L'histoire :
Jeremiah et Kurdy font halte à Correos, patelin de type mexicain, histoire de récupérer leur courrier. Une lettre les amuse quelque peu : signée d’Esra, la jument de Kurdy (!), elle est accompagnée de banales nouvelles et d’une photo de sa croupe ! Un instant plus tard, on les retrouve derrière les barreaux, chez le shérif local, le temps d’une brève formalité : un serial-killer est à l’œuvre et la police arrête les étrangers pour des contrôles de routine. En effet, 9 têtes coupées ont été déposées en pleine ville en moins d’un an et le maire s’inquiète déjà pour sa réélection. Parallèlement, dans leur résidence, quatre petits vieux sont terrorisés. Ils n’ont pas la conscience tranquille et ces meurtres résonnent pour eux comme une réponse à leurs activités scientifiques passées. En prison, Jeremiah et Kurdy ne peuvent s’empêcher de jouer les redresseurs de tords et se font deux ennemis mortels : ils cassent la figure et ridiculisent deux hommes de main du maire. Le lendemain, ils sont relâchés et reprennent la route. Ils ignorent alors que leurs motos ont été sabotées, en vue d’une traque sadique dans le désert. Elle débutera au moment où Kurdy trouvera sur le bas-côté, entre la route et un profond canyon, à proximité d’une centrale électrique désaffectée, le corps sans tête d’un petit vieux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La tonalité du 28e épisode de ce western post-apocalyptique jouissivement désabusé, est moins cynique que les précédents et parallèlement plus énigmatique. Hermann entremêle en effet les « unités narratives », souvent furtivement, sans en développer ne serait qu’une seule de manière exhaustive. Par exemple, on ne sait pas pourquoi Jeremiah et Kurdy se retrouvent en prison. Quel sens donner au courrier envoyé par Esra ? Quel rapport avec le titre ? Par quel prodige les corbeaux interagissent avec les évènements ? Qu’ont fait exactement dans le passé, ces victimes du 3e âge ? Quelle est la tronche finale de ce mystérieux serial-killer palmé, dont on entrevoit juste des parties, de derrière, dans l’ombre, ou des détails en macro-plan (cf. la couverture) ? Hermann raffole de ce genre d’ellipses, dont le développement raisonnerait comme des digressions, inutiles au propos. En revanche, la misanthropie de l’auteur transpire une nouvelle fois de l’aventure. Là se trouve indubitablement le rapport au titre : tandis que l’homme continue d’être un loup pour l’homme, Esra (qu’on ne voit que de derrière, sur une photo, l’air de dire « kiss my ass ! ») va très bien. On peut certes réprouver qu’Hermann aborde toujours un peu les mêmes thématiques : un monstre issu d’expériences scientifiques, des fachos arrogants jouant les despotes sur leur territoire, une cavale entre rocailles et friche industrielle… Mais c’est tellement « joli », s’appuyant une nouvelle fois sur un dessin réaliste sublime en couleurs directes (graphiquement, l’excellence est devenue la norme), tellement savamment combiné et haletant et tout et tout… qu’on redemande volontiers le même mets pour la prochaine ventrée !