C'est en novembre 1980 que Thierry Mornet alias Terry Stillborn créa le Garde Républicain dans le cadre d'un concours pour le magazine Mustang. Il aura fallu attendre 23 années pour que le personnage revienne au premier plan. Tout d'abord au début de l'été avec la sortie des premières aventures dans Strangers Universe t.5 puis cet automne avec Le Garde Républicain t.2. Particulièrement emballés par de tels débuts, nous avons posé nos nombreuses questions au scénariste (Terry) et au dessinateur Christophe Hénin pour qu'ils nous parlent un peu plus de ce fameux Garde...
interview Comics
Terry Stillborn & Christophe Hénin
Réalisée en lien avec les albums Le Garde Républicain T2, Strangers Universe T5
Pouvez-vous vous présenter et nous dire comment vous êtes arrivés sur Le Garde Républicain ?
Christophe Hénin : Je suis arrivé sur Le Garde Républicain grâce à ma rencontre avec Terry.
Terry Stillborn : J'avais remarqué l'un des premiers travaux de Christophe publié sur le French Crow, et je trouvais qu'il y avait du potentiel. Mais je ne le connaissais pas personnellement. J'ai eu l'occasion - par un ami commun - de le rencontrer au cours d'un festival Star Wars, et il m'a montré d'autres travaux. Il travaillait alors sur un projet humoristique, dans un style semi-réaliste. En discutant, nous nous sommes rendus compte que nous avions les mêmes goûts et les mêmes références en matière de comics en général, et de super-héros en particulier. Quelques temps plus tard, je lui ai parlé de ce projet du Garde Républicain, que j'avais ressorti des cartons et qui prenait doucement forme. Je lui ai proposé de collaborer sur un récit, mais dans un style réaliste, qui à mon sens lui convient mieux. Christophe est un gros bosseur, et moins d'une semaine plus tard il m'envoyait une dizaine de pages de croquis divers et variés qu'il avait réalisés à partir de mon concept de base, des échanges que nous avions eus, etc... Bref, il était à fond (rires). Parmi les recherches qu'il avait faites, un design en particulier - qui déviait justement de celui que je lui avais fourni initialement - m'avait tapé dans l’œil. Il ne me restait plus qu'à écrire un récit pour animer cette version du Garde Républicain.
Christophe, comment es-tu arrivé sur la série ?
Christophe Hénin : J'ai rencontré Terry grâce à un ami commun, Philippe, l'un des organisateurs de la convention "Génération Star Wars et Science Fiction", en 2011. Terry était là pour accompagner Doug Wheatley, et il a eu la gentillesse de prendre un moment pour regarder mes books. Un ou deux mois après, il m'a contacté par mail pour savoir si je serais intéressé pour faire une illustration pour un super héros qu'il voulait ressortir de ses cartons. Le personnage n'ayant pas de design définitif, j'ai commencé par lui envoyer une vingtaine de designs différents, sur différentes époques, pour savoir lequel lui plairait le plus. Là, il a flashé sur l'un d'entre eux, qui lui a donné une idée d'un récit situé en fin des années 60-début 70. Et on est partis là-dessus.
A quoi peut-on s'attendre sur ce tome 2 ?
Christophe Hénin : Un nouveau Garde Républicain reprend l'uniforme, et va être confronté à la "raison d'état".
