L'histoire :
Au printemps 1943, Martin, officier dans la Wehrmacht, retourne en Allemagne pour enterrer son père. Puis il revient en France occuper son poste dans le sud-est, en zone libre. Lors d'une permission, il souhaite alors revoir son amie Katarina, rebaptisée Catherine pour dissimuler ses origines juives. Mais Catherine est désormais à Lyon, où elle a rejoint le réseau de résistants d'André-Louis. André-Louis était suspecté par la Gestapo d'utiliser le centre d'aide aux réfugiés de Marseille dont il s'occupait, pour organiser l'exfiltration d'anglais et de gaullistes par voie maritime. Il est donc entré en clandestinité, sous le nom de code Didon, mais avec la nouvelle identité de Louis Martin. Catherine profite elle aussi de nouveaux papiers et s'occupe notamment de transporter des documents entre diverses « boîtes aux lettres ». Cette activité est éminemment dangereuse : les descentes de la Gestapo, les arrestations et les interrogatoires musclés sont courants. A plusieurs reprises, André-Louis frôle le pire, notamment lorsqu'il tarde à revenir d'un voyage à Paris. Le jeune Rudy, un autre résistant, pense qu'il a été arrêté... On se met même à le suspecter de trahison lorsque les boches font un gros coup de filet dans le milieu de la résistance, profitant d'une réunion secrète entre des « huiles ». Pendant ce temps, Martin apprend qu'il y a de fortes chances qu'il soit mobilisé sur le front de l'Est...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Amours fragiles narre les amours tourmentées – et toujours bien chastes – de deux jeunes gens d'origines différentes, durant la période trouble qui couvre la seconde guerre mondiale. Après deux ans d'absence, le récit reprend là où nous en étions restés, c'est à dire au cours de l'année 1943, et il avance toujours sur deux fronts. D'une part, Martin, jeune officier allemand qui réprouve l'idéologie nazie qu'il sert, s'est toujours arrangé pour se tenir à distance des combats (affecté à un poste administratif dans le sud de la France). Il est pourtant cette fois sur le point de devoir faire lui aussi son effort de guerre. Mais c'est surtout du côté de l'engagement de Catherine, alias Katarina d'origine juive, que Philippe Richelle focalise son attention dans ce tome 5. Le scénariste en profite pour livrer une histoire de la résistance, vue de l'intérieur : complexité de l'organisation secrète, pression permanente de la Gestapo, trahisons, arrestations, règlements de compte... La narration distanciée, typique de l'auteur, renforce idéalement le climat de suspicion généralisée que les membres du réseau se portent. Les tensions psychologiques transcendent véritablement le récit, alors même qu'il n'y a aucune scène d'action et finalement très peu d'horreurs (une case de torture ; les exécutions se déroulent lors d'ellipses). Richelle excelle véritablement dans ce registre particulier. Ses dialogues sont ciselés, la psychologie des personnages crédible, le souci de la véracité historique, omniprésent, s'appuie en outre sur le dessin régulier et moderne de Jean-Michel Beuriot. Les personnages ne sont certes jamais très « beaux », mais la mise en scène est minutieuse, avec un souci du détail et de la justesse historique permanents. Surtout, Beuriot parvient admirablement à accorder du rythme aux séquences d'un scénario pourtant essentiellement composé de discussions. Bien que cette histoire soit fictive, le remarquable travail de Mémoire range cette série parmi les meilleures sur le sujet.