L'histoire :
Terrinconus, géographe officiel de Jules César, fait miroiter à son empereur qu’il existe, dans les lointaines contrées barbaresques de l’Est, un animal de légende qui ferait fureur aux jeux du cirque : le griffon. Une amazone sarmate ayant récemment été capturée par les légions de Rome, il suffit de s’en servir de guide et de monter une expédition. Il n’en faut pas plus pour décider César, qui soigne toujours sa popularité. Quelques mois plus tard, des légionnaires romains traversent les immenses steppes glacées du territoire Barbaricum. Ils sont menés par Terrinconus, mais aussi par le centurion Dansonjus et le venator Jolicursus, déjà éprouvé à la (vaine) chasse de diverses chimères légendaires. Or en parallèle de cette expédition, le chaman sarmate Cékankondine a appelé à la rescousse, par télépathie, son ami le druide Panoramix. Il a en effet vu, lors d’une de ses transes, que l’animal sacré de sa tribu, le griffon, était menacé par des étrangers venus d’occident. Son tambour et sa magie lui ont aussi permis de déceler que la solution viendrait du « plus petit des gaulois » qui viendrait pour les aider. C’est ainsi par une fraîche journée hivernale, qu’Astérix, Obélix, Panoramix et Idéfix sont chaleureusement accueillis au village de Cékankondine. Un problème de taille se révèle alors : la potion magique a gelé. Or une fois gelée, elle perd définitivement toutes ses vertus…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Depuis sa création, il y a une soixantaine d’années, par René Goscinny et Albert Uderzo, Astérix est devenu plus qu’une icône, une véritable institution. Sans doute la série BD la plus vendue, mais aussi la plus connue à l’étranger, à la fois porte-drapeau du 9ème art, incarnation de l’âme résistante et du patriotisme français. La sortie de chaque nouvel album est un évènement. Or ce 39ème opus est le premier à paraître après la mort du dernier de ses créateurs – Albert Uderzo nous a quittés en mars 2020. Depuis le tome 35, l’équipe Jean-Yves Ferri et Didier Conrad perpétuent fort bien l’esprit de ce fringant gaulois moustachu et de son gros ami (juste un peu enrobé !) livreur de menhirs. Comme cela lui est régulièrement arrivé au cours de sa saga, le duo s’expatrie cette fois pour une aventure en terres étrangères. Leur point de chute : le territoire des sarmates, l’actuel Kazakhstan, pour une improbable chasse au griffon. Cet animal légendaire issu de la mythologie grecque ressemble à un lion avec une tête et des ailes d’aigle. Trouveront-ils une telle bestiole ? Après tout, cet animal est pour l’époque aussi improbable qu’une girafe, il incarne avant tout l’ignorance zoologique des romains et ouvre la porte à la thématique principale de cet opus, parfaitement dans l’air du temps : la manipulation, les fake news, les théories du complot. Habile scénariste et calembourgeois, Ferri perpétue ainsi les nombreux jeux de mots qui ont une résonnance très actuelle, aussi bien dans les noms des personnages (on croise un certain Klorokine…) que dans les répliques (« Il ne faut pas prendre l’Helvétie pour des gens ternes ») ou les situations (entre les scythes et les amazones, il y a de quoi s’amuser avec les GAFAM). Conrad décline quant à lui à la perfection la charte dynamique et expressive établie par Uderzo. Sa mise en scène s’appuie régulièrement sur de grandes cases animées et détaillées. Il nous gratifie au passage d’un géographe caricaturé en Houellebecq et d’une magnifique utilisation des paysages et de la culture des grandes steppes enneigées de l’Est européen.
