L'histoire :
En décembre 1944, sur la frontière ardennaise enneigée. Luther Yepsen, sergent dans l’armée américaine, vient de survivre à une confrontation étrange face à un soldat boche isolé. Il lui a collé une balle dans les côtes et l’autre lui a arraché un doigt. Curieux hasard : c’est celui de son alliance, le jour même où il apprend par courrier que sa femme veut divorcer. Les deux hommes en sont restés là et se sont simplement éloignés l’un de l’autre en se tenant en joue. Luther, qui a rejoint ses camarades survivants, retraverse ensuite la frontière dans l’autre sens, en jeep, pour rejoindre les lignes américaines. Mais lors d’une courte pause pour lire un panneau recouvert par la neige, son lieutenant déclenche une mine. Il meurt déchiqueté et la jeep est inutilisable. Ils poursuivent à pied, à trois et en cherchant un refuge pour la nuit, ils finissent par apercevoir une grange éclairée d’un feu de bois. A l’intérieur, ils découvrent deux enfants juifs, Louis et Rachel, terrorisés. Le lendemain, alors que la neige tombe encore et toujours, ils gagnent une ferme habitée, afin de soigner Rachel, fiévreuse. Gabrielle, la séduisante jeune femme qui habite là, montre une réelle hospitalité. Cernés par la débâcle allemande en contrebas, les américains et les enfants s’installent discrètement à la ferme, pour plusieurs jours. Luther fait donc plus ample connaissance avec Gabrielle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Philippe Jarbinet met ici en place une première moitié de diptyque particulièrement convaincante ! Le contexte est celui de la fin de la seconde guerre mondiale, dans une zone que le belge Jarbinet connaît bien (il en est originaire) et où les combats furent intensifs : les Ardennes. Un peu à l’écart sur cette ligne de front entre le troisième Reich et les troupes américaines, une passion tout aussi palpitante va se nouer. Le climat de tensions permanentes est alors comme atténué par le manteau neigeux, une atmosphère propice à installer une idylle (qui a vu La neige et le feu ?). Jarbinet « ruminait » apparemment cette histoire depuis plusieurs années, attendant que la maturité naturelle fasse son œuvre. Jusqu’à présent, Jarbinet était un bon auteur de BD, livrant des œuvres très propres, très pro, sur une ligne réaliste séduisante et maîtrisée (Sam Bracken, Mémoire de cendres)… mais il manquait toujours ce petit quelque chose qui hissait l’œuvre au niveau des plus grands. Ce palier, il l’explose littéralement aujourd’hui avec ce diptyque et il s’en est donné les moyens ! Pour ses recherches historiques, il a notamment accaparé le conservateur du musée de la guerre de La Gleize, Philippe Gillain, qui l’a donc conseillé avec la plus grande rigueur, au point de s’en faire un ami (ce dernier lui signe d’ailleurs, au passage, une jolie préface). Le récit en lui-même emprunte un genre mainte fois éprouvé : l’histoire romantique sur fond de guerre. Or, cet axe narratif, ajouté à la technique de la couleur directe, n’est pas sans rappeler le cultissîme Sursis (et Vol du corbeau) de Gibrat… Il y a pire comme comparatif ! Aucun détail n’est négligé : la reconstitution historique est impeccable, les décors sont splendides, les personnages exaltés, l’ambiance veloutée… Comble du bonheur : les deux tomes paraissent de concert ! (à suivre sur la chronique du tome 2…)