Terry Stillborn : Ce qui rend ce projet autour du Garde Républicain amusant à réaliser est son aspect protéiforme. Chaque récit peut se situer dans un contexte historique différent, et mettre en scène une incarnation différente du Garde. Les personnages secondaires varient également selon les récits; bien sûr. Dès que le concept du Garde a pris forme il y a maintenant près de deux ans, ce qui m'a intéressé - outre la possibilité d'animer un super-héros Frenchy - était le nombre de variations possibles autour du personnage. Je ne m'ennuie jamais, c'est même tout à fait le contraire : je manque de temps pour explorer tous les récits que j'ai en tête ! C'est terrible ! (rires) A chaque fois quasiment que j'ai la chance de recevoir un nouveau dessin, cela fait naître un nouveau récit potentiel ! Sans parler des périodes de l'Histoire de France qui sont des "passages obligés" dans lesquelles j'ai envie de voir se débattre le Garde !! Ce deuxième opus est différent du premier qui consistait à installer le personnage et son concept dans l'esprit des lecteurs. Le Garde existe à une époque contemporaine, et on fait sa connaissance dans Strangers Universe 5, alors qu'il est en place depuis quelques temps déjà. On comprend qu'il a eu des prédécesseurs et qu'il aura sans doute des successeurs. C'est pourquoi je souhaitais dès le 2ème numéro présenter un autre Garde évoluant à une autre époque, en l'occurrence à la fin des années 1960, juste après les événements de mai 1968. Le récit - et le rythme de réalisation - nous ont permis avec Christophe de travailler sur un épisode complet... qui est passé de 22 à 26 pages en cours de route, afin de laisser Christophe s'amuser sur les séquences de combat Je souhaitais en revanche que ce 2ème numéro soit présenté au même format que le premier (48 pages). J'ai donc cherché un récit complémentaire... Qui se trouvait être d'ores et déjà partiellement réalisé. En effet, Laurent Lefeuvre - créateur de Paotr Louarn (Fox Boy en Breton) m'avait demandé quelques mois auparavant s'il pouvait utiliser le Garde dans les aventures de son héros. Je m'étais empressé de dire oui, tant j'admire le travail et l'auteur. Résultat, un crossover remis au goût du jour qui s'installe sur 18 superbes pages en 2ème partie, et permet de mettre en scène un Garde plus contemporain que la version réalisée avec Christophe. C'est pourquoi ce numéro 2 du Garde est proposé avec deux couvertures variantes, respectivement réalisée par Christophe et Laurent. Cerise sur le gâteau, chaque numéro commandé sera offert avec un ex-libris signé, reprenant une illustration inédite du Garde réalisée par Eric Powell, le créateur du Goon et de Chimichanga. Du pur bonheur !!
Quelles sont vos influences (en terme d'écriture et de dessin) ? Et plus particulièrement sur le "Recrutement" ?
Christophe Hénin : Mes influences, en général, sont effectivement "comics" (John Romita Sr et Jr, Tom Palmer, Jack Kirby, Gil Kane, Steve Epting, Ron Garney, Ron Lim, Jim Lee, Mark Bagley, Joe, Adam, Andy Kubert,... Houlà, je m’arrête là, la liste va devenir trop longue !). Pour "Le Recrutement", j'ai été pas mal influencé par le duo Stuart Immonen/Wade Von Grawbadger. Nous étions en plein "Fear itself" alors que je commençais les premières planches du Garde, et je trouvais que Stuart Immonen arrivait à une simplification super intéressante pour donner l'illusion du détail. Et Wade Von Grawbadger a un encrage qui colle parfaitement avec cela. J'ai donc essayé de me "nourrir" de cet aspect, tout en gardant ma "patte".
Terry Stillborn : Je dois avouer ne pas forcément revendiquer d'influence en terme d'écritures... Pas plus d'ailleurs que je ne revendique le titre de scénariste à proprement parler J'ai la chance de naviguer dans le milieu de la bande dessinée depuis quelques années, et d'être au contact d'auteurs et de narrateurs beaucoup plus talentueux que je ne le serai jamais. J'admire le travail de très nombreux scénaristes et romanciers; ceux capables de me "trimballer", de me promener par le bout du nez. C'est vrai en matière de romans, de séries TV, de cinéma et de BD. J'aime qu'on me surprenne, que l'on me fasse bouger en termes d'émotion, je déteste deviner l'assassin au bout de 10 minutes par exemple Pour rester dans le domaine de la BD, je suis particulièrement quelques auteurs ces dernières années : Ed Brubaker, Greg Rucka, Carlos Trillo, Brian