L'histoire :
C’était avant de rencontrer Jeremiah, mais déjà après l’apocalypse. Le jeune Kurdy Malloy traverse seul et discrètement un champ de blé, jusqu’à une grange. A l’intérieur, une grosse femme très laide se fait frire du poisson sur un brasero, tout en discutant avec un crucifix géant. Jésus, elle l’appelle « Jaycee », et lui cause sur un ton sarcastique. Quand elle aperçoit Kurdy, elle l’invite à goûter son frichti. Mais rapidement, deux cow-boys se pointent. Kurdy se planque… sous la robe de la grosse femme. Une épreuve suffocante, étant donné qu’elle n’a pas de salle de bain. Les cow-boys en uniforme jettent un œil dans les recoins de la grange, sans rien trouver, puis repartent. Ce moment d’intimité permet à Mama Olga de s’attacher à Kurdy. Elle lui offre le gîte contre quelques menus services. Elle sait notamment que Kurdy pénètre nuitamment dans le « camp de redressement » situé à proximité, pour y retrouver son copain Chorizo. Elle lui demande d’y faire passer de la drogue, pour un complice situé à l’intérieur, qui fait fructifier un commerce juteux. Kurdy accepte, car il voit évidemment là une bonne occasion de s’enrichir au passage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y avait déjà eu un Jeremiah sans Kurdy (Un hiver de clown, suite à une brouille entre les deux compères), mais pas encore de Jeremiah sans Jeremiah… Dans ce 35ème opus, Hermann ose le flashback en se centrant uniquement sur Kurdy. L’intention narrative est de nous révéler quelques clés sur la vie de cette jeune tête brûlée, avant sa rencontre avec Jer’. Le contexte semble être planté quelques mois après la fameuse guerre civile apocalyptique (première planche du tome 1) qui vaut aux USA d’être revenus à une ère de post-western décharné nucléaire sans foi ni loi. Sur le plan du scénario, Hermann cherche toujours à frayer loin des sentiers battus. Et tant pis si on ne comprend pas l’entièreté des enjeux et des conséquences ; et tant pis si on n’aperçoit que des bribes de personnalités brisées d’acteurs baroques. Ainsi se caractérise la grosse Olga, hôtesse de circonstance pour Kurdy qui pose dans un fauteuil en rotin importé en contre-emploi jubilatoire du film Emmanuelle. Elle discute avec Jésus (pardon, Jaycee !) et porte un bonnet de bain rose ridicule sur la tête, dans l’optique de se payer, un jour, une piscine. Dans cet objectif, elle participe à un hideux trafic de dope. Et puisqu’il y a du fric en jeu, le jeune Kurdy se laisse évidemment tenter – c’est dans ses gènes. Quitte à y laisser traitreusement son ami de l’époque, un certain « Chorizo », auquel le lecteur n’aura pas le temps de s’attacher. On saura alors pourquoi Kurdy ne quitte pas son casque militaire. On le découvre également en train de faire la primo connaissance d’Esra, qui n’est pas encore SA mule. En revanche, nous ne saurons pas l’origine de ce magnifique gilet en laine de mouton, ni de la plaque militaire « Mother », qui l’affublent tous deux déjà. Sur le plan graphique, bien que les planches sont toujours savamment cadrées et découpées, le trait en couleurs directes d’Hermann se délite sensiblement (notamment les proportions de Kurdy sur la couverture, complètement ratée !). Faute à la productivité frénétique des derniers mois, en marge d’une présidence d’Angoulême sans doute chronophage ?