L'histoire :
C’est vraiment pas de bol : quelqu’un a mis le feu aux motos de Jeremiah et Kurdy. Ils s’en aperçoivent en pleine nuit et fulminent : ils sont désormais à pied. Les flammes et la fumée ont également alerté la milice locale qui est à deux doigts de tenir Jeremiah et Kurdy pour responsables de cet incendie. Pour éviter les problèmes, les deux copains prennent la tangente dès qu’ils le peuvent. A pied, donc. Malheureusement, l’un des membres de la milice a reconnu Kurdy et il se souvient que ce dernier est jadis parti avec un magot… Avec un sbire, le milicien attend que le jour se lève pour donner la chasse en camion à ce couple de marcheurs. Ils sont faciles à retrouver : une route unique traverse ce coin de désert. Mais ils les rattrapent au moment précis où se lève une tornade d’une violence inouïe. Une pluie rasante de gros cailloux balaie tout sur son trajet, le camion y compris. Jeremiah et Kurdy s’en sortent en se réfugiant dans une faille sous un gros rocher. La tempête passée, ils découvrent le camion qui les traquait en miettes, après avoir été propulsé contre une paroi. Mais un milicien amoché a survécu et il les tient en joue à l’aide d’un révolver. C’est alors qu’une aide providentielle venue du sommet du canyon fait tomber sur lui un amas de rochers fatal. Qui est donc ce mystérieux sauveur ? Jeremiah et Kurdy grimpent pour le savoir. Mais au moment où ils retrouvent cette vieille connaissance, ils découvrent aussi une demeure troglodyte complétée par une architecture ultra-moderne, dans laquelle vit une famille quelque peu azimutée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre de ce 36ème épisode de Jeremiah sonne comme un gros pied de nez à tout effort intellectuel pour trouver un titre qui fasse sens. « Et puis merde », c’est la dernière réplique de Kurdy… et Hermann a du terminer la dernière case de son album sans autre meilleure idée que celle-là. Depuis quelques albums, l’auteur est en roue libre. Il fournit une nouvelle tranche de vie de son duo de têtes brûlées sans sortir de sa zone de confort, sans trop forcer son imagination, en s’appuyant sur tous les standards de la série : des répliques cyniques balancées en mode désabusé et pince-sans-rire (jouissives) ; le duo de héros tombe sur une bande de dégénérés du bulbe, proches de la secte ; et ils n’ont pas trop à forcer leur talent, à jouer du poing ou du flingue, pour mettre un peu d’ordre dans ce nœud de vipère qui faisait (à peine) tâche sur le tablier crasseux de l’humanité. On note dans un premier temps la disparition définitive des motos de Jeremiah et Kurdy, deux éléments familiers des lecteurs, au sein du road-trip ; et c’est notable, étant donné le désœuvrement de ces désormais marcheurs. On note dans un second temps la réapparition franchement inattendue d’un personnage précédemment croisé (mais on ne vous dira pas qui). Visuellement, le contexte post-atomique et post-western se matérialise quant à lui par une sorte de base ultra-moderne moderne, à l’architecture sixties kitsch improbable, nichée dans un rocher du désert. Avec ses perspectives originales et ses effets de profondeurs, ce décorum est la principale plus-value graphique de l’épisode, le trait de Hermann se faisant de moins en moins rigoureux sur les personnages avec l’âge (les cases ratées et laissées telles quelles sont plus nombreuses…). Et toujours ces couleurs décalées : le rose-prune des rochers, le vert-citron des nuages… Kitsh, donc, mais c’est (aussi !) ce qu’on aime dans Jeremiah !