Lastman est son dernier projet, un manga à la française réalisé avec Bastien Vivès et Balak. Avant cela, Michaël Sanlaville a su se faire remarquer par 3 KSTR au dessin survitaminé, efficace et dynamique à la fois, inspiré de l’école du manga et de l’animation : Hollywood Jan (2008), Rocher Rouge (2009) et Le Fléau Vert (2012), récit de série Z décomplexé et punchy. Rencontre avec un auteur sympathique et talentueux, qui rafraîchit la BD par son graphisme séduisant…
interview Manga
Michaël Sanlaville
Bonjour Mickaël ! Peux-tu te présenter et nous dire comment tu en es arrivé à faire de la BD ?
MickaëlSanlaville : Je suis un mauvaise élève de la filière scientifique qui s’est retrouvé dans le monde du dessin à Lyon, à l’école Emile Cohl en 2004. J’y ai fait mes armes. Après avoir fait du plâtre, de la sculpture, je me suis spécialisé petit à petit dans le dessin animé car c’était là que j’avais des choses à travailler. Je me suis retrouvé ensuite à Paris, aux Gobelins, dans la classe de Bastien Vivès en 2005. A ce moment, je me rends compte, finalement, que faire de la BD me botte bien. Je sors de l’école, je commence à avoir un pied dans le dessin animé, un pied dans la BD et je trouve un équilibre sympathique, avec une BD entre deux productions animées. J’ai fait plusieurs livres : Hollywood Jan avec Bastien Vivès (2008), Rocher Rouge (2010) avec Eric Borg, Le Fléau Vert (2012) en solo et Lastman avec Vivès et Balak qui vient de sortir.
Peux-tu nous parler du Fléau Vert, ton dernier récit barré de série Z ?
MickaëlSanlaville : C’est l’histoire d’une espèce de plante sortie de terre qui émascule les hommes (n’y voyez aucun sous-entendus !). Donc très rapidement, il n’y a plus d’hommes sur terre. Gros problème : tout ça est organisé par une secte de femmes et les hommes choisis pour la descendance ont été tués aussi. Il ne reste que quatre hommes en tout, quatre caricatures en fait. Le but étant de jouer avec eux pour qu’ils reconstruisent une espèce d’humanité idéale. La symbolique : raser ce monde débile, teinté d’une petite critique de la religion avec un ton très naïf, volontairement débile. Il ne faut surtout pas le prendre au sérieux sous peine de ne rien y comprendre. Le Fleau Vert, c’est mon petit délire, sans prétention aucune. J’ai mis deux ans à le faire, comme pour lâcher des choses que j’avais besoin d’exorciser. C’est un gros mélange de série B, Mad Max en passant par les Russ Meyer et le cinéma d’horreur, qui m’a longtemps influencé, comme Akira et les mangas bourrin. Tout ça est l’emballage qui me permet de raconter une histoire plus personnelle où j’ai projeté quelques fantasmes.
Comment as-tu amené ce projet atypique à l’éditeur ?
MickaëlSanlaville : Je l’ai amené tel quel, en le modifiant légèrement parfois. Kster m’a fait confiance. Je suis très fier de cette BD, même si elle n’a pas été un succès planétaire. J’avais tout cas en besoin de la faire.
Ton graphisme, pêchu mais lisible et maîtrisé, est très influencé par le manga, Que recherches-tu à travers le graphisme ?
MickaëlSanlaville : J’ai été bercé à la sauce Dragon Ball, Ken le survivant et les Chevaliers du Zodiaque, à toute cette violence. On m’a souvent reproché de parler gratuitement de sexe et de violence. Mais c’est grâce à ça que je me libère. Je recherche de l’efficacité, du dynamisme, un côté bourrin. Il y a une urgence en tout cas que j’ai dû développer dans l’animation. Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de trouver le bon compromis pour être efficace et dynamique. Je ne fais pas de la trame hyper léchée, mais l’attitude doit être le plus juste possible.
Y-a-t-il des clins d’œil à Bastien Vivès et à Pour l’Empire dans le Fléau Vert ?
MickaëlSanlaville : Pas vraiment, en tout cas pas consciemment. Pour la scène d’orgie, je pense qu’elle a été réalisée en même temps que celle de Bastien à l’atelier, mais y’a pas de clins d’œil spécifique. Parfois on se reprend nos personnages, on les transforme, on les travestit.
Te sens-tu progresser ?
MickaëlSanlaville : Par rapport à Hollywood Jan, il y a une réelle progression. A aller dans la finesse, la justesse des sentiments, même si je vois encore des grosses faiblesses. Sur Rocher rouge, le travail sur le scénario m’a appris à construire mon découpage, même si je préfère travailler au premier jet. Avec Eric, j’ai fait tout l’inverse, pour coller à ses dialogues tarantinesques.
Pourquoi tu n’as pas rempilé sur Rocher Rouge T2 ?
MickaëlSanlaville : C’est un concours de circonstances. On m’a proposé des projets dans l’animation à ce moment. Au final, ça a donné un Rocher Rouge T2 assez chouette je trouve.
Tes projets ?
MickaëlSanlaville : Lastman, shonen à la française et à six mains avec Bastien Vivès et Balak. En ce moment, on est en train de finir le tome 3. C’est le projet rêvé. Un cran au-dessus du Fléau Vert en termes d’expérience de création. Je me demande même si dans ma vie je ferai quelque chose d’aussi intense, passionnant, c’est la réunion d’influences parfaitement complémentaires. Travailler depuis un an avec Balak et Bastien dans le même atelier, c’est génial en termes d’expérience et de plaisir de création.
Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui choisirais-tu ?
MickaëlSanlaville : Akira Toriyama, peut-être Matsumoto, ils ont marqué le manga, C’est mon influence première. Quand je dessine des mains, ce sont celles de Dragon Ball, je les ai dessinées des milliers de fois. Même si j’ai aussi grandi avec Lucky Luke !
Merci Mickaël !