L'histoire :
Dans un bar miteux du port de pêche, le détective privé Canardo répond à l’appel d’une jeune femme qui recherche quelqu’un : elle-même. En effet, cette énigmatique mais mignonne demoiselle, qui dit s’appeler Laura, a été retrouvée inanimée et à moitié immergée, par un pêcheur d’anguilles, sur une berge du grand lac longeant le duché de Belgambourg. Hébergée depuis lors par la rustre famille du pêcheur, elle est devenue amnésique. Pour seul indice, elle confie à Canardo un bouton de manchette représentant les armoiries du duché, sans doute arraché à son agresseur. Ce genre d’objet pullule dans les magasins pour touristes… mais certes pas en or ! Canardo a évidemment eu vent de l’odieux trafic de prostitués qui s’exerce à travers le lac depuis les pays voisins. Des femmes sont parfois retrouvées mortes sur le rivage, parfois à moitié bouffées par les anguilles… Mais dans tous les cas, elles ont été violées et violentées. Canardo suppose que c’est ce qui est arrivé à Laura. Au départ de son enquête, il s’étonne de retrouver sur place le commissaire Garenni, un incompétent notoire, missionné par la grande duchesse en personne pour éradiquer les boat-peoples transitant par son lac…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Canardo n’est pas le canard le plus célèbre du 9ème art (Donald Duck lui vole la vedette), mais il est tout de même en bonne place. Ni le tempérament indolent et désabusé de ce privé en trench-coat traditionnel, ni son regard infusé d’alcool, ne l’empêchent de résoudre les enquêtes qui lui sont confiées, à partir de son expérience et d’un joli sens intuitif. En général, les affaires exhalent des relents politiques nauséabonds… et c’est une nouvelle fois le cas de celle-ci, qui confronte notre anti-héros à la problématique des boat-peoples clandestins et des filières de prostitutions esclavagistes. Pour ne heurter aucun pays européen réel, cela se passe évidemment à travers le lac d’un pays imaginaire, le Belgambourg. L’intrigue est néanmoins un peu laborieuse à se mettre en place : beaucoup de dialogues sont superfétatoires, le cynisme est moins fin, moins percutant que d’ordinaire. Si on veut être exigeant, on peut aussi trouver que le récit utilise en outre force clichés ou développements téléphonés. Reste le dessin zoomorphique, mélange paradoxal de trait humoristique et de noirceur hard-boiled, mais toujours soigné, désormais assuré par Pascal Régnauld. Notons enfin que cet épisode introduit aussi une protagoniste dotée d’une personnalité aussi forte qu’énigmatique, et nous abandonne face à des enjeux non-résolus. Ces paramètres de l’enquête feront l’objet d’une suite à paraître : La mort aux yeux verts.