L'histoire :
Sur son lit d’hôpital, le vieil arménien Dikran Sarian poursuit le récit de sa jeunesse cauchemardesque, à l’attention du jeune violoniste prodige turc Hasmet Erdem. Il s’agit de lui faire prendre la mesure du massacre et du génocide perpétré au début du XXe siècle par les turcs, à l’encontre du peuple arménien. Dikran lui a déjà relaté comment lui et sa famille ont été spoliés, déportés et séparés, alors qu’il n’avait que 10 ans. A l’époque, au terme d’un périple abominable, lui et sa grande sœur Mayranouche sont alors devenus la « propriété » d’Oktar, un paysan turc qui exerçait sur eux une autorité d’une violence inouïe. Salim, le fils du turc, que son père a rendu borgne, devient un allié, dès lors qu’il perçoit la beauté des mélodies que tire Mayranouche de son violon. Mais lorsque Dikran vole un morceau de pain, il frôle de peu l’amputation de la main ! Par soucis pratique, Oktar ne lui coupera que le petit doigt. Dikran prépare alors son évasion, seul, car Mayranouche, régulièrement violée par Oktar, ne peut l’accompagner car elle est enceinte. Mais une grosse journée plus tard, Oktar l’a déjà rattrapé et le ramène chez lui, une douloureuse punition à la clé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Laurent Galandon a fait sa spécialité des récits historiques, un travail de mémoire qui donne une mesure plutôt juste – car documentée et traité avec humanisme – des périodes sombres et récentes de nos civilisations. A la Shoah (L’enfant maudit), la guerre d’Algérie (Tahya El-Djazaïr), l’instrumentalisation des femmes kamikazes (Shahidas) ou plus récemment les bagnes d’enfants (Les innocents coupables), s’adjoint aujourd’hui la conclusion du Cahier à fleur. Le diptyque raconte sans concession la tragédie d’une famille arménienne martyrisée par les turcs. Dans ce second volet, l’enfance du héros Dikran continue d’être un long flashback, qu’il relate vieillard, depuis son lit d’hôpital, et qui trouve néanmoins un dénouement positif (...) à notre époque. Pour cette conclusion, c’est le cas de le dire, sortez les violons ! Néanmoins, si ses récits ne s’affranchissent pas totalement d’une forme de pathos, ils s’accompagnent toujours d’une volonté louable de transmission. Viviane Nicaise met impeccablement en images cette histoire poignante, c'est-à-dire suivant un style réaliste idéalement rythmé et découpé, sans trop insister visuellement sur l’horreur. Etant donné qu’il est impossible, humainement et techniquement, de dessiner l’ampleur d’un génocide, la violence et la cruauté d’Oktar, ici particulièrement appuyées, synthétisent sur un seul protagoniste l’ignominie des exactions perpétrées sur les arméniens. Une œuvre remarquable et essentielle.