Bendis (sur ces polars), Mark Millar (pas tout) mais aussi David Chauvel, Carlos Gimenez, Herik Hanna, Luca Blengino, Archie Goodwin, Fabien Vehlmann, Serge Lehman, Zidrou, Xavier Dorison, Wilfrid Lupano, sans oublier Grant Morisson (pas tout) et Alan Moore bien sûr, etc. N'étant pas réellement scénariste, je m'appuie sur une technique rudimentaire en adaptant à ma sauce le "Marvel way", c'est à dire que je fournis un synopsis détaillé, émaillé parfois de quelques séquences déjà dialoguées. Lorsqu'une séquence m'apparait clairement, je la pré-découpe, et je donne des indications au dessinateur. J'essaye de donner un rythme aux pages et aux séquences, mais j'essaye de lui laisser de la liberté pour mettre en scène comme il le juge efficace et amusant. Une fois les découpages ou même les pages dessinées, je m'attaque aux dialogues. Cela permet de revenir avec une souplesse très pratique sur des séquences qui ont été interprétées par le dessinateur parfois différemment de ce que l'on imaginait (et cela est justement très intéressant); et de donner à l'ensemble une cohérence et une fluidité. Plus spécifiquement, sur "Recrutement", je souhaitais jouer avec les clichés quasi-incontournables lorsqu'il est question de super-héros des origines. Dans le cas présent, puisque les Gardes n'ont - a priori - pas de super-pouvoirs, il s'agissait de raconter comment celui qui nous intéresse endossait le rôle et le costume du Garde. J'ai imaginé une séquence qui s'inscrit dans un récit plus large, qui potentiellement couvre plusieurs générations de Gardes. Disons que si les lecteurs sont au rendez-vous, et que je trouve le temps de poursuivre ce "méta-récit", chaque élément évoqué dans "Recrutement" (mais aussi dans "Marianne" dans Strangers Universe 5) trouvera sa justification plus tard, dans des récits à venir du Garde. Sous des aspects "cliché", et des aventures en apparence entendues (respectant ainsi les codes du genre super-héros) je promène un récit qui trouvera son aboutissement j'espère dans quelques temps.
Comment s'est passée votre collaboration ?
Christophe Hénin : Très mal Non, je rigole, c'était vraiment super-extra-sympa-enrichissant Thierry connait parfaitement les comics et il a un immense respect pour les auteurs. Je n'arrêtais pas de lui dire "si tu vois des trucs qui ne vont pas, n'hésite pas à me le dire, je corrigerai": il a été super, me laissant une grande marge de manœuvre dans la mise en scène. Ses conseils ont tous été justes et précieux, et pouvoir travailler avec lui est une réelle chance.
Terry Stillborn : J'ai vraiment souffert !! (rires). Non, sincèrement, c'est très cool de collaborer avec Christophe. C'est un dessinateur aussi talentueux qu'il est humble et bosseur. Il est incroyable, toujours à l'écoute. Cela s'est passé à merveille. Au point que nous allons revisiter l'univers du Garde version années 1970 dès que possible (en fait, dès que j'aurai eu le temps de mettre à plat les idées d'une suite à "Recrutement")..
Christophe, comment as-tu appréhendé le personnage ? L'as-tu re-designé ?
Christophe Hénin : En fait, ce design du Garde des 70's provient de l'une des recherches que j'avais faite pour définir un costume, à la base, juste pour une illustration. La version finale est très proche de ce croquis, sur lequel Terry et moi avions flashé. Pour moi, ce Garde là est une masse, un physique imposant et des idéaux bien ancrés. Il croit à la République et est fier de la représenter. Je le vois comme le Captain America des débuts, un peu naïf, voyant le monde en noir et blanc... pour un temps tout du moins.
Le Garde Républicain est donc schématiquement le pendant "french comics" de Captain America...
Terry Stillborn : Oui, schématiquement. En fait, le personnage est amené à évoluer. Il part d'un "Captain France" (en cela, la remarque qui le lie à Captain America n'est pas fausse) pour évoluer rapidement vers Nomad (1ère version, tel que Steve Englehart l'avait imaginé dans les pages de Captain America justement au cours des années 70).
Captain America, et par extension le Garde Républicain, sont des personnages humanistes et généreux qui se dévouent pour les autres et pour leur pays...
Terry Stillborn : Oui, il y a de l'altruisme dans ce qu'il fait. Et un profond respect pour les valeurs de la République qu'il incarne.
Est-ce que l'aspect "icône national" est un élément compliqué à gérer ?
