L'histoire :
Camp de Sobibor, 1943. Le train s'arrête et des déportés juifs hollandais en descendent. Du haut de leurs poteaux, les mégaphones accueillent les nouveaux venus, en leur annonçant que le Reich est en train de fonder un « état juif indépendant » où ils pourront installer leurs familles et commencer une nouvelle vie. En attendant ce grand jour, ils doivent obtempérer et... prendre notamment une douche. Le camp porte une attention toute particulière aux maladies et aux contagions. Et puis, après un si long voyage, se laver et échanger ses vêtement sales contre des vêtements propres, ça ne peut faire que du bien, non ? Moïse Rubinstein, nouveau coiffeur en chef du camp, prend la parole et cherche parmi eux une personne ayant déjà travaillé dans un salon de coiffure, qui pourrait l'assister dans sa tâche. Six personnes sortent du rang et proposent leurs services. Mais le gradé du camp le prévient : une seule personne sera nommée et pourra de facto être sauvée. Moïse va devoir faire un choix lourd de conséquences...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'odyssée des deux Frères Rubinstein se poursuit sur une belle lancée, après avoir planté le décor dans les tomes précédents. Le talent de Luc Brunschwig fait beaucoup pour captiver et capturer notre attention. Ce qui frappe ici, c'est sa dextérité narrative pour passer d'une époque à une autre, entre 1942 en Allemagne et les années 30, en France et aux États-Unis, via des liens subtils et des transitions fluides. Sans tomber dans un manichéisme facile, il dépeint une nation tricolore gagnée par un antisémitisme galopant et un racisme ténu dans tous les camps. C'est poignant et parfaitement ciselé du début à la fin, avec notamment la séquence d'intro où Moïse doit choisir qui va l'accompagner dans sa tâche de coiffeur. Une scène digne de celle de la roulette russe de Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino... À ses côtés, les artistes Étienne le Roux et Loïc Chevallier sont impressionnants, maniant leurs crayons avec une finesse absolue, livrant un paysage et des personnages bien campés, dans leurs expressions comme dans leur profondeur. N'ayons pas peur des mots, Les frères Rubinstein s'annonce comme l'une des séries historiques majeures des années 2020. À suivre...