Avec le premier album de Zombies, Sophian Cholet a fait une entrée fracassante dans le monde de la BD d’horreur. Une couverture explicite et impressionnante enrobe des premières planches enthousiasmantes… de gore. Accompagné d'Olivier Péru au scénario, le jeune dessinateur offre ni plus ni moins aux lecteurs qu'une alternative (française de surcroit) au populaire Walking Dead. Le bien-nommé Zombies opte pour une approche différente, plus cinématographique et ambitieuse qui a, semble-t-il, convaincu la presse et les lecteurs. Alors que nous errions la bave aux lèvres à la recherche d'une cervelle fraîche durant le festival d'Angoulême, nous avons dévoré cet auteur de nos questions Ghaaaaagh…
interview Bande dessinée
Sophian Cholet
Bonjour Sophian, peux-tu te présenter et nous dire comment tu en es venu à faire de la bande dessinée ?
Sophian Cholet : Je m’appelle Sophian Cholet, j’ai 27 ans. J’ai sorti fin juin 2010 mon premier album qui se nomme Zombies – La divine comédie aux éditions Soleil avec Olivier Péru au scénario et Simon Champelovier à la couleur. Je suis un grand lecteur de BD, dès mes premières lectures. Je dessine depuis des années.Tous les enfants dessinent, mais la plupart s'arrêtent vers 6-7 ans, il n'en reste souvent qu'un ou deux par classe. On acquiert assez vite le statut social de dessinateur de la classe, surtout quand on est nul en sport !
Quelles ont été tes influences ?
SC : Diverses et variées. Mes premières lectures étaient très franco-belges : Tintin, Astérix, Gaston, Les idées noires. Dans la bibliothèque de mes parents, il y avait un album de Bilal, La foire aux immortels, auquel je ne comprenais absolument rien, mais le graphisme me fascinait. J’y voyais un vrai décalage avec ce que je lisais, les Tintin et consort. Il y avait un ton, un univers, une ambiance. Adolescent, j’ai commencé à lire des comics et comme je n’étais pas très fan des super héros classiques, je me suis tourné vers Spawn. Je les ai tous achetés, aussi bien ceux de Todd McFarlane que ceux de Greg Capullo. Comme dessinateur, Capullo était impressionnant et hyper talentueux. L’ambiance de Spawn était glauque, gore. A la même période, je me suis mis au manga, notamment avec Akira. On m’avait passé une cassette mal enregistrée, il manquait les deux premières minutes, des sauts d’images dans tous les sens. Et pourtant, j’ai adoré cette espèce de baston bizarre entre des motards dans Néo-Tokyo. Depuis, j’ai bien sûr lu les versions papier d’Otomo et ce sont mes bouquins de chevet. Dès que j’ai une interrogation, un cadrage spécifique à faire, je regarde dans Akira. Otomo a un sens du cadrage, un rythme, une dynamique très particulière. Je suis également pas mal inspiré par l’animation et la façon dont on y raconte les histoires. J’ai fait une école de bande dessinée et d’animation dans laquelle j’ai énormément appris.
Comment es-tu arrivé sur Zombies ?
SC : En fait, ça vient de ma passion pour le cinéma fantastique. Tout gamin, ma mère regardait la série V et j’étais amoureux de la fameuse Diana. J’adorais cette série, elle provoquait une sorte d’attraction-répulsion chez moi et j’étais fan. Après, quand tu te rends au vidéoclub, tu tombes sur des films d’horreur, tu les loues. Au début, ce n’est pas les bons, mais après tu trouves des classiques. J’ai écrit des petites histoires au collège où il y avait des monstres. En 2009, je me suis présenté au salon des jeunes auteurs d’Angoulême, je suis allé voir Jean-Luc Istin qui est directeur de collection et je lui ai sorti un projet de BD en un album qui s’appelait Dévoré. C’était une histoire de contamination qui se voulait un hommage au cinéma des années 80. On était loin de l’histoire de Zombies. Mon monde était resté figé dans les années 80 à cause de la contamination avec toute cette esthétique de l’époque. Les persos avaient des gueules à la Marty Mc Fly, cette ambiance là. La contamination était due à des vers solitaires mutants, le héros mangeait des champignons hallucinogènes pour calmer les ardeurs de son ver. Il cherchait sa sœur et la fin était assez sordide. Jean-Luc Istin m’a dit que mes dessins étaient sympas, mais qu’on allait peut-être plutôt appeler un scénariste ! Il avait le mec idéal pour ça, c’était Olivier Péru, un passionné du genre avec qui je m’entends à merveille. On a discuté pendant plus d’une heure sur ce qu’on aimait et on est tombé d’accord sur ce qu’on voulait faire. Il m’a envoyé les cinq premières pages, m’a dit que si ça ne plaisait pas, on voyait. Lorsque je les ai lues, j’étais convaincu !
Zombies est sorti au milieu de plein d’autres titres mettant en scène les morts-vivants. Pas trop la pression lorsque l’on voit le succès de Walking Dead ?