Terry Stillborn : Dans le contexte idéologique dans lequel baigne une partie de l'opinion en France - dans sa relation au patriotisme pour ne pas parler de défiance, dans le rejet que font certains - sans doute pour de mauvaises raisons - du drapeau, dans la considération (ou l'absence de considération) que de nombreuses personnes ont pour ce pays dans lequel nous avons pourtant la chance de vivre - tu peux même dire que c'est carrément casse-gueule ! (Rires) En revanche, j'avais conscience des difficultés potentielles en décidant d'animer un personnage - super-héros de surcroît - qui arbore du bleu/blanc/rouge. A partir du moment où on est clair sur ses propres idées - et propre sur ses idées claires - écrire et animer un tel personnage n'est pas tellement compliqué. Qui plus est, le plaisir vient de l'écriture de l'ensemble des personnages, de leur interaction, etc. Marianne par exemple a été particulièrement fun à écrire.
Christophe Hénin : Le côté "Icône national" n'est pas évident à gérer, car autant aux États-Unis, un type habillé en Bleu-Blanc-Rouge symbolise le Patriotisme dans tout ce qu'il y a de plus noble, autant en France, on a du mal avec ça... La fibre patriotique est dure à mettre en avant, ce n'est pas dans nos mœurs, il y a un espèce de "tabou" sous-jacent. Pour moi en tout cas, le Garde représente les valeurs fondamentales de la République (avec un grand "R"), il y croit dur comme fer, il est probablement apolitique et ne veut que la justice et la liberté. Et ce que j'ai trouvé intéressant, c'est justement que sa "foi" va être mise à rude épreuve, la vraie République est-elle celle en laquelle il croit ?
Y a t-il une ligne à ne pas franchir ?
Terry Stillborn : Le Garde Républicain n'est pas une "BD à message". Ni une déclaration idéologique ou une tribune politique. En revanche, dès lors que l'on arbore du bleu/blanc/rouge, je fais attention à être clair : il ne s'agit pas d'un perso nationaliste. Je fais parfaitement la distinction entre nationalisme et patriotisme. J'ai même un récit qui traite de cela à venir.
Christophe Hénin : Quant à savoir s'il y a une ligne à ne pas franchir... oui et non... la ligne dépend des gens, il y en aura toujours qui chercheront un 5ème, 6ème, 12ème ou 28ème degré...
Dans la version Ultimates de Captain America, Mark Millar avait donné un côté assez nationaliste à la Bannière étoilée. C'est un aspect que tu souhaiterais explorer Terry ?
Terry Stillborn : Comme je viens de le préciser, c'est exactement le contraire. Défendre / incarner des valeurs et préceptes républicains ne mène ABSOLUMENT PAS DE MANIÈRE OBLIGATOIRE à partager certaines thèses et idées nationalistes, rétrogrades et nauséabondes.
La seconde partie de l'album est illustrée par Laurent Lefeuvre. Y a t-il un lien entre les deux récits ? A t-il fallu respecter certaines caractéristiques visuelles entre les deux parties ?
Christophe Hénin : Je ne peux pas parler pour ce récit, mais pour ma part, j'ai retravaillé un visage pour coller avec ce que l'on pourrait voir dans une autre histoire... mais... chuuuut !!!!!
Terry Stillborn : Cette seconde partie est l'occasion de publier les très belles pages de Laurent d'une part, et de croiser une incarnation du Garde, qui est plus contemporaine (qui est d'ailleurs le même que celui apparu dans Strangers Universe 5). Il n'y a pas de lien direct entre les deux récits. Comme le précise Christophe, il a effectivement retravaillé le visage d'une personnage qui apparaît dans "Recrutement", afin d'être raccord avec un récit intitulé "Rubicon" en cours de réalisation qui se passe chronologiquement un peu avant. More on that later...
Terry, les aventures du Garde Républicain paraissent à un rythme soutenu. A quoi peut-on s'attendre dans les prochains mois ?
