L'histoire :
Jeremiah et Kurdy campent devant un quartier d’affaire englouti par les eaux, d’où dépassent de nombreux gratte-ciels. Ils sont arrivés à destination et s’apprêtent à se lancer, dès le lendemain, à la recherche du sac de diamants convoité. Car sur son lit d’hôpital, le dénommé Billy leur a révélé l’emplacement d’un fabuleux trésor, juste avant de trépasser. Ils sont réveillés au milieu de la nuit par l’affrontement fatal d’une femme face à un alligator. Ils ont eu doublement chaud : la femme était sans doute venue pour leur piquer leur plan et ils ignoraient que la région était infestée de sauriens. Le lendemain, ils rejoignent en barque le cœur de Manhattan (en ruine), ignorant qu’ils sont observés à la jumelle par les complices de la femme. Eux aussi convoitent le sac de diamants… mais rien ne sert de se fatiguer, autant laisser Jeremiah et Kurdy faire le boulot ! Les deux copains s’arrêtent enfin devant un immeuble et Kurdy y grimpe en reconnaissance. Il tombe alors nez à nez avec une créature mutante, un humanoïde simplet à peau de lézard. En se sauvant, le mutant manque de faire une chute mortelle et se rattrape in extremis à un bout de tuyau. Kurdy l’aide à remonter, n’hésitant pas à mettre en péril sa veste en peau de chèvre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec le tome 19, Zone Frontière, Hermann avait surpris son monde en se mettant à dessiner sa série mythique en couleurs directes. Depuis 15 ans, tous les épisodes de Jeremiah avaient alors emprunté cette technique, pour laquelle ce maître de 9e art avait d’emblée montré une insolente maîtrise. Pour ce tome 30, surprise : revoilà l’encrage ! Pour les fans, ce retour aux sources reste un détail, car le dessin d’Hermann conserve ses immenses qualités de proportions, de cadrages, de rythme et de mouvements… et ses (petits) défauts, que soulignent inlassablement ses détracteurs. On lui reproche souvent en effet des personnages féminins disgracieux… Qu’à cela ne tienne : la seule femme de Fifty-fifty commence par se faire bouffer par un alligator, de nuit, en deux cases. Côté scénar, notre tandem de baroudeurs post-apocalyptiques se lance cette fois dans une chasse au trésor : un plan codé indique l’emplacement d’un sac de diamant… immergé dans un building. Evidemment, on voit mal, pour les albums à venir, nos deux héros ouvrir un complexe hôtelier avec jacuzzi dans chaque chambre ; donc on se doute d’avance que leur entreprise ne sera pas totalement couronnée de succès. Bien sur, les répliques sont toujours jouissives d’humour et de cynisme (ça vanne sévère), on ne s’en lasse pas. Classique dans la destiné du couple de héros – c'est-à-dire périlleuse, étrange et infructueuse – cette intrigue permet au passage d’éclairer un pan de la « catastrophe » passée, qui plante le contexte depuis la seconde planche de la série. En dévoilant ce qui ressemble aux ruines de New-York devenue lacustre, puis la carcasse d’un téléphone portable, Hermann se raccroche judicieusement au pessimisme écologique du XXIe siècle conjecturé par les experts climatologues actuels. La présence des créatures mutantes permet néanmoins de conserver l’hypothèse nucléaire en prime…