sympathiques.

Réalisée en lien avec les albums Avengers vs X-Men T2, X-Men Universe – Revue V 3, T18, Le voile des ténèbres, Aokigahara
Lieu de l'interview : Lille Comics Festival