Terry Stillborn : J'aimerais même pouvoir publier des récits mettant en scène le Garde encore plus souvent ! Mais il s'agit d'un projet entièrement auto-produit et auto-financé, réalisé sur mon temps libre. Écrire prend du temps, éditer encore plus, se charger de la post-production - même si je suis bien aidé par Jean-Marc Lofficier d'Hexagon Comics et Anthony Dugenest de Wanga - et de la distribution (impossible de passer par un distributeur qui prend entre 55 et 60% du prix de vente, donc je traite les commandes directement et mets sous pli le soir ou les weekends). Pour qu'un nouveau numéro sorte, il faut que je vende le précédent suffisamment, car je dois payer les dessinateurs, les coloristes et l'impression. En revanche, on peut s'attendre à voir - si cette aventure éditoriale au modèle atypique se poursuit avec suffisamment de lecteurs intéressés :
- Un nouvel opus du Garde au cours du premier semestre 2014, dont le contenu sera sans doute constitué de deux récits. J'ai sous le coude des histoires depuis trop longtemps en attente destinées à des dessinateurs tous plus talentueux les uns que les autres : Luciano "Wampus, Kabur" Bernasconi, Thierry Olivier, Jim "Captain LSD" Dandy, Davide "Star Wars" Fabbri ou encore Eric "French Crow" Godeau et un nouveau venu, Danny Rhodes, au style plus que prometteur.
- Une apparition du Garde dans un album à paraitre chez Wanga... Oui, je tease ! :)
- Les Partisans, un récit de super-héros de l'univers Hexagon situé au cours de la seconde guerre mondiale, écrit à 4 mains par Jean-Marc Lofficier et Roy Thomas (excusez du peu !), dans lequel le Garde version "WWII" joue un rôle prépondérant. A paraitre début 2014.
- Il a été question d'une apparition du Garde dans les pages du Patrouilleur de Pierre Minne, mais nous devons encore discuter de la manière de procéder.
- Et si tout se confirme, une autre annonce qui devrait faire parler d'elle parmi les fans de french comics !!!
- Sans parler des superbes illustrations qui continuent à arriver régulièrement et sont postées sur la page Facebook dédiée au personnage : www.facebook/legarderepublicain Je souhaite également remercier Bryan Wetstein pour son superbe travail de colorisation sur les dessins de Christophe Henin, amis aussi Anthony "Wanga" Dugenest, lettreur émerite, qui se charge de préparer les fichiers pour l'imprimeur.
De même, un grand merci à Laurent Lefeuvre qui a formidablement joué avec le personnage du Garde dans un récit de son personnage Fox-Boy, qui apparaît en 2e partie de ce Garde #2.
Tu as envie de revenir sur le Garde Républicain pour de nouvelles aventures, Christophe ?
Christophe Hénin : Un peu que je veux ! Deux raisons à cela : la première, travailler avec Thierry est une aventure extra, qui me permet d'apprendre et de m'améliorer. La seconde : je me suis attaché au personnage, et je pense que ce garde a encore pas mal de choses à faire...
Régulièrement sur la page facebook du Garde, on peut voir des visuels hommages au héros. Penses-tu les réunir un jour ? Comment as-tu fait Terry pour qu'Eric Powell ou Szymon Kudranski se proposent, tu les as torturé ? lol
Terry Stillborn : Les réunir est une possibilité; mais cela a un coût d'imprimer un tel ouvrage. Et sincèrement, dans la mesure où la grande majorité des auteurs m'ont fait le plaisir de m'offrir ces illustrations gratuitement, je ne me vois pas le vendre. Je respecte trop les auteurs pour cela. Quant à savoir si Szymon, Eric ou même Charlie Adlard ont souffert... Hum... Visiblement pas trop.
Quels sont les éléments obligatoires dans le costume du personnage ?
