L'histoire :
En ce matin d'automne 1946, le commissaire de police marseillais Serge Coste passe prendre son adjoint Hautcoeur, qui habite encore avec sa maman possessive. Ils se rendent ensuite sur la parcelle de terre d'un paysan du Luberon, qui vient d'exhumer un cadavre en passant sa charrue. Dans une poche du veston, une carte de visite au nom de Daumier leur donne l'identité d'un ancien résistant, membre du Parti Communiste local. Les policiers débutent leur enquête en interrogeant ses anciens collègues de travail, puis le leader du PCF marseillais, affligé. Un courrier anonyme laconique leur parvient alors et déclenche des investigations d'une toute autre envergure : « il y a d'autres morts ». Dans les jours qui suivent, un bulldozer retourne en effet le champ et exhume sept cadavres, en tout. Il semble de plus en plus évident que ces exactions sont des règlements de compte hérités de la lutte entre résistants et miliciens sous le régime de Vichy. Après avoir entendu quelques détails de l'affaire, le responsable de Coste à l'Évêché (hôtel de police de Marseille) l'incite à étouffer l'affaire. Il est temps, selon lui, de faire table rase des sombres excès de l'épuration. C'est sans compter sur l'intégrité de Coste, qui propose à son équipe d'enquêteurs d'aller jusqu'au bout. Etant donné que les cadavres n'ont pas été tués sur place, ils se demandent pourquoi on les a enterrés là ? Les policiers orientent donc leurs recherches vers les habitants du coin, et interrogent le maire sur d'éventuels anciens miliciens. Deux noms leur sont donnés : Carnot, suicidé à la libération, et Bannier, introuvable...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Quatrième République a succédé au régime de Vichy et donc à la sombre période de la collaboration. Logique donc, qu'elle se soit étayée de vengeances et de rancunes viscérales... L'enquête policière fictive se déroule encore une fois en marge du régime politique historique (comme pour les Mystères de la Troisième République), c'est à dire sans convoquer ses authentiques acteurs historiques. Méticuleuses, complexes et logiques, les investigations contenteront donc pleinement les amateurs de polars, même si derrière un titre à connotation aussi politique, on s'attendait sans doute à frayer avec des affaires historiques. Le scénariste Philippe Richelle emprunte donc strictement le même canevas que pour les Mystères de la Troisième République : deux premières planches en flashforward présentent un héros commissaire en fâcheuse posture ; puis en amont, une enquête méticuleuse et très dense est menée par un duo de flics consciencieux. Les policiers glanent des indices nombreux, véhiculant des fausses pistes et des non-dits qui leur impose un tri et une intuition professionnelle accrue, ce qui contribue à rendre les investigations très réalistes. La quantité des noms à retenir et les informations à tiroirs (profonds) sont à la fois la force et la limite de cet excellent polar. Les lecteurs bien concentrés y gagneront une enquête palpitante, résolue à 99% dans ce premier opus, sur 54 planches. Et pour ne rien gâcher, ces 54 planches sont réalisées par l'italien Alfio Buscaglia, au style réaliste sûr et régulier, complet dans tous les registres, toujours relayé par la colorisation impeccable de Claudia Boccato.