Avec son compère Matz, le dessinateur Luc Jacamon est à l’origine de la série choc le Tueur (5 tomes chez Casterman). A l’aide d’un style de dessin identifiable entre mille, il excelle dans la mise en place d'un suspens et d'une atmosphère inimitable. Après les états d’âmes de ce tueur de sang froid, il poursuit à présent dans un autre genre, toujours avec Matz, un récit d’anticipation enthousiasmant : Cyclopes.
interview Bande dessinée
Luc Jacamon
Bonjour Luc Jacamon ! On va parler du Tueur, qui est LA série ! Elle est un chef d’œuvre graphique et narratif, bédien d’or sur la planète BD. Pourquoi en pas avoir renouvelé ad vitam aeternam les aventures de cet anti-héros ?
Luc Jacamon : Pour deux raisons essentielles. Je ne suis pas un dessinateur très rapide. La série du tueur compte 5 albums représente 7 ans, ce qui est une belle page dans la vie d’un dessinateur qu’il est temps de tourner, pour moi. Je pense également, ce qui n’est peut-être pas partagé par le scénariste, Matz, que le scénario pouvait trouver ses limites dans la longueur, dans la limite où c’est un monologue du personnage principal, qui a tendance à se répéter, comme pour se persuader lui-même du bien fondé de son statut. Je pensais que c’était bien d’arrêter au 5e tome, pour ne pas se répéter trop, et pour ne pas lasser. On a terminé sur une note relativement positive.
Vous exprimez une sorte de misanthropie à travers ce personnage...
Luc Jacamon : Oui. C’est quelqu’un de très solitaire. Il revient beaucoup sur cet aspect dans le premier tome, ce qui l’amènera à craquer par la suite. L’intrigue va dévoiler cette faiblesse, la solitude, dont il souffre un peu. La suite de l’histoire est également intéressante du fait qu’il s’ouvre à d’autres personnes.
Comment rends-tu la psychologie des personnages dans ton graphisme ?
Luc Jacamon : Le personnage du tueur, je ne voulais pas qu’il ait une tête trop patibulaire. Donc, ces petites lunettes en font un monsieur tout le monde. Je trouve, avec le recul, qu’il a un caractère assez pointu, son visage anguleux, qui lui correspond bien à son personnage. Il n’est pas si anodin que cela.
Ce sont des petites astuces graphiques, les petites lunettes et autres détails de ce genre ?
Luc Jacamon : Oui, mais je crois qu’il faut se laisser aller par moment, ne pas tout calculer. Laisser l’intuition parler, ne pas tout analyser. En ce qui me concerne, je fonctionne beaucoup à l’intuition. Quand j’aborde un travail comme cela, j’évite de perdre mon énergie dans de trop longues recherches. Je la concentre au contraire au moment de la réalisation de l’album. J’attaque de façon assez rapide la réalisation d’une BD, il n’y a pas de story-board dans lequel je risquerai de m’épuiser.
Il y a un peu de toi dans ce tueur professionnel ?
Luc Jacamon : Oui, quand on est dessinateur, on a tendance à se reproduire dans le dessin. Pas forcement physiquement d’ailleurs, ça peut être la gestuelle qu’adopte le personnage, ce genre de choses.
Quelles sont tes influences ?
Luc Jacamon : Elles sont de l’ordre de l’inconscient. Elle sont multiples et de cette usine là, ressort quelque chose qui est suffisamment personnel. Ça a été ma démarche en tous cas. Dans la BD, il y a tellement de dessinateurs clones, qu’il fallait faire quelques chose de différents.
En tout cas c’est réussi ! Comment travailles-tu la couleur ?
Luc Jacamon : Pour moi, la couleur est très agréable à faire. Je ne peux pas imaginer confier cela à quelqu’un d’autre. Je me priverais de la moitié, voire plus, du plaisir à dessiner.
Est-ce que ce style définie ta ligne graphique ? Celle que tu reproduiras dans d’autres séries ?
Luc Jacamon : Je crois qu’on a beaucoup de mal a se défaire de certaines choses mais ce que j’ai fait sur le Tueur est ma patte, et j’ai pas tellement intérêt à m’en éloigner.
Comment a tu rencontrés Matz ?
Luc Jacamon : Par hasard. Un ami à moi travaillait dans la même société que Matz, qui cherchait un dessinateur.
Le tueur terminé, te voilà à présent dans Cyclopes. Tu peux nous en parler ?
Luc Jacamon : Oui, on ne change pas une équipe qui gagne ! Cyclopes est une histoire d’anticipation en 3 albums, qui se passe dans une centaine d’année et qui parle du monde des médias et de leur implication dans les conflits internationaux.
Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Luc Jacamon : Alors, ça c’est toujours une question à laquelle j’ai du mal à répondre. Je répondrais par la bibliographie de quelqu'un comme Franquin, dans ma période adolescente. C’est sans doute lui qui m’a donné envie de faire de la BD. Ou ce que font des gens comme Baru, aujourd’hui.
Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d'un autre auteur de BD, chez qui aurais-tu élu domicile ?
Luc Jacamon : Ah ! Je ne sais pas ! Joker !
Merci Luc !