L'histoire :
Derrick, un quadra barbu et blasé, au cuir tanné et sans illusions, travaille pour une société un peu particulière et pas franchement légale. En compagnie de 4 autres camarades, il se vêtit chaque matin d’une combinaison blanche, de bottes, de gants, d’un masque de chirurgien… Et ils se rendent discrètement dans certaines habitations où on leur a signalé une odeur morbide suspecte. Leur job, c’est de récupérer tous les objets de valeur qu’ils peuvent, aux domiciles de ces gens qui sont morts seuls, sans famille, sans amis, dans la plus totale discrétion. Pendus, suicidés, vieux… En somme, leur job, c’est de piller les morts oubliés. Après tout, personne ne leur réclamera ces biens, étant donné que personne ne réclame ces morts. De fait, Derrick et ses potes trouvent souvent des cadavres plusieurs semaines, mois ou années après les morts effectives… c’est-à-dire dans un état de putréfaction avancé. Parfois, ils sont tellement collés qu’ils ont fusionné avec le support sur lequel ils sont morts. Cependant, un climat pour le moins délétère règne entre Derrick, Mike le pénible, Eugène le gros dur, Albert le vicieux, le vieux Maurice et Dédé qui gère l’entrepôt et l’inventaire. Car malgré la tentation, ils ne peuvent rien prendre pour leur pomme : ils sont surveillés par leurs deux boss. Et ils se surveillent chacun entre eux. Aucun ne risquerait de perdre ce boulot lucratif pour avoir chouravé deux cent balles. Or aujourd’hui, ils intègrent un petit nouveau, Ahmed. Et pour son baptême du feu, ils vont se coltiner un ignoble taudis, bouffé par les insectes, contenant deux cadavres qui pourrissent là depuis 5 ans…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vous aimez les thrillers sordides et glauques ? Voire morbides et poisseux ? Voire gores et immondes ? Bienvenu dans RIP, premier tome d’une série-concept qui utilise et magnifie les codes du genre. Dans ce tome 1, le personnage de Derrick nous donne à voir son point de vue sur l’organisation scélérate pour laquelle il officie. Il est un pilleur moderne, qui s’assoie depuis longtemps sur ses scrupules et n’ambitionne plus rien de la vie. Il supporte son job, mais ne supporte plus ni sa cruche de femme, ni ses abrutis de collègues. Bref, le bonheur ! Le scénariste Gaet’s nous fait découvrir cela très majoritairement par le truchement d’encadrés narratifs miroirs de la pensée de Derrick. Et une problématique de bague volée fait monter le suspens sur la grosse centaine de pages de ce premier tome, jusqu’à un dénouement astucieux qu’on n’a pas vu venir. Or les pages finales du recueil nous précisent que 5 autres tomes sont à venir, qui nous éclairerons (de blafarde manière, évidemment) sur les zones d’ombres de 5 autres persos : Maurice, Ahmed, Albert, Fanette et Eugène. Car sur ce canevas morbide, chacun trimbale sa destinée tourmentée et secrète, qu’il conviendra de gratter jusqu’à l’os. Au dessin, Julien Monier déroule une griffe stylisée parfaitement maîtrisée et raccord avec l’ambiance crasseuse. Sur une palette de couleurs très contrastées – mais plutôt ocres et sales – l’auteur joue sur les perspectives ou les cadrages en gros plan, pourvu que cela accentue l’ignoble. C’est immersif, c’est jouissivement répugnant et tendu, c’est beau comme la vie, quoi…