SC : C’était un peu difficile. Je connaissais la série Walking Dead sans les avoir lus. J’ai veillé à ne pas les lire avant que le premier tome de Zombies ne soit sorti. Je savais qu’Olivier les avait déjà lus, par contre, mais il ne souhaitait pas faire un ersatz de plus. Une fois l'album sorti, je me suis procuré les premiers Walking Dead et j'étais ravi de voir que notre approche du genre s'en distinguait. Kirkman a vraiment cette approche typique des séries qui fait qu’on veut suivre chaque épisode tous les mois. Il y a cette espèce d’addiction et cette dimension série. On a essayé de donner par le format, la mise en couleur, le travail sur les décors parfois un peu laborieux, une dimension plus cinématographique à Zombies. C’est pour ça qu’on fait une trilogie, on veut rester concentrés dessus et bien mobiliser notre énergie. Walking Dead est pour moi une sorte de peinture de la névrose américaine, une série de portraits. On a essayé d’avoir une vision plus optimiste. On se place après la contamination et soit on est tout seul, mais alors vraiment tout seul, soit on est un groupe, mais on est 500. On essaie alors de redémarrer quelque chose. C’est intéressant de développer cet aspect, car il est assez peu amené dans la plupart des projets cinématographiques ou en bandes dessinées.
Ta couverture est carrément impressionnante ! Tu ne mens pas sur le contenu !
SC : C’était un peu le pari. Bêtement, j’avais opté pour quelque chose de très classique avec le héros mais lorsque j’en ai parlé avec Olivier, il m’a dit de rester simple pour les gens. Notre BD s’appelle Zombies, donc on met plein de zombies dessus. On ne va pas leur mentir, il y en a plein dedans. Aujourd’hui, il y a pas mal de couvertures faites par d’autres illustrateurs et je souhaiterais vraiment que ce soit moi qui la réalise, histoire d’être fidèle pour le lecteur du début à la fin.
Combien de temps as-tu mis à réaliser cet album ?
SC : Un peu plus d’un an. J’ai pris un peu de retard sur le tome 2 à cause des séances de dédicaces que je n’avais pas prévues. J’ai aussi fait l’erreur de prendre quelques jours de vacances, mais je m’y prendrais autrement sur le suivant. Pour information, on prévoit pas mal de choses autour de Zombies, puisqu’on prévoit un tome 0. Ce sera toujours Olivier au scénario, mais pas moi aux dessins. Ce sera Lucio Leoni qui va le faire. Il y aura peut être aussi un autre projet scénarisé cette fois par Jean-Luc Istin.
Du coup, tu feras les couvertures ?
SC : Je ne sais pas, mais je vais leur souffler de garder le même coloriste [NDLR : Simon Champelovier]. Il a beaucoup apporté à l’album. Il a beau travailler sur informatique, il a trouvé des teintes qui vont bien, un rendu qui tâche et qui va bien avec les zombies. Il a super bien bossé et j’espère qu’il sera sur tous les autres albums de notre projet.
Certaines doubles pages sont carrément impressionnantes. Dans celles-ci, tes héros paraissent presque comme des détails. Tu préfères illustrer les héros ou les zombies ?
SC : L’avantage des zombies c’est que si je me plante, ce n’est pas grave, je pourrais toujours dire que c’est normal. Par contre, pour les héros je ne peux pas ! Je me régale avec les zombies et les plans panoramiques. Ce n’est pas toujours facile mais je m’éclate.
Tristan Roulot (Le testament du capitaine Crown) nous disait que Serge Lapointe lui ressemblait beaucoup…
SC : C’est un super copain d’Olivier ! J’ai glissé plein de caméo dans l’album : des copains, ma copine et même moi sur la couverture. Dans les premières pages, ce sont mes ex-colocataires qui ont des balles dans la tête. Ils ont tous posés ! J’ai pas mal de copains qui sont morts dans le tome 1 et je vais encore en mettre pas mal dans le tome 2. Tout se fait au fur et à mesure des rencontres.
Quelles lectures t’ont marqués récemment ?
SC : Belleville Story. J’adore le graphisme, c’est vraiment très bon. Les dessins possèdent un trait assez lâché avec une rigueur étonnante. Il y a un super boulot dessus. Pluto de Naoki Urasawa. Quai d’Orsay de Blain. Incognito d’Ed Brubaker et Sean Phillips. J’ai lu Criminal après et j’ai encore plus aimé. Le dernier Arzak de Moebius. Il a réussi à faire un travail, une fois de plus, génial dessus. Les Bouncer de Boucq.
Si tu avais une gomme magique pour corriger automatiquement une case ou une planche, souhaiterais-tu l’utiliser ?
SC : D’un côté, je referais tout l’album, mais en même temps cela fait partie de l’apprentissage du métier. Quand je vois Tranktat qui reprend tous ses tomes de H.K., c’est impossible pour moi.
Si tu avais le pouvoir d’entrer dans le le crâne d’un autre auteur pour en comprendre son génie ou son art, qui choisirais-tu ?
SC : Je pense que j’irais dans la tête de Kubrick, étudier comment il concevait son cadrage et ses films.
Merci Sophian !