interview Comics

John Arcudi

©Delcourt édition 2011

Il n'est pas l'auteur le plus couru, ni même le plus prolifique. Pourtant, année après année, cet homme de l'ombre qu’est John Arcudi a démontré tout son talent. En suppléant Mike Mignola sur BPRD, il a fait de ce qui était à l'origine un spin-off d'Hellboy, une des lectures les plus sympathiques du genre. Loin d'être verrouillé au genre fantastique, il livre ces derniers temps des romans graphiques ambitieux, comme A God somewhere, qui rencontrent un certain succès critique et populaire. Malgré une grande discrétion, cet excellent scénariste a accepté de répondre à nos questions incongrues…

Réalisée en lien avec l'album B.P.R.D. T9
Lieu de l'interview : les méandres du net

interview menée
par
20 juillet 2011

Bonjour John, peux-tu nous dire comment tu as commencé à faire de la bande dessinée ?
John Arcudi : En fait, une nuit où j’avais un peu trop bu, j’ai déclaré devant plusieurs personnes que j’étais capable de devenir un scénariste que tout le monde adulerait. L’un de mes amis, qui travaillait chez Marvel, m’a entendu et a dit qu’il leur proposerait ! En redevenant sobre, je me suis rendu compte de l’embarras dans lequel je m’étais mis. Je me suis retroussé les manches et c’est dingue, je suis devenu un vrai scénariste !

Quelles sont tes références ?
JA : Enormément. Mais si je ne devais n’en citer qu’une seule, ce serait Charles Willeford. C’est un écrivain qui évolue dans le genre du suspense. Il est surtout connu pour ses romans mettant en scène le détective Hoke Moseley. Miami Blues est le plus célèbre.

© John ArcudiTu as énormément travaillé sur des adaptations de films comme Predator, Aliens, Terminator, The Mask, etc. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur ces titres ?
JA : On ne peut pas vraiment dire que j’étais bon sur ces albums. Heureusement, il y a eu des lecteurs qui les ont tout de même achetés.

En France, on te connaît surtout pour BPRD. Comment as-tu rencontré Mike Mignola ?
JA : Nous nous sommes rencontrés lors d’un festival, il y a pas mal d’années et on s’est tout de suite très bien entendus. Depuis, on travaille toujours ensemble.

Mike Mignola n’hésite pas à dire que c’est extrêmement simple de collaborer avec toi. Il dit que dès qu’il a une idée, tu crées immédiatement l’histoire. Tu as une aussi grande liberté ?
JA : Oui, on me laisse faire ce que je veux. En fait, j’ai beaucoup d’idées pour nos titres et Mike m’encourage toujours à les écrire. Bien sûr, elles doivent respecter la trame générale, mais il apprécie mes initiatives, ce qui est très gratifiant. Il arrive aussi parfois que je ne respecte pas parfaitement ce qu’on avait prévu, mais il me laisse aller jusqu’au bout de ma démarche pour voir si c’est le meilleur choix.

Le lien entre tes premiers titres et BPRD est le registre de l’horreur. Es-tu fan du genre ?
JA : Quand j’étais gosse, j’adorais tout ce qui touchait à l’horreur, à la science-fiction et aux monstres. C’est une progression naturelle non ?

Pour nous autres bédiens, la série BPRD a vraiment décollé à ton arrivée. Que penses-tu des précédents albums ?
JA : Merci ! En fait, il y avait des choses importantes à développer dans chacune des histoires précédentes. Dans Au creux de la Terre (tome 1), on a les bases pour réaliser de grandes choses. Le fléau des grenouilles est excellent et j’avoue que j’avais la pression pour poursuivre ce cycle. C’est un super bouquin.

Nous venons d’apprendre que Guy Davis avait quitté la série (au tome 12 pour la France). Qu’en penses-tu ?
JA : C’est triste car Guy et moi sommes devenus de très bons amis après toutes ces années à travailler ensemble. Cependant, que les lecteurs se rassurent : Tyler Crook, son remplaçant, est un excellent artiste et il fait du bon boulot. Il faut tout de même avouer que je change ma façon d’aborder mes récits, mais cela ne change rien à nos plans futurs.

As-tu des personnages favoris ?
JA : Non pas vraiment, cela dépend de ce que j’écris. J’apprécie surtout de pouvoir explorer plus en profondeur chaque héros.

© John Arcudi

Les lecteurs de la série Abe Sapien seront ravis d’apprendre que tu arrives sur le titre dès le second opus. C’est Mike Mignola qui te l’a proposé ?
JA : Mike et Scott Allie (NDLR : son éditeur chez Dark Horse comics) m’ont toujours laissé une immense liberté dans ce que j’écris. Il peut parfois arriver que lors de délais réduits, tu travailles avec d’autres éditeurs qui essaient de te forcer à changer des choses et ce n’est jamais très agréable. Mike et Scott me laissent une paix royale, pourquoi je refuserais ?

Tu travailles sur BPRD et Abe Sapien avec Mike Mignola. Que va-t-il te proposer ensuite : Hellboy ?
JA : Je ne vois personne d’autre que Mike écrire Hellboy, c’est tellement son truc.

Quels sont tes futurs projets ?
JA : En octobre, Dark Horse comics va ressortir une intégrale de Major Bummer que j’avais écrit il y a quelques années avec Doug Mahnke. C’était un titre indépendant et je pense qu’il s’agit d’un de mes meilleurs comics, je suis que Doug pense la même chose. Je suis donc ravi de les voir réimprimer. L’an dernier, j’ai sorti un roman graphique intitulé A God somewhere (NDLR : Panini annonce la sortie de cet album durant l’été 2011) avec Peter Snejberg et l’incroyable Bjarne Hansen aux couleurs. Ce fut une belle expérience, un succès critique et populaire. J’ai même appris qu’il allait y avoir d’autres tirages durant l’été. C’est aussi grâce au succès de cet album que je vais pouvoir me pencher sur un autre roman graphique… mais je ne peux pas trop en parler. La seule chose que je peux dire est que ce sera très spécial. C’est important pour n’importe quel auteur de pouvoir se lancer dans de tels projets, cela permet de rester suffisamment frais dans son approche narrative. Et puis, cela aura aussi un impact bénéfique pour BPRD. En bref, je m’éclate en ce moment !

Si je t’offrais un super pouvoir, lequel voudrais-tu ?
JA : Celui de pouvoir dormir quand je veux !

Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d’un autre auteur pour en comprendre sa démarche, son art… Qui choisirais-tu ?
JA : Je n’ai pas vraiment d’idole… Le seul qui me vient à l’esprit à présent, est Jack Cole , le créateur de Plastic Man. C’est mon dessinateur favori.

Thanx Mr Arcudi !

© John Arcudi