Christophe Hénin : Cela peut varier selon les époques et les incarnations, mais en l'occurrence on peut retenir comme base : la référence aux couleurs Bleu Blanc Rouge du drapeau (et sur le costume des véritables Gardes Républicains), le casque orné de la crinière (défensive contre les coups de sabre pour les vrais Gardes, et électronique / électrifiée dans le cas du perso BD), les bottes renforcées, et le tonfa (télescopique). Sans oublier le masque. Dans le brief que Thierry m'avait fait pour me présenter le personnage, il m'avait indiqué vouloir un Tonfa comme arme (matraque avec poignée latérale). Même si cette arme n'était pas en vigueur dans les forces de police à l'époque de notre récit, nous avons décidé de l'utiliser tout de même. En effet, notre récit ne se veut pas purement et absolument historique, nous avons placé notre aventure dans un contexte (fin des années 60- tout début des années 70), mais cela ne se veut pas une photographie de ces années là. Notre parti-pris est de donner un "background", une atmosphère, mais nous ne réalisons pas une étude de la société des 60-70's. Nous revisitons l'histoire : par exemple, dans une page, le héros rencontre le Général De Gaulle, nous avons décidé de représenter le Général comme on le voyait des années plus tôt, avec son fameux képi, dans une représentation forte. Pour moi, dès lors que l'on inclue des éléments "surnaturels" (un Super Héros), on dévie déjà de l'Histoire, on peut donc se permettre des écarts sur le reste aussi. Après, c'est mon avis et la façon dont nous avons décidé d'aborder le récit Sinon, pour en revenir aux éléments obligatoires: les couleurs Bleu, Blanc et Rouge devaient figurer sur le costume, ainsi de la "crinière", symbolisant la "Garde Républicaine". Pour le reste, Terry était très ouvert, et m'a laissé toute liberté.
Le fait que le Garde Républicain se retrouve dans l'univers partagé d'Hexagon Comics a t-il entrainé certaines contraintes en terme de dessin ou de narration ? Ou au contraire, cela a ouvert le champ des possibilités ? Dans le 1er album, Juan Roncagiolo Berger avait du revisité les personnages de Baroud et de Jean Brume...
Christophe Hénin : Pour ma part, la récit que j'ai dessiné étant situé début des 70's, et ce numéro introduisant ce Garde là, il n'y a pas de lien avec l'univers Hexagon, donc pas de contrainte de dessin. Juste une retouche de visage d'un personnage apparaissant dans un autre futur récit, mais pas par rapport à l'univers d'Hexagon. Un univers partagé permet, d'après moi, si tout est bien pensé et calibré, d'avoir des interactions super intéressantes, des retours et des points de vue différents sur un personnages, une histoire, selon les éléments apportés par tel ou tel nouveau récit.
Terry Stillborn : En réalité, le Garde est un concept entièrement libre. Il apparait - dans Strangers Universe #5 / Le Garde #1 - aux côtés de personnages pré-existant dans l'univers Hexagon, mais c'est presque un hasard. En fait c'est un choix opéré car le récit s'y prêtait bien. En discutant avec Jean-Marc Lofficier - qui a agi en tant qu'éditeur pour ce premier récit du Garde - nous sommes convenu qu'il serait plus simple et logique, pour un tel perso qui combat le terrorisme sous toutes ces formes, qu'il soit opposé à un groupe pré-existant et déjà introduit - en l'occurrence Crimen, son leader Baroud - que de le créer de toute pièce. Le Garde - et le concept de la série - apparaissait là pour la première fois, ainsi que les persos secondaires et même Marianne. Cela faisait déjà pas mal de nouveaux persos à présenter, donc utiliser des personnages déjà existants - même s'ils ne sont pas très connus du "grand public" - nous évitait de perdre des pages pour les introduire et les présenter en détail etc. La présence de Jean Brume au milieu de tout cela s'est imposée d'elle-même à cause de son passé et de son antagonisme séculaire avec Crimen. Nous avons avec Juan repris les persos de Baroud, Crimen et Jean Brume quasiment tels qu'ils sont apparus ces dernières années dans les aventures d'Homicron (Collection Hexagon, disponible sur le site Rivière Blanche : http://www.riviereblanche.com/homicron.htm#Homicron). En revanche, comme le précise Christophe, le récit "Recrutement" dans Le Garde #2 ne nécessitait aucunement la présence d'éléments ou de personnages de l'univers Hexagon, donc le récit n'y fait ni appel ni référence. Mieux encore, le 2e récit proposé dans Le Garde #2, réalisé par Laurent Lefeuvre, prouve que je fais du Garde absolument ce que je veux Laurent a vu qu'il pouvait utiliser Le Garde dans sa série Fox-Boy. J'admire beaucoup son travail, et je lui ai "prêté" Le Garde. C'est aussi simple que cela C'est un modèle particulier et inhabituel - à l'heure où Marvel et DC Comics veillent sur leurs IP comme sur la prunelle de leurs yeux - mais au sein duquel je suis libre de faire ce que je veux. C'est mon "bac à sable", ma récréation personnelle. Certes, Le Garde n'est pas un personnage connu, mais je dispose d'une entière liberté de création et d'utilisation dessus. C'est ce qui m'intéresse. Mais pour répondre à ta question, c'est définitivement un avantage qu'une contrainte. Pouvoir disposer des persos et concepts développés au sein d'un univers partagé aussi riche que celui d'Hexagon Comics, c'est comme disposer d'une formidable et incroyablement complète boîte à outils.
