interview Bande dessinée

Marc Piskic

©Emmanuel Proust Editions édition 2011

Paru il y a bientôt 2 ans, à l’approche de l’été 2009, le premier tome d’Ontophage n’est pas passé inaperçu et sa suite – promise sous peu – est très attendue ! Son auteur, Marc Piskic, revient sur une tétralogie annoncée et ses sources d’inspiration, graphiques notamment. Une série emprunte de mystère et d’élégance.

Réalisée en lien avec l'album Ontophage T1
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême 2011

interview menée
par
9 mars 2011

Bonjour Marc Piskic. Auteur de 3 BD aux éditions Emmanuel Proust à ce jour, quel est ton parcours ?
Marc Piskic : Comme certains auteurs certainement, j’ai voulu faire de la bande dessinée très tôt. J’ai finalement pu entreprendre des études d’art aux Etats-Unis (Joe Kubert School of and Graphic Art) puis à Lyon. J’ai ensuite travaillé 3 ans dans le Web au début des années 2000. A l’époque, la fameuse « bulle Internet » assurait alors du travail à tout le monde. L’envie m’a ensuite pris de me remettre au dessin et à la bande dessinée. J’avais Ontophage dans mes cartons mais je ne me sentais pas prêt à m’y atteler. Les éditions Emmanuel Proust m’ont alors proposé de réaliser des albums dans la collection Agatha Christie. J’ai assuré le dessin du Crime du Golf (avec François Rivière au scénario) puis l’adaptation complète du Train bleu. Deux albums qui m’ont permis de me refaire un peu la main.

La 4e de couverture fait un pendant avec ton univers musical et te présente en artiste multi-cordes…
MP : J’étais membre d’un groupe pendant plusieurs années. Aujourd’hui, l’aventure se poursuit toujours, sous le même nom mais seul, et quand j’en ai le temps. Quelques CD et vinyles EP sortent de manière sporadique. L’ambiance se veut cinématographique et relativement sombre.

Une rencontre a-t-elle influée sur ton parcours ?
MP : Lorsque j’étais aux Etats-Unis, j’y ai rencontré Tex Blaisdell, qui avait notamment travaillé sur Prince Vaillant aux côtés de Foster. Il m’a montré les bases d’un graphisme n/b au pinceau. Il était très intéressé par les possibilités infinies du pinceau à pouvoir créer n’importe quelle texture en quelques coups : métal, bois, textile, etc. Ca m’a beaucoup marqué. J’ai toujours chez moi un format A3 sur lequel il avait posé au pinceau toute une série de textures aussi diverses que variées.

Ton expérience à l’étranger a-t-elle été source d’inspiration ?
MP : D’un point de vue architectural, historique et culturel, oui. Edimbourg et Vienne notamment, offrent des paysages urbains qui m’incitent à l’écriture. J’ai noté dans un carnet des endroits qui deviendront peut-être un jour le théâtre d’aventures futures…

Pourquoi ce choix d’une intrigue policière sous le Second Empire ?
MP : J’aime le Paris de cette époque, l’architecture haussmannienne et la littérature classique du XIXe. Ajoutez à cela mon penchant pour la littérature fantastique fin XIXe / début XXe, cela donne une intrigue sous le Second Empire. J’aime pouvoir m’immerger dans ces récits d’une autre époque.

A quelle fin le copieux dossier graphique figure-t-il en fin d’album ?
MP : J’ai pour habitude de toujours utiliser la place disponible. Un dossier graphique, c’est bien. Mais un dossier graphique qui raconte quelque chose, c’est encore mieux. J’en profite donc pour y épaissir l’histoire avec des éléments qui n’ont pas eu leur place dans le découpage de l’album. La série aurait pu fonctionner sur un grand nombre de tomes. Des affaires diverses – comme celle de l’omnibus – auraient pu se succéder par albums complets. Il y avait matière. Néanmoins, la conjoncture n’est pas aux nouvelles séries longues. Un format de 4 albums a donc été retenu. J’y développerai donc 2 à 3 affaires. Le cadavre de pierre était la première.

Comment travailles-tu ?
MP : Mes postulats de départ sont : Ambiance et mystère. A partir de là, j’essaie de construire une trame et un univers en fonction de tout ce que j’ai pu empiler comme idées, documentation et envies. Je réalise en général des croquis et/ou prises de vues photographiques des lieux et mobiliers urbains qui m’intéressent afin de pouvoir envisager l’action sous tous les angles. Mais pour dessiner un véhicule comme un omnibus, par exemple, l’exercice photographique est obligatoire. Il en va de même pour la documentation quand il s’agit de lieux ou édifices aujourd’hui disparus. J’aime beaucoup recréer visuellement ce genre de choses, ou encore réaliser de faux fac-similés de documents d’époque comme le procès-verbal du dossier graphique inclus dans le tome 1.

Tu sembles à l’aise, graphiquement, sur tous les plans ?
MP : Je dirais plutôt que je suis encore à des années-lumière de ce que je voudrais pouvoir réaliser vraiment, mais il faut bien commencer par quelque chose. J’aime me focaliser sur les atmosphères et les détails qui caractérisent une époque ou un lieu donné. Le résultat se révèle parfois chargé. Je sais que certaines cases ou planches gagneraient à être plus aérées, mais pour le moment, je n’en suis pas encore là. Sur cette série, je raisonne en termes monochromes et tonalités spécifiques, plus qu’en dessin pur. Car au final, ce qui m’importe avant tout, c’est l’ambiance restituée et le déroulement de l’histoire.

Quel est ton premier souvenir BD et quels albums apprécies-tu aujourd’hui ?
MP : Mon premier souvenir BD est la lecture de Tintin au Tibet à l’âge de 6 ans. Ce fut très long ! Puis, j’ai découvert les classiques franco-belges et plus tard Breccia, Pratt, Tardi, Chaland ainsi que des auteurs américains comme la paire Claremont/Byrne sur les X-Men période Club des Damnés et le Phénix Noir. Deux albums qui m’ont marqué : Partie de chasse de Christin /Bilal et Bouche du diable de Charyn/Boucq.

Et si tu avais le pouvoir de te téléporter dans le crâne d’un autre auteur pour en saisir le génie…
MP : René Follet ou, dans le même ordre d’idée, Alberto Breccia.

Merci Marc !