Au début des années 90, Mike Deodato Jr est apparu dans le monde des comics. Cet artiste brésilien, dont le père est un illustrateur renommé dans ce pays, s’est vite fait une jolie place chez Marvel, avec une approche visuelle spectaculaire, dans la lignée d'un Jim Lee. Pourtant, à force de multiplier les titres, le dessinateur s'est quelque peu épuisé. Mike Deodato Jr a alors effectué une sérieuse remise en cause de son trait au début des années 2000, en optant pour des encrages réalistes encore plus impressionnants qu'auparavant. Cela a été payant puisque le brésilien a de nouveau multiplié les collaborations prestigieuses (Brian Michael Bendis, Warren Ellis, Ed Brubaker, Bruce Jones...) ainsi que des participations à des séries confirmées (Spider-Man, Hulk, New Avengers). En perpétuelle quête de progression dans son art, Mike Deodato Jr s'est livré au jeu de l’interview, nous abreuvant d’anecdotes sur sa (déjà) longue carrière et de réponses empreintes d'humour…
interview Comics
Mike Deodato Jr.
Réalisée en lien avec les albums Dark Avengers T1, The New Avengers (vol.1) T3
Bonjour Mike Deodato Jr, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Mike Deodato Junior : Selon la légende, je suis apparu complètement formé avec le même front que Zeus. J'ai même reçu des sourcils si stupéfiants qu'ils ne peuvent être hérités que des Dieux (rires). J'avoue que c'est légèrement tiré par les cheveux. Plus sérieusement, j'aime les comics depuis enfant et mon père écrit et dessine des bandes dessinées éditées dans mon Brésil natal. Cela m'a semblé naturel, du coup, de faire de la bande dessinée. C'est devenu une vraie passion. J'ai débuté à un niveau local avant de partir aux USA, grâce notamment à Dave Campiti et à Glass House Graphics. Je suis monté en popularité durant les 20 années qui ont suivi. Comme je disais que j'étais divin au début, je suis immortel donc on ne peut me considérer comme quelqu'un de vieux (rires).
Comment décrirais-tu ton art ?
MDJ : D'une grande variété ! J'utilise aussi bien la peinture à l'huile, à l'eau, l'aérographe, l'aquarelle et je peux aussi avoir un trait plus cartoon. Je suis surtout connu pour mon dessin et mon encrage, avec pas mal de détails.
Quelles sont tes influences ?
MDJ : J’en ai énormément. Mon père. Neal Adams, Will Eisner… Autrefois, il y avait Jim Lee et Marc Silvestri. J'apprends toujours en lisant et en regardant, et je n'ai jamais cessé d'apprendre en tant qu'artiste.
Si je ne dis pas de bêtise au vue de ta gigantesque bibliographie, l'un des premiers gros titres sur lequel tu as travaillé est Wonder Woman...
MDJ : Erreur ! Erreur ! (rires) Avant de débuter sur Wonder Woman, j'ai fait un album intitulé Santa Claws, puis j'ai commencé à avoir une petite popularité avec mes participations sur La belle et la bête, Perdu dans l'espace, Code Quantum et j'ai encré les Mack Bolan - the executioner. J'ai ensuite continué à tirer plusieurs livres en rapport avec Neal Adams et aussi pour l'édition jamais publiée de Miracleman. Comme tu peux le voir, j'ai travaillé sur pas mal de titres et j'apprécie avoir travaillé sur chacun d'eux, y compris ensuite sur Wonder Woman ou Conan.
Le fait de vivre au Brésil a-t-il été un handicap au lancement de ta carrière aux USA ?
MDJ : Pas vraiment. Le plus important n’est pas l’endroit où tu vis. Si tu as un bon agent et que tu utilises Internet, si tu sais te servir de serveurs FTP et de scanners, c'est bon. Un bon auteur peut travailler de partout, aujourd'hui.
Tu as très vite collaboré avec des scénaristes comme Warren Ellis (sur Thor ou Thunderbolts). Comment as-tu collaboré avec lui ?
MDJ : Nous ne nous sommes jamais rencontrés et je n'ai jamais vraiment eu de poids sur ses scripts qui arrivaient complets. Je suis cependant un grand fan de son écriture. Marvel m'envoie le scénario et je le dessine, c'est tout et pas plus compliqué que ça.
De nombreux lecteurs t'ont découvert avec ta participation à Amazing Spider-Man sur lequel J.Michael Straczynski. Comment es-tu arrivé sur la série ?
MDJ : Je crois que c'est Axel Alonso qui m'a choisi pour ce titre. J. Michael Straczynski aimait beaucoup mon travail et ce, depuis que j'avais dessiné son Dream police pour Marvel.
Les épisodes que tu as illustré sur le Hulk de Bruce Jones sont très spectaculaires. Comment as-tu imaginé un Hulk aussi incroyable ?
MDJ : Le scénario ! Bruce Jones est un des plus grands scénaristes que la série Hulk ait connu. Comme il dessine lui aussi, il pense les histoires de plusieurs façons, pour les lecteurs et pour les dessinateurs. Cela permet d'apprendre à chaque fois que l'on reçoit un nouvel épisode.
Ta participation aux Thunderbolts est juste mémorable. Comment cela s'est passé pour toi ?