Quel est le rôle de Jean-Marc L'officier ? Joue t-il une sorte de rédacteur en chef à la Marvel où il veille à la concordance des séries ?
Terry Stillborn : Jean-Marc est le Gardien du Temple des droits des personnages de l'univers Hexagon, qui appartiennent tous à leurs créateurs respectifs. C'est ensuite un professionnel qu'on ne présente plus, qui a écrit des centaines de comics (en solo ou à quatre mains avec son épouse Randy ou encore Roy Thomas), des romans, des épisodes de dessin animés, etc. En ce qui concerne Hexagon, il continue à écrire de nombreux récits (Strangers notamment) et veille effectivement au respect des personnages et à la cohérence des récits. En ce qui concerne Le Garde #1, il m'a conseillé, aiguillé, aidé à épurer le récit et à le structurer. En plus d'être une encyclopédie vivante des comics, c'est une force de travail impressionnante avec qui il est toujours incroyablement enrichissant de collaborer.
Comment avez-vous choisi Bryan Weinstein pour la colorisation ? Christophe, as-tu donné certaines consignes ?
Christophe Hénin : Thierry m'a montré le travail de Bryan, nous lui avons demandé une planche test, non pas pour juger de ses compétences (il est super bon dans ce qu'il fait), mais pour voir si son style collerait au mien. En effet, même si le coloriste est super bon, parfois, ça colle, parfois non, il n'y a pas forcément le "petit truc" qui fait que ça fonctionne entre le dessin et la couleur.
Terry Stillborn : Je cherchais un coloriste pour le second récit, SVART - qui avait réalisé le premier - n'étant pas disponible à ce moment-là. J'ai fait un essai avec un premier coloriste, mais son style ne fonctionnait pas avec le dessin de Christophe. J'ai rencontré Bryan au Salon du Livre de Paris. Il avait collaboré avec Anthony "Wanga" Dugenest et travaillait alors sur Æternum Vale de Pierrick Collinet et Elsa Charretier. Il a fait quelques essais très convaincants, et voilà. Et les demandes de retouches de Christophe donnent un résultat impressionnant. Bryan est réellement un artiste (il dessine aussi) avec un vrai sens de la couleur, pas seulement un technicien des outils informatiques.
Christophe Hénin : Pour les consignes, oulala, j'espère ne pas en avoir fait trop baver à Bryan ! (Rires). Je n'avais jamais travaillé avec un coloriste, je fais moi-même mes couleurs sur les autres projets sur lesquels je travaille, mais pour des raisons de temps, nous avons opté pour cette façon de travailler. Du coup, j'avais une idée assez précise des couleurs que j'aurais mises, des "effets" à certains endroits pour fignoler/compléter le dessin, etc... Donc une fois que Bryan nous a eu transmis les planches colorisées, j'ai noté quelques ajustements, Terry en a fait de même, et Bryan à repris ces petits choses, parfois des riens du tout, mais bon... je suis tatillon ^^ Il a été super, rapide, compétent. Bref, je rebosserais avec lui avec grand plaisir. Merci pour ton boulot Bryan ! :))
On aura compris que le Garde apparaît dans Æternam vale, que va t-il y faire ?
Terry Stillborn : Je connais Pierrick et Elsa depuis quelques temps, lorsqu'ils avaient abordé Charlie Adlard (Walking Dead, Codeflesh, Corps de pierre) pour la première fois lors d'une de ses tournées en France. Charlie est devenu en quelque sorte leur mentor de la BD. Alors qu'il était en train de compléter Æternam vale, Pierrick a réalisé qu'il pouvait incorporer une version du Garde dans le cadre de son récit. Je trouve sincèrement le travail de Pierrick et d'Elsa extrêmement prometteur et en constant progrès. Ils sont tous les deux courageux, très bosseurs et ils ont atteint un niveau de professionnalisme assez bluffant en tout juste quelques années. Bref, Pierrick a demandé s´il pouvait incorporer le Garde dans son récit, et j'ai accepté avec joie, d'autant plus que cela était cohérent et traité d'une manière aussi intéressante qu'originale.
