L'histoire :
Blessé en Ukraine, Martin Mahner est soigné dans un hôpital polonais. Il s’y noue d’amitié avec un autre officier du Reich, Fredi Ott, qui lui est à moitié sourd. Fredi est issu d’une famille de la haute-bourgeoisie, son père étant lui-même général d’armée démissionnaire, au fil de la consolidation d’Hitler au pouvoir. Hélas, les blessures de Mahner ne lui permettent pas d’être totalement démobilisé. Il est juste muté à Berlin, pour des tâches administratives, comme ordonnance d’un lieutenant-colonel, Voigt. Ce dernier respecte une hygiène de vie d’ascète, mais il est cultivé et puissant. De dîners en discutions, les deux hommes découvrent réciproquement qu’ils tiennent peu d’estime envers le führer. Voigt propose alors à Mahner de rejoindre un groupe d’antinazis, qui préparent une action contre Hitler. Mahner accepte et se conforte d’autant mieux dans cette conjuration, que son ami Fredi en fait aussi partie. Invité à passer quelques jours dans la luxueuse propriété de la famille Ott, Martin fait la connaissance de son père et de sa sœur Hilda, plutôt renfermée au prime abord…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quel petit coquinou de scénariste, ce Philippe Richelle. A la fin du précédent opus, nous avions abandonné le héros entre la vie et la mort, blessé par balle par un officier supérieur pour éviter qu’il ne témoigne contre lui. Or cet épisode reprend d’emblée avec un Martin Mahner convalescent, sans donner plus de suites que cela au cliffhanger qui nous tenait en haleine depuis deux ans. Bref, passons sur cette pirouette narrative, qui offre tout de même au scénariste la possibilité de tourner la page de l’Ukraine, et de développer pleinement une nouvelle intrigue dans le cadre de la débâcle allemande de 1944. Car Martin rejoint cette fois, plus ou moins volontairement, un groupe d’opposants à Hitler, qui fomentent son assassinat. C’est l’authentique tentative du 20 juillet, réalisée par von Stauffenberg, qui échoua de peu. Habilement, Richelle ne met pas en scène le cœur de cet épisode, mais reste focalisé sur le point de vue de Martin, petit rouage indirect de la grande conjuration. En marge de ce fil rouge, Richelle met en scène avec cette narration « savante et distante » ses amitiés, un nouvel amour, l’ère des doutes sur Berlin bombardée… Tout cela contribue à rendre l’opus palpitant, la lecture partielle des évènements renforçant encore le réalisme de cette formidable fresque sur la Seconde Guerre Mondiale abordée par le prisme de l’anti-nazisme allemand. Le dessin de Jean-Michel Beuriot conserve quant à lui toute sa cohérence, établi sur une documentation fine et précise. L’œuvre complète est prévue en 10 tomes : encore trois de ce tonneau et nous pourrons nous réjouir d’une œuvre mémorielle et romanesque hors pair.