L'histoire :
Nous sommes en septembre 1905, sur le front chinois de la guerre russo-japonaise. La fin des hostilités est sifflée. L’armée du « Soleil levant » l’emporte sur le Saint Empire russe. L’Orient humilie l’Occident : une première. Tous les soldats des armées régulières sont appelés à cesser le feu. Pourtant, un coup de feu se fait encore entendre. Un porteur du drapeau japonais est atteint. Sans doute furieux de la capitulation, un des belligérants défaits – appartenant au détachement sibérien – refuse de se rendre. Après tout, il n’a pas demandé à faire cette guerre et personne ne lui commandera de l’arrêter ! Le soldat mutiné abat même son capitaine venu le sommer d’arrêter. Raspoutine – puisque tel se prénomme le jeune homme rebelle – prend la fuite, quittant précipitamment la tranchée d’où il opérait. Afin de tromper ses poursuivants, il enfile un uniforme d’officier ennemi. Sur son chemin, il est contraint d’abattre encore deux fantassins suspicieux. Désormais, Russes comme Japonais voudront le prendre pour le fusiller (…). Sur le théâtre des combats, des « observateurs » étrangers (invités par les états-majors) veillent fréquemment au bon déroulement des choses. Parmi eux, Jack London, américain et ami d’un certain Corto Maltese, aventurier à la recherche des fabuleuses mines d’or du roi Salomon. Par un concours malheureux de circonstances, Jack et Corto vont être appelés à aider le franc-tireur traqué à quitter la Chine…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Parmi les amateurs de bandes dessinées, il y a ceux qui attachent beaucoup d’importance à l’emballage, et d’autres moins. Les premiers : passez votre chemin. Pour les seconds, ces éditions poches et commentées – en vue d’une étude possible en classe de collège (de nombreux termes du français courant sont en effet annotés) ou de lycée – proposées par Magnard et Casterman, offrent une heureuse lecture à moindre coût. Avec notamment la première aventure d’Adèle Blanc-sec (Tardi), est désormais disponible dans la collection Classiques et Contemporains La Jeunesse de Corto, signée du regretté Hugo Pratt, naturellement. L’auteur y revient sur le passé de son héros voyageur, né précédemment dans La Ballade de la mer salée (1967). Le titre est peut-être mal choisi, Corto n’apparaissant qu’en fin (pl. 51). En revanche, le contexte historique de l’aventure est comme toujours soigné et, surtout, le lecteur fait (mieux) connaissance avec deux de ses amis : le flegmatique américain Jack London et l’imprévisible Raspoutine. Quelle trouvaille que ce second personnage ! Un bonheur de lecteur (comme probablement d’auteur) chaque fois surpris et réjoui ! Le graphisme à l’essentiel de Pratt, se refusant au décorum, privilégiant l’atmosphère, reste un modèle de peinture réaliste et onirique à la fois. Car s’il est question de guerre russo-japonaise datée et avérée, il est aussi question des fabuleuses mines du roi Salomon : de rêve, quoi ! Il est peu d’auteurs du 9e art qui peuvent se vanter d’être au programme des collèges et lycées – en espérant que parents et professeurs fassent ce bon choix. En attendant, voici une excellente évasion découverte ou redécouverte !