Avez-vous eu des coups de cœur récemment en comics ou en BD ?
Christophe Hénin : J'ai pas mal de retard de lecture, mais dans ma pile de BD en attente, il y a deux-trois trucs que j'ai vraiment hâte de lire ! Sinon, le "Peter Pan" de Régis Loisel, bien que je l'ai lu il y a maintenant quelques années, reste un grand moment.
Terry Stillborn : Absolument ! En ce qui concerne les comics, je continue à suivre régulièrement Daredevil de Mark Waid par exemple. J'aime aussi le travail graphique de Sean Murphy et celui de Duncan Fegredo. La lecture de "Ma Révérence" de Lupano et Rodguen m'a vraiment bluffé. Une belle claque comme je n'en avais pas reçu en BD depuis très longtemps.
Quel super héros auriez-vous aimé avoir créé ? Et pourquoi ? A contrario, quel est le plus ridicule à vos yeux ?
Christophe Hénin : J'aurais aimé créer Captain America... Tout simplement parce qu'il est mon préféré, depuis ce jour de 1983 (ou 84...enfin, dans ces eaux là, j'étais tout pitit ;)), où j'ai eu sa figurine, issue des Guerres secrètes... J'ai flashé sur le costume. Le plus ridicule... hum... j'avoue ne pas être un grand fan de Howard The Duck... Il n'est pas totalement ridicule, mais... mouais... j'accroche pas là...
Terry Stillborn : Difficile, car je ne me suis jamais posé la question en ces termes. En fait, il n'y en a aucun que j'aurais aimé "créer". En revanche, j'ai toujours eu un faible pour La Veuve Noire (qu'on nomme malheureusement The Black Widow maintenant), et j'aurais aimé écrire quelques récits de ce personnage à une époque. Plus maintenant à cause de la surexposition dont le perso fait l'objet dans The Avengers (je regrette d'ailleurs là aussi que la série ne s'appelle plus Les Vengeurs : cela fonctionne pourtant bien en français ??!) et Captain America. N'en déplaise à Christophe ;-), et contrairement à ce que Le Garde Républicain laisserait à penser, je ne suis pas vraiment fan de Captain America. Seuls les vieux épisodes des années 70 dessinés par Kirby, Romita Sr ou Colan (pour les dessins principalement), ceux écrits par Steve Englehart sur la même période et plus récemment la version développée par Ed Brubaker m'intéressent, mais pas le personnage en tant que tel que j'ai toujours trouvé un peu monolithique. Je dois avouer que la bonne surprise récente à mon sens tient au développement du personnage dans Civil War. J'adore en revanche Howard The Duck, qui n'est pas un super-héros :-) Quant au plus "ridicule"? Outre le fait que je reste persuadé qu'il n'y a pas réellement de mauvais personnage, juste des auteurs non adequates pour raconter leurs histoires, je dois avouer que 3D-Man valait son pesant de cacahuettes côté ridicule. Mais je me souviens du Marcassin (Razorback), un camionneur avec un masque de sanglier dans Spectacular Spider-Man. Ou encore Skateman (créé par Neal Adams, sans doute un soir arrosé). Et Dazzler (une idée intéressante... Tournée en ridicule). Mais après tout, pas évident de créer des personnages originaux à la pelle, lorsque l'on doit fournir 22 pages de script par mois :)
Si vous aviez le pouvoir de visiter le crâne d'un auteur pour en comprendre le génie, qui choisiriez-vous ?
Christophe Hénin : Un seul ? Whoaaa, dur... Alan Moore... Je sais, c'est classique comme réponse, mais bon !
Terry Stillborn : Will Eisner en ce qui me concerne.
Merci Messieurs et longue vie au Garde Républicain ! Et pour celles et ceux qui souhaiteraient se lancer dans les aventures du héros, voici le bon de commande !