L'histoire :
Jules César en a ras-le-bol. Epuisées par des années de batailles meurtrières, ses troupes se mutinent ou désertent. Il est grand temps de juguler cette dispersion afin de pouvoir rivaliser avec son concurrent, Pompée, et de continuer à étendre la puissance de Rome. Il soumet cette problématique à son Etat Major et exige une solution. Son médecin-chef Vicévertus prend alors la parole avec une maxime aussi poétique qu’énigmatique : « Pour éclairer la forêt, la floraison d’un seul iris suffit ». Ce que propose Vicévertus, c’est de convertir les troupes romaines à la pensée positive, de les changer de paradigme et de leur inoculer la bienveillance, facteur de développement personnel. Après tout, cela n’a pas encore été essayé. César lui donne carte blanche sur ce thème, avec obligation de réussir sur un camp test, celui de Babaorum situé à côté du village des irréductibles gaulois. Vicévertus met aussitôt sa théorie en pratique et rejoint les abords du village gaulois. Il ne tarde pas à croiser Astérix et Obélix, partis chasser le sanglier. Mais son sourire et ses aimables formulations décontenancent tellement le duo, qu’ils ne songent même pas à lui mettre une baffe. A sa demande, ils lui indiquent la direction du village, où il compte s’approvisionner…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Astérix est sans doute aujourd’hui la série BD la plus culte et classique, au succès international, qui perdure après la mort de ses créateurs, René Goscinny et Albert Uderzo (selon leur souhait). Après 5 albums scénarisés par Jean-Yves Ferri, le relai est transmis à Fabcaro, l’auteur de Zai zaï zaï zaï, que l’on connait pour son registre absurde et social. Dans ce 40ème opus, on retrouve un peu de cette fibre sociologique acerbe, mais surtout beaucoup de savoir-faire mimétique chez celui qui a déjà repris Achille Talon et Gai Luron. Fabcaro a aussi la bonne idée d’exploiter une thématique bien dans l’air du temps : le développement personnel et la pensée positive. Il décalque ainsi sur l’antique approche martiale des conquêtes romaines, la quête actuelle de bien-être pour les salariés des entreprises qui cherchent à décrocher le label de qualité RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises). Bienveillance, requalification du vocabulaire, pensée positive, ne peuvent que bouleverser et endormir les mentalités aux abords du village gaulois, et ainsi perturber en profondeur leur résistance ! Fabcaro emmène sa bonne idée à bon terme, en la ponctuant de réjouissants jeux de mots goscinnyens, de traditionnels enguirlandages gaulois (entre Bonnemine et Assurancetourix, ou entre Ordralphabetix et Cétautomatix…) et d’une virée à Lutèce. Didier Conrad perpétue lui aussi sa reprise fidèle et dynamique de la griffe d’Uderzo. Il se fend d’un hommage à Jean Rochefort ; et plutôt que de caricaturer Bernard-Henry Levy ou Dominique de Villepin dans la peau du fourbe Vicévertus (les pistes initiales), il semble qu’il ait croqué… son nouveau scénariste himself ! Un bon cru. Un très bon cru, même. Il faut lire L’iris.