L'histoire :
Cet été, les brasseries Kluutch ont eu la bonne idée d’organiser un grand concours. Tous les gagnants au grattage (deux canettes sur une plus grande) n’auront même pas eu à tenter leur chance pour s’envoler, le temps d’une journée, visiter les usines Kluutch à Bruxelles ! Une fabuleuse croisière en car, sous la grisaille, vous en conviendrez… Le jour dit, les premiers chanceux arrivés sont Mr et Mme Garenni. Au lieu de Marrakech (à l’instar de sa sœur), la lapine devra se consoler avec l’enthousiasme débordant d’une hôtesse, de son collègue attendant impatiemment la fin de journée et d’un chauffeur fumant comme un pompier et buvant, sûrement, tout autant ! Malheureusement, le programme s’annonce « ineffable » (dixit Bichounet) : fermentation, levures et dégustation. Les autres gagnants composent une mosaïque sociale bigarrée (bobos, ploucs, middle-class…) ET Adolphe Tincré, dit Ad, un molosse d’une demie tonne, engloutissant et buvant comme trente. Sûr, Canardo suçant des pina-coladas sous le soleil des îles doit être vert de jalousie… jusqu’à ce que la bête ait une subite envie de pisser sur l’autoroute et stoppe le car… d’une balle dans la tête du chauffeur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet été, alors que Canardo préférait les plages de sable fin, le commissaire Garenni optait, lui, pour une visite surprise de LA célèbre fabrique Kluutch sous la grisaille : un comble lorsque l’on connaît l’addiction de l’oiseau pour la fameuse bière ! Très nettement en retrait sur la couverture, Canardo est donc en vacances et laisse la vedette de ce 16e opus à « la bête ». Car à l’instar de l’antépénultième album, Benoît Sokal délaisse la conventionnelle enquête policière pour un traitement plus direct de notre actualité. En fait, depuis le retour de la belle Carmen (découverte dans l’Amerzone : l’essence de la série ?), un ton résolument cynique pourfend les nombreux sujets de société qui fâchent et horripilent l’auteur. La pollution (Marée noire), le dopage (L’affaire belge) et désormais le terrorisme peint sous sa vérité primaire. « La bête », c’est ainsi qu’Adolphe Tincré (décriptez « un crétin nazi en puissance») n’est guidé que par ses instincts les plus basiques. « La bête », c’est aussi ainsi que l’on personnifie l’Innommable, l’extrémisme dénué de toute humanité, le Mal absolu et apocalyptique. Et dans son ombre prolifère les fascismes (religieux, politiques, économiques…) exerçant un attrait certain sur les plus jeunes jusqu’au point de non-retour (vous comprendrez à la lecture). En raccourci, Lafontaine écrivait des fables animalières ; Benoît Sokal (aidé de Pascal Regnauld) dessine des caricatures dont celle d’un canard anti héros peut-être un poil plus policé au fil du temps, qui cache néanmoins derrière un faciès détaché un mordant toujours cinglant. Bref, un incontournable : un canard plus laqué que manqué, comme il pourrait sembler lors d’une première lecture hâtive…