Pour beaucoup, il est le génial scénariste de 100 Bullets. Pour les connaisseurs, il est l'un des plus brillants auteurs de polar du 9ème art. Brian Azzarello n'est pourtant pas que ça. D'un naturel discret, nous l'avions rencontré il y a quelques années, alors que sa série phare se terminait tout juste et que sortait son fabuleux Joker. Depuis, il s'est lancé de nouveaux défis, comme le lancement de la nouvelle série Wonder Woman aux USA en 2011. Nous l'avons donc sollicité de nouveau, pour qu'il nous parle de ses derniers projets, dont le fameux First Wave, un hommage aux récits pulps des années 30. Une seconde interview réalisée de bon matin, autour d'un café...
interview Comics
Brian Azzarello
Bonjour Brian Azzarello, peux-tu nous parler du concept de First Wave ?
Brian Azzarello : Bien sûr. Cette série réunit des personnages anciens comme The Spirit, Doc Savage et Batman. Ils vivent une aventure en commun et ne sont pas encore les héros que l'on connaît.
First Wave est très différent des polars que tu as écrit jusqu'ici...
BA : Oui, cette série possède un côté « pulp », qu'on ne retrouve pas habituellement dans mes titres. Mon approche a changé. Mes projets étaient souvent les mêmes. J'ai toujours voulu ne faire qu'une chose : raconter de bonnes histoires.
Cela n'a-t-il pas été difficile de réunir dans une même histoire des personnages aussi différents que Batman, Doc Savage et Batman ?
BA : Je ne les vois pas vraiment différent les uns des autres. Certes, c'est Doc Savage qui est apparu en premier, mais il y a de nombreux points entre eux. Ce sont tous des super héros sans pouvoirs. Pour moi, la principale difficulté a été de leur donner des différences pour qu'ils trouvent chacun leur place dans l'histoire, leur propre culture. On aurait pu croire l'histoire difficile à suivre, mais lorsque j'écris, je ne pense pas aux lecteurs. Je sais qu'ils comprendront, car ils sont intelligents. Mon approche scénaristique n'est peut-être pas toujours la plus simple, mais je crois que c'est ce qu'apprécient les lecteurs. Sur 100 Bullets, j'ai créé beaucoup de personnages et cela n'a pas handicapé la série.
En France, nous ne connaissons pas beaucoup Doc Savage. Dirais-tu de lui qu'il est le père spirituel de Batman ?
BA : Je pense que si l'on disait que Batman était le descendant du Spirit, tout le monde serait d'accord. Par contre, je ne vois pas Batman comme l'héritier de Doc Savage mais plutôt du Shadow.
Est-ce que ton approche de l'écriture a changé ? Il doit y avoir des différences entre ton approche sur Jonny Double et First Wave ?
BA : Entre ces deux titres, il y a beaucoup d'années et j'ai forcément changé. Les histoires sont très différentes. Mon écriture a progressé avec 100 Bullets et m'a permis de tester plusieurs sortes de narration.
Sur First Wave, tu as pris le plus grand soin d'intégrer de nombreux personnages provenant de Doc Savage notamment...
BA : Je suis fan de Doc Savage et c'est pour ça que j'ai fait le projet. Il n'est malheureusement pas pas aussi connu que Batman et c'est bien dommage.
Pour moi, First Wave est un hommage aux séries des années 30 comme Doc Savage bien sûr mais aussi Terry et les pirates. Qu'en penses-tu ?
BA : Oh oui, c'est exactement ça. Ces histoires étaient fantastiques, je les préfère à celles de super héros.
Pourtant, tu es un spécialiste du genre...
BA : Oh non, j'aime bien Batman car il n'a pas de pouvoir.
Tu ne préfères pas le Joker ?
BA : Si, il est beaucoup plus amusant. Il n'a pas de pouvoirs spéciaux, c'est juste un humain, un peu taré mais un homme quand même.
Et si DC te proposait de préparer le come-back de Doc Savage...
BA : Si cette opportunité se présentait, je la saisirais de suite. Tu peux en être sûr !
Une des grandes forces de ton écriture vient de la qualité de tes dialogues. Comment t'y prends-tu ?
BA : En fait, ils ne sont pas bons. C'est la façon dont on aimerait qu'ils sonnent, qui fait que cela fonctionne. Lorsque j'écris le scénario, je les imagine comme si je me parlais à moi-même, mais en mieux.
Tu as souvent travaillé avec Eduardo Risso et vous avez lancé dernièrement un titre nommé Spaceman, peux-tu nous en toucher deux mots ?
BA : Spaceman est la façon dont nous imaginons la science-fiction. Cela se passe dans le futur, dans une société aux abois, l'économie ne va pas bien. Vous y ferez la connaissance d'Orson, un personnage qui a un rapport étroit avec la génétique. Je te laisserai découvrir la suite !
Ton autre actualité concerne le reboot de l'univers DC Comics. Tu as écrit les nouvelles aventures de Wonder Woman qui ont l'air d'être plus sombres que d'habitude...
BA : Je souhaite écrire une des meilleures histoires de Wonder Woman, recréer son monde, montrer des choses que l'on ne voyait pas avant. J'essaie d'amener une certaine tension dans le récit. Je veux rendre son univers plus sombre.
As-tu déjà eu les premières réactions des fans sur ce changement de ton ?
BA : La plupart d'entre eux continue de l'acheter, donc c'est un succès. Je pense qu'ils sont contents, à l'exception de certains grincheux qui n'aiment jamais rien.
Tu as également participé au projet Wednesday Comics. Comment s'est déroulée cette expérience éditoriale et artistique ?
BA : Oui, sur Batman. Tu sais, je pense que sur Wednesday Comics, tous les titres ne fonctionnaient pas lors de leur parution page par page. Le suspense ne prenait pas forcément et le public n'y a pas totalement accroché. Lorsque l'album a été créé, les personnes les moins emballées ont mieux compris ce que tout le monde a essayé de faire. J'ai adoré le Superman de Lee Bermejo et de John Arcudi. Dans notre cas avec Eduardo, je pense que ça fonctionnait bien lorsque ça sortait au fur et à mesure.
Vu que tu as écrit sur les grands méchants de DC Comics que sont Lex Luthor et le Joker, comptes-tu t'attaquer à un autre « bad guy » prochainement ?
BA : Hé hé, la seule chose que je peux te dire c'est que Lee et moi travaillons sur un nouveau projet. Et c'est tout ce que je peux t'en dire ! Et c'est déjà beaucoup !
Et quand est-il d'un album pour la France ?
BA : C'est une réalité ! Ce sera une histoire criminelle. Elle sera dessinée par quelqu'un que tu connais sûrement et avec qui j'ai déjà travaillé. Stop, plus d'indices ! Cela devrait sortir d'ici deux ans, je pense.
J'avais entendu parler à un moment qu'une adaptation de 100 Bullets avait été actée pour le cinéma. C'est vrai ?
BA : Oui, mais les producteurs ont mis trop de temps à se décider et lorsqu'ils se sont rendus comte du nombre de personnages, ils voulaient en enlever plein. Du coup, ça ne se fera pas. On avait réfléchi à une version en série télévisée, mais cela n'avance pas beaucoup plus.
As-tu eu quelques coups de cœur récemment en BD ? Il y a 3 ans tu nous disais adorer Scalped...
BA : C'est toujours le cas ! Je ne lis pas ce que fait Jason Aaron sur les super héros mais ce titre est vraiment génial.
Merci Brian !
BA : Merci à toi