L'histoire :
1942. Moïse Rubinstein est dans le train qui le mène dans le camp de Sobibor. Il regarde attentivement une photo avec son frère Salomon qui l'avait dissuadé de remettre les pieds en Europe. Le continent est infecté par la peste fasciste. Pendant ce temps-là, une mère s'apprête à mettre au monde un bébé. Le père demande à tous les occupants du wagon de l'aider. Les portes s'ouvrent et les soldats allemands procèdent à la séparation des groupes : d'un côté, les hommes et les garçons de plus de 14 ans ; de l'autre les femmes et les enfants de moins de 14 ans. Ces derniers sont sommés d'aller prendre une douche pour se détendre après un voyage harassant. Moïse se rappelle de sa rencontre avec Noam Katz. C'est en Californie, en 1934. Salomon désire présenter un trio de chanteurs noirs, mais le cerbère à la sortie des artistes n'est pas de cet avis. Par un magnifique subterfuge, Moïse parvient à échapper à sa vigilance. Après s'être immiscé dans les coulisses de la scène, il parvient à trouver Noam Katz. Rapidement rejoint par son frère Salomon, il lui parle en yiddish et se présente comme imprésario venant de Paris, ce qui a le don d'éveiller sa curiosité...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Décidément, Luc Bunschwig est sous les feux de la rampe en ce moment. Ironie du sort, ses deux bouquins les plus attendus, Luminary et Les Frères Rubinstein, sortent quasi simultanément. Deux pépites à lire comme une évidence, en cette rentrée bien chahutée. On ne présente plus ce scénariste de talent (La Mémoire dans les poches, Urban, Holmes, le Pouvoir des innocents) qui, une nouvelle fois, montre son brio narratif avec ce premier chapitre d'une série au long cours. Notons que ce scénario a été développé en 1994... et il a donc eu le temps de mûrir années après années. Ce récit est politique. Il montre un monde qui bascule irrémédiablement dans l'horreur de la Shoah (l'oncle et le grand-père de Luc ont été déportés et sont morts à Auschwitz), la faute à la folie des hommes gagnés dans leurs esprits par un antisémitisme galopant. Il décortique les raisons qui ont poussé les âmes humaines à « déboîter » (en ces temps incertains, il est bon de rappeler que tout peut basculer du côté obscur). Ce récit est aussi très personnel, car il veut montrer la relation fusionnelle entre deux frères (Luc Brunschwig est lui-même très proche de son frère). Usant de flashbacks, il joue avec nos nerfs et nous invite à assembler nous-même le puzzle de l'intrigue. Pour Étienne Le Roux et Loïc Chevallier, c'est l'occasion de se frotter à une nouvelle saga palpitante dans la ligne de 14-18. Leurs traits respectifs sont incisifs, avec des décors parfaitement exécutés et des personnages croqués aux petits oignons. En plus, Elvire de Cock pose ses sublimes couleurs, parfaitement nuancées. Que demander de plus par les temps qui courent ? Souhaitons aux Frères Rubinstein le même succès qu'Il était une fois en France, référence en la matière ! Pas le temps de souffler, le second tome est prévu pour le 14 octobre 2020.