L'histoire :
Voici des heures qu’il attendait. Peut-être des jours. Quand les grands prêtres du temple de Delphes vinrent le trouver, le dénommé Alcide d’Argolide – qui n’était pas encore Héraklès – ne put retenir une parole de reproche. On lui expliqua que les préparations prenaient toujours du temps pour que la Pythie puisse rendre son oracle. Introduit dans l’antre de la devineresse, baignant dans une atmosphère de fumées et de senteurs lourdes, nécessaires à son délire, le voyageur écouta la traduction des quelques paroles prononcées, incompréhensibles par le commun des mortels. En gros, cela disait : « Alcide, fils de Zeus, tous devront désormais t’appeler Héraklès lorsque tu auras surmonté les épreuves d’Eurysthée. Alors immortel, l’Olympe deviendra ton foyer ». Devenir immortel à l’égal des dieux ? Alcide en avait-il seulement le désir ? Heureux mari et père de trois beaux enfants, à écouter sa femme Mégara, il avait plus à perdre qu’à y gagner. N’avait-il pas déjà tout le loisir de ridiculiser son cousin et roi Eurysthée, sans avoir besoin de revendiquer l’Olympe ? Une vie simple et bienheureuse pouvait être préférable à celle d’un héros tourmenté. Mais Alcide avait-il le choix ? Les dieux n’ont que faire des souhaits des hommes. Et si Héra souhaitait qu’il devienne un jouet à sa gloire, alors elle pourrait le rendre fou, jusqu’à ce qu’il massacre dans un excès de folie toute sa famille ! Alors, coupable, il devrait se racheter et accomplir son destin, les travaux qui lui seraient demandés, tous sans exception…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le pari d’Edouard Cour n’était pas chose facile. Réécrire l’histoire d’Héraclès et de ses fameux douze travaux a en effet été pratiqué maintes fois, en bande dessinée comme ailleurs. Mais à bien y regarder, qui connaît vraiment le mythe par le détail ? Les lecteurs de La Gloire d’Héra signé Le Tendre et Rossi savent déjà qu’avant Héraclès il y eut Alcide d’Argolide et que, par la faute d’un orgueil démesuré qui lui valut le courroux de la femme de Zeus, sa folie meurtrière le condamna en rédemption à l’impossible… Mais cela s’arrêtait là. Le génie d’Edouard Cour a donc été de repenser toute la narration du mythe, de son alpha à son oméga, d’orchestrer son découpage de façon ultra-moderne, à la fois séquencé et percutant, de brasser les innombrables personnages qui peuplent l’histoire, mais de ne s’attacher qu’au héros lui-même : l’homme face à sa légende. Tome après tome, l’intensité n’a fait que croître. Jusqu’à la dernière page, le lecteur – même averti – aura été surpris et bluffé par une intrigue qui jamais n’a faibli. Sur ce troisième tome, le lien avec le divin est très prégnant. Contraint par sa condition humaine et ses accès de folie coupables, le destin d’Héraclès, en dépit de sa force extraordinaire, semble ne pas devoir se réaliser. Le parti-pris graphique est plus tranché aussi, mieux assumé et maîtrisé. Le trait est nerveux, dense, lumineux de fait. L’ambiance d’époque est parfaitement restituée sans s’embarrasser de trop de chichi. Au final, on aura éprouvé beaucoup de plaisir à la lecture de cette trilogie conclue en apothéose. La confirmation d’un talent, en somme, et d’une histoire dont la compréhension aura été brillante, terrible ! A ne pas manquer.