L'histoire :
L'inspecteur Canardo a la garde de son petit neveu Marcel, tandis que les parents de ce dernier sont en vacances « chirurgicales » aux Seychelles. En bonbon tonton, il emmène le gamin au cinéma, pour voir le film d'animation hollywoodien qui fait fureur, Momo le mérou. Canardo se réveille sitôt la séance terminée, (ce genre de film sirupeux est soporifique). Marcel le conduit aussitôt à dépenser quelques 120 euros en produits dérivés. Le soir même, tandis que Marcel inaugure le jeu vidéo Momo, Canardo apprend au JT que le film Momo a bouleversé l'économie d'une petite île, le Koudouland, où la pêche au mérou à pois rouges, une espèce protégée, est désormais interdite. Pour compenser le manque à gagner des pêcheurs autochtones, un investisseur belgambourgeois, ancienne puissance colonisatrice du Koudouland, a implanté un immense complexe hôtelier sur l'île. Cependant, des pirates kidnappent l'épouse du promoteur, dont le yacht mouille au large du Koudouland. Une rançon est envisagée... mais il semble que cet acte soit plus politique que réellement mercantile. La chef du gouvernement du Belgambour demande alors à Canardo de se rendre instamment sur place, afin de débrouiller l'affaire. L'heure est grave car les médias sont en flux tendu autour de la préservation écologique du mérou. Canardo est donc sommé de s'y rendre, quitte à emmener Marcel avec lui...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cette 22ème enquête canardesque, notre célèbre inspecteur zoomorphe est recruté par la grande duchesse du Belgambourg, plus pour ses inattendus talents de diplomate, que pour ses habituelles compétences de policier. On attend en effet de lui qu'il favorise la libération d'une ressortissante prise en otage par des terroristes économiques, dans une ancienne colonie africaine devenue dictature molle et corrompue. La problématique est posée par un phénomène marketing qui met à mal l'économie locale de ce pays sous-développé, à la suite d'un emballement médiatique et pour de populistes prétextes écologiques. Comme si le succès du film d'animation Némo recroisait l'aberrant scandale de la perche du Nil. Ici, comme c'est aujourd'hui le cas dans la majorité des « affaires » dont sa galvanisent les actualités, le système médiatique monte en épingle les débats, laisse se répercuter les amalgames dans l'opinion publique, adopte le porte-parole qui accroche la mieux lumière et pas forcément le plus légitime pour le rôle. Avec la dénonciation de ce prisme médiatique devenu débile, les co-auteurs Benoît Sokal et Pascal Regnauld adoptent donc un propos fort et pertinent, bien que peu évident à rythmer sur le canevas d'une aventure classique. La forte densité des dialogues – bien sentis mais bavards – délaye de beaucoup le fil conducteur. Décentralisé sous le soleil, mais toujours en trench-coat façon polar noir à la Humphrey Bogart, Canardo trimbale son cynisme de manière passive, sans en faire des caisses, au détriment d'un rythme narratif tout à fait emballant. Néanmoins toujours soigné, le dessin insiste sur les expressions désabusées des protagonistes et la grise austérité des décors, même sous les tropiques (les bidonvilles remplacent l'insalubrité urbaine).