interview Bande dessinée

Sylvain Runberg

©Dupuis édition 2006

Après avoir signé le scénario des Colocataires (Christopher au dessin), de co-signer celui de Mic MacAdam 4 aux côtés de Luc Brunschwig (Benn au dessin) et surtout de sortir le premier épisode d’un space opera très (très) prometteur, Orbital (Serge Pellé au dessin), Sylvain Runberg est un des auteurs « qui a la côte » ! Il nous a d’ailleurs confirmé ce sentiment dans une interview exclusive, où il nous présente l’état d’avancement de ses nombreux projets…

Réalisée en lien avec l'album Orbital – cycle 1, T1
Lieu de l'interview : Le cyber-espace

interview menée
par
12 avril 2006

Bonjour Sylvain Runberg ! Pour faire connaissance, peux-tu nous raconter (brièvement) ta vie, ton parcours, ton arrivée dans le monde du 9e art ?
Sylvain Runberg : Je suis né voilà 35 années dans la bonne ville de Tournai, j’ai très tôt pris goût à la lecture en général et à la Bande Dessinée en particulier, grandi dans le sud de la France, fait des études d’Arts plastiques au lycée, d’Histoire à la Fac, travaillé en librairie puis dans l’édition et il y a trois ans, j’ai décidé de quitter mon job pour me consacrer à l’écriture après que quatre de mes projets (dont Orbital) aient été acceptés chez différents éditeurs cette année là.

Comment vous est venue l'idée de vous lancer, toi et Serge, dans un projet de l'ampleur d'Orbital ?
Sylvain Runberg : A l’origine, j’ai présenté tous mes projets aux éditeurs sans dessinateur. Après que le scénario d’Orbital ait été validé par Dupuis, Serge a donc été contacté par eux, puisqu’ils connaissaient son travail par l’intermédiaire de Luc Brunschwig, qui nous avait par ailleurs présenté dans le cadre d’un autre projet (qui s’est fait en définitive avec un autre dessinateur, pour diverses raisons). Bref, Serge a lu le scénario d’Orbital, ça lui a plu, il nous a envoyé très vite ses premiers essais, ça nous a beaucoup plu aussi, et c’était parti.

Notre petit doigt nous a dit que tu avais été ou vécu en Angleterre, en Hollande, au Danemark, en Suède, en Allemagne... C'est ce parcours cosmopolite qui t'a inspiré l'ODI et son idéal multicivilisationnel ?
Sylvain Runberg : J’en déduis que ton petit doigt est médium ou bien qu’il travaille pour les Renseignements Généraux. Oui, ça fait certainement partie de mes sources d’inspirations. D’une manière générale, ce sont les évènements géopolitiques passés et présents qui m’inspirent pour Orbital, et mon attachement à la Science-Fiction évidemment. Pour moi, la SF et l’anticipation sont des miroirs qui nous renvoient à notre propre réalité. L’altérité, l’hypothèse de notre rencontre avec une intelligence extra-terrestre est aussi l’un des moteur de la série : Quelles seraient nos réactions si un jour nous y étions confrontés, et si celle-ci se révélait au départ pacifique ? Elles seraient probablement multiples, allant du pitoyable à la grandeur d’âme, comme dans la série. Enfin, la thématique des derniers arrivants est l’un des socles de l’histoire. Les humains sont les derniers arrivés dans cette immense Confédération, ils y sont mal acceptés, ils sont les nouveaux venus que beaucoup pointent du doigt. Et à l’exemple de Caleb, l’un des personnages principaux, ils doivent en faire deux fois plus que les autres pour être reconnus à leur juste valeur.

Quelle est l'ambition d'Orbital ? Le nombre de tomes prévus ?...
Sylvain Runberg : Orbital est une série ouverte : pas de limite de tome tant que nous nous faisons plaisir Serge et moi, et tant que l’éditeur (et par conséquent le lecteur) y trouve son compte. En revanche, j’ai opté pour un système de cycles complets en deux tomes, ça permet d’avoir régulièrement un début et une fin, avec en toile de fond une trame plus générale qui va se greffer sur les différents récits qui nous ferons découvrir à chaque fois un contexte différents (races, mondes, problématiques). Il s’agit avant tout de permettre aux personnages que l’on va suivre de se déployer, de pouvoir suivre leurs évolutions, positives comme négatives.

Comment Serge Pellé a-t-il fait pour parvenir dès ce premier tome à ce style graphique si abouti qui colle aussi bien à l'univers de la