L'histoire :
Un matin d'été, en 1967, près de Tampa, dans un lotissement d'Hudson. L'endroit est charmant, les maisons sur pilotis font face à la mer. Madame Dannon rejoint la maison familiale. Mariée et deux enfants, elle est rayonnante et connue de ses amis pour sa joie de vivre. Pourtant les choses ont changé depuis quelques semaines, depuis que son mari Ralph est parti au Vietnam. C'est le sort des GI : servir la patrie. Chaque jour, sa femme se ronge les sangs mais elle donne le change avec ses enfants. Alors il est assez logique qu'elle ne prête aucune attention à la berline qui entre à son tour dans le lotissement. A son bord, trois types aux mines patibulaires. Ils roulent au pas. En réalité, ils sont en reconnaissance et ne tardent pas à identifier la maison de la famille Dannon. La nuit tombée, ils s'introduisent dans le bungalow. Munis de silencieux, ils exterminent l'épouse modèle et les enfants, placent une bombe qui explosera quelques minutes après leur départ, provocant un incendie qui garantit qu'aucune trace de leur passage ne sera retrouvée. Quelques jours plus tard, un homme de la section du Sergent Chef Dannon lui ramène un étui trouvé non loin du campement, dans la jungle. Le nom du militaire est inscrit dessus et il contient une lettre qui va saper le moral de la troupe et provoquer le plus grand choc émotionnel de la vie du sous-officier : une lettre revendique le massacre de sa famille. Les Viets annonce qu'il ne s'agit que d'un début : chaque semaine, une famille américaine sera assassinée, jusqu'à ce que les États-Unis se retirent totalement du conflit...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme tous les bons auteurs de romans d'espionnage, G-J Arnaud avait le goût de la géopolitique. En 1968, quand Fleuve Noir publie le roman ici adapté, cela fait trois bonnes années que les States interviennent massivement au Vietnam. L'opération Rolling Thunder met en œuvre le plus grand bombardement depuis la Seconde Guerre Mondiale et en cette année 68, elle prend fin sur un constat d'échec : aucun objectif stratégique n'a été atteint. Si on estime que plus de 50 000 Vietcongs ont été tués, les USA doivent également endosser la responsabilité de plus 180 000 civils tués. La puissance aérienne des américains a aussi payé un lourd tribu, avec environ 900 avions abattus. Et un des objectifs fondamentaux de cette opération – redonner le moral aux troupes – est un échec absolu. C'est ce versant psychologique qui a sans aucun doute inspiré l'écrivain, car il extrapole le contexte et construit une intrigue qui va appuyer là où ça fait mal. Il invente en effet de toutes pièces une série d'attentats terroristes qui frappent la population américaine, comme un miroir fantasmé des horreurs que le pays a fait subir aux vietnamiens. Et c'est réussi, avec une première scène d'une terrible cruauté. Alors, comme le danger gangrène le pays, le Commander va cette fois coopérer avec la CIA pour démanteler le réseau. Pour se rapprocher des terroristes, il endosse la couverture e feignant d'être un journaliste contestataire de la politique de son gouvernement, publiant des articles aussi incendiaires que le napalm déversé là-bas. Et Kovask joue du velours, en divulguant des détails troublants et tellement précis qu'ils ne peuvent qu'attirer l'attention de cette mystérieuse organisation... Le scénario est ainsi fait d'une belle étoffe, faisant la part belle aux personnages secondaires, dont celui d'une femme qui va être la pierre angulaire de l'intrigue. Ajoutez un dessin de bonne facture, et on a donc une première partie de ce diptyque vraiment réussie.