Encreur, éditeur ou scénariste, Jimmy Palmiotti est l'un des artistes qui marque depuis plus de 25 ans l'univers des comics. Aussi à l'aise sur des récits mainstream et des personnages populaires comme Daredevil ou Harley Quinn, l'auteur s'éclate ces dernières sur des récits indés ambitieux et parfois expérimentaux. Après le recueil Denver & other stories, Glénat Comics nous régale en nous proposant l'une des dernières créations de Jimmy Palmiotti intitulée Sex & Violence. Venu en France à l'occasion du Comic Con Paris, il a accepté de répondre à nos questions avec un sourire et une bonne humeur contagieux.
interview Comics
Jimmy Palmiotti
Bonjour, Jimmy. Pour commencer, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
Jimmy Palmiotti : Bonjour, je m'appelle Jimmy Palmiotti et je suis auteur, encreur, illustrateur, éditeur, auto-publié... J'ai fait à peu près tout ce qu'il est possible de faire dans l'industrie du comics ! En plus, je suis aussi un scénariste pour la TV. Un peu de tout, en somme.
Tu as travaillé sur de nombreuses séries, notamment sur Marvel Knights. Quel regard portes-tu sur cette période ?
Jimmy Palmiotti : Joe Quesada et moi-même, à l'époque, étions auto-publiés au sein d'une compagnie qui s'appelait Event Comics et on sortait un paquet de séries. Marvel souhaitait... Disons que Marvel n'allait pas très fort, ce n'était pas la super compagnie que l'on connait aujourd'hui. Il avaient eu l'idée de nous approcher, Joe et moi, pour nous engager et que l'on édite quelques titres pour eux. On a donc rencontrés les gens de Marvel. À l'époque, ils avaient eu pas mal de soucis financiers, chapitre 11 et tout [NDT : aux USA, « chapter 11 » correspond à une déclaration de banqueroute]. Ils nous ont demandé quelles séries nous intéresseraient et on a choisi Daredevil, Inhumans, Black Panther et The Punisher. En plus, ils nous ont donné le penthouse de Marvel Comics [NDT: c'est à dire l'emplacement avec terrasse situé au sommet de l'immeuble, pas le magazine du même nom, bande d'obsédés !] et on s'est donc retrouvés au sommet des bureaux Marvel. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a engagés des amis à nous pour travailler sur ces séries comme Kevin Smith, qui était alors le réalisateur de Chasing amy, entre autres films. On lui avait filé un coup de main sur ses films, notamment en amenant des illustrations, notre stand de convention... On a donc recruté parmi toutes nos connaissances pour faire ces séries. Et c'était génial car ça a marché ! Les séries se sont bien vendues, on a fait beaucoup de bruit autour de Marvel et, d'une certaine manière, on a aidé à attirer Hollywood auprès de Marvel parce qu'on a amené Kevin. Les meilleurs amis de Kevin étaient Matt Damon et Ben Affleck, qu'on a pu rencontrer. On leur a donc amené un peu d'Hollywood, on leur a donné l'élan dont ils avaient besoin... En termes de production, on s'est efforcés de surpasser Marvel en faisant en sorte que nos séries soient meilleures que celles que Marvel sortait alors, histoire de montrer que deux crétins pouvaient très bien y arriver et ça a plutôt bien marché. C'est aussi grâce à ce succès que je suis assis là, aujourd'hui, et que ça marche plutôt bien pour moi. C'était expérimental, à l'époque, et ça a été un grand moment pour nous.
Ces dernières années, tu as surtout officié en tant qu'auteur mais, comme tu l'as mentionné auparavant, tu as porté à peu près toutes les casquettes possibles dans l'industrie. Quel fonction est la plus intéressante, à tes yeux ?
Jimmy Palmiotti : J'ai commencé comme encreur – en fait j'ai commencé comme illustrateur mais ils ont aimé mon encrage et je suis devenu encreur – et j'ai fait ça pendant des années mais mon activité préférée consiste à créer, donc je dirais auteur. La partie artistique des comics est très gourmande en temps mais je peux écrire deux ou trois séries par mois et j'aime aussi pouvoir écrire de nouveaux titres. L'écriture a toujours été, pour moi, la plus grande source de satisfaction, dans les comics. En plus, je ne crois pas avoir encré quoi que ce soit depuis peut-être huit ans, ça fait un bail et ça ne me manque pas du tout. De temps en temps, je gribouille quelques dessins, dans mon coin, mais dans les comics, je pense que l'écriture est le job idéal pour moi.
Dernièrement, tu as principalement travaillé avec Amanda Conner et Justin Gray, comment est-ce que ces collaborations se déroulent et comment vous répartissez-vous les différentes tâches ?
Jimmy Palmiotti : Justin a commencé en tant que stagiaire sur Marvel Knights. En gros, il bossait pour des nèfles et il nous a pas mal aidés et par la suite, on est devenus amis. Il vit aujourd'hui à New-York et moi en Floride et on passe notre temps à discuter au téléphone ou sur internet. On collabore sur pas mal de titres pour DC comme Jonah Hex et c'est super de travailler avec lui. Avec Amanda – mon épouse – on vit ensemble donc on a tendance à travailler sans cesse sur Harley Quinn ou sur Starfire. On va, par exemple, aller dîner en ville, rire de quelque chose et on va se dire « Oh, on devrait mettre ça dans Harley Quinn ! ». C'est assez différent. Mais j'aime bien le processus de collaboration parce que cela me permet d'avoir des retours de la part de la personne avec qui je travaille. La pire chose qui puisse en effet arriver est de penser que chaque idée que l'on a est une bonne idée, ça, c'est jamais bon. Tandis que quand on travaille directement avec quelqu'un, cette personne va vous dire « Oh, non, c'est nul ! » ou encore « Quelqu'un d'autre l'a déjà fait ». On a ces petits retours de manière quasi instantanée. En plus, je suis quelqu'un de sociable et l'idée de rester assis à la maison et de passer mes journées tout seul, ça ne m'attire pas vraiment. Dans une collaboration, on travaille avec quelqu'un d'autre, ça fait marcher le cerveau, c'est un bonne méthode de travail. Les comics sont toujours une collaboration entre plusieurs personnes, au final, mais quand on en vient à l'écriture, c'est une bonne chose que de travailler directement avec une autre personne.
En France, on a pu lire il y a pas longtemps Denver & Other Stories, qui est sorti chez Glénat Comics, mais on attend la sortie prochaine de Sex & Violence. Que peux-tu nous dire, de ce titre ?
Jimmy Palmiotti : Glénat ne va pas sortir Sex & Violence sous la forme que le titre avait quand je l'ai proposé sur Kickstarter, c'est à dire en deux titres séparés, mais bien en un seul volume. C'est une anthologie d'histoires que je ne qualifierais pas nécessairement de « courtes » – certaines le sont, d'autres, non – et en tout, il y a 5 histoires liées au thème du sexe et de la violence. C'est clairement un livre destiné aux adultes, pas aux enfants. Il y a beaucoup de nudité, beaucoup de violence, mais chaque histoire se tient avec un début et une fin. C'est comme un ensemble d'épisodes de La Quatrième Dimension ayant pour thèmes le sexe et la violence. Dans une histoire, un type cherche à retrouver la fille d'un de ses amis, qui s'est retrouvée impliquée dans l'industrie du porno. Une autre histoire parle d'une femme policière qui est une voyeuse, qui observe le couple de lesbiennes habitant en face de chez elle et va se mêler de leurs vies. Dans une autre, une mère et sa fille partent en chasse. La mère recherche un nouveau mari et la fille cherche un nouveau père mais toutes deux sont en réalité des meurtrières. Donc, voilà, c'est un ensemble d'histoires indépendantes ayant pour thèmes centraux le sexe et la violence. Plusieurs artistes ont oeuvré dessus et je pense que tout le monde y trouvera son bonheur. Ca a vraiment cartonné sur Kickstarter et, aux U.S.A., via Comixology, ça a fait un tabac. Les gens ne lassent pas du sexe et de la violence et on peut espérer que ça se vendent très bien ici.
On a pu découvrir en particulier le récit Denver. Beaucoup pensent que c'est un univers qui méritait d'être étendu et d'avantage exploré, penses-tu que cela aurait été une bonne idée ?
Jimmy Palmiotti : Je crois que Denver faisait 64 pages et, honnêtement, j'aurais pu étendre n'importe quel autre titre de 20 ou 30 pages supplémentaires mais là... On reprendra peut-être cet univers à l'avenir, après tout la conclusion de Denver reste relativement ouverte. Ce qu'il y a c'est que, quand on a une nouvelle idée, on ne sait pas forcément si ça va vraiment marcher. Forcément, maintenant je regarde [Denver] et je me dis « Oh, oui, ça marche. J'aurais pu aller plus loin » mais, à ce moment-là, j'étais plus dans l'interrogation « Est-ce que ça va marcher ? Est-ce que les lecteurs vont aimer ? Dois-je y mettre plus d'argent au risque d'un échec ? » on s'est donc dit que ces 64 pages étaient très bien. Mais c'est vrai que sur Denver plus qu'avec d'autres titres, on s'est attachés à construire un monde à part entière, une galerie de personnages et, donc, Denver est un peu comme le pilote, le premier épisode. J'espère qu'on pourra en faire plus, un jour.
Merci Jimmy !
Remerciements à Fanny Blanchard pour l'organisation de cet entretien, à Olivier Jalabert, à la galerie Glénat et à Alain Delaplace pour sa traduction snipée !