MDJ : Warren et les éditeurs de Marvel savaient dès le départ ce qu'ils voulaient. Ils m'ont convié à tout cela en me demandant de participer à la création de certains costumes et finalement bien plus. J'ai passé un excellent moment sur la série. J'adore aussi les Avengers et les X-Men aussi.
Au fil du temps, ton style a considérablement changé, comme si tu avais cherché à retrouver de l'inspiration en te renouvelant...
MDJ : C'est tout à fait ça. Je refuse de stagner donc je poursuis mes expériences. J'ai à un moment arrêté de m'encrer, c'est le grand Joe Pimentel qui s'en est occupé, pour finalement revenir au dessin que j'encrais moi-même. Aujourd'hui, je dessine à 100% en digital sur une tablette Wacom Cintiq, qui me permet d’expérimenter les différents types de crayons, de pinceaux, de marqueurs, d'huiles, de couleurs… tout ce qui est à ma portée. Je serais prêt à tremper ma tablette dans la boue si cela pouvait m'apporter un nouvel effet (rires).
Ces derniers mois, nous te suivons sur les Avengers. La narration rappelle typiquement certaines séries télé...
MDJ : Sur ce point, c'est entièrement le choix de Brian Michael Bendis. Il façonne entièrement ses scénarii. J'ai eu l'opportunité dans ma carrière de travailler avec beaucoup de grands scénaristes comme Bruce Jones, Warren Ellis et plein d'autres. Bendis est l'un d'eux.
Tu as illustré bon nombre de super héros… Y en a-t-il un que tu adores plus que les autres ?
MDJ : Je n'ai pas fait beaucoup de choses sur les Fantastic Four, mais j'aimerais bien. J'adorerais faire une histoire sur eux, écrite par Stan Lee. Nous sommes supposés faire un Hulk vs Superman ensemble depuis quelques années mais cela ne s'est pas encore fait.
Aurais-tu envie d'écrire tes propres récits ?
MDJ : Mon travail est de mettre en images les histoires écrites par de grands auteurs et de leur donner vie. Je ne pourrais pas réussir en cela à apporter mes propres idées. Ils n'ont pas besoin que je leur dise ce qu'ils doivent faire.
Connais-tu un peu le monde de la bande dessinée européenne ?
MDJ : Évidemment, j'adore énormément d'artistes comme Mœbius, Druillet, Uderzo, Coipel, Bilal… la liste est longue et sans fin.
Cela te plairait te sortir quelque chose pour le marché européen ?
MDJ : Oui, bien sûr. J'ai un contrat d'exclusivité avec Marvel, mais peut-être qu'un jour je pourrais dessiner – et peut-être écrire – un western pour le marché européen.
Quels sont tes prochains projets ?
MDJ : Pour le moment, je m'occupe toujours des Avengers. Je ne regarde jamais ce sur quoi j'ai travaillé, donc je ne sais pas ce qui vient de sortir et encore moins ce qui suivra dans quelques mois ou années à venir.
Si tu avais la possibilité d'illustrer un nouveau super héros, ce serait lequel ?
MDJ : J'ai depuis un long moment un projet en creator-owned dont j'ai parlé à Marvel mais je ne sais pas ce que ça va donner. Il y a aussi un projet que j'ai co-créé il y a une dizaine d'années et qui s'appelle Jade Warriors. C'était sorti sur Keenspot.com et cela sera probablement collecté et publié l'an prochain. Donc gardez les yeux ouverts !
As-tu un album favori ?
MDJ : Beaucoup d'entre eux datent des sixties et viennent d'artistes géniaux, ou proviennent aussi des magazines Warren sortis dans les années 70. Je pourrais t'en citer tellement… Tous ceux d'Esteban Moroto, Jose Gonzales, Enrich, Neal Adams, Bernie Wrightson, Mike Kaluta, Jack Kirby... et d'autres par milliers. Tout ceux-là m'ont donné envie de débuter dans la BD.
Si tu avais le pouvoir métaphysique de visiter le crâne d'un auteur pour en comprendre le génie, qui choisirais-tu ?
MDJ : Se limiter à un seul ? C'est trop dur. Probablement Jack Kirby, pour comprendre d'où pouvait venir toute son imagination. Il a co-créé Captain America, les Fantastic Four, Hulk, les X-Men, le Silver Surfer et tant d'autres. Toute l'industrie des comics et du cinéma lui doivent tellement, qu'ils devraient y avoir de la gratitude à son encontre. Aucun n'aurait eu du travail sans lui.
Si je t'offrais un super pouvoir, lequel voudrais-tu ?
MDJ : Le pouvoir de régénération de Wolverine. Cela irait bien avec mon immortalité, celle dont je t'ai parlé au début de l'interview.
Si tu n'avais pas fait de comics, qu'aurais-tu fait ?
MDJ : Si les comics n'existaient pas, je n'aurais pu que me lancer dans une autre branche artistique. Je serais peut-être devenu inventeur. Ce serait triste, j'adore tellement dessiner.
As-tu un message pour tes lecteurs français ?
MDJ : Deux si possible ! Si vous appréciez mon art, sachez que vous pouvez obtenir des originaux sur www.artandcomicsstore.com où il y a plusieurs centaines d'originaux à vendre. Et puis je vous remercie d'acheter mes albums. J'espère que je pourrais vous le dire en face si je suis invité à une Convention en France l'an prochain. Peut-être à bientôt !
Merci Mike et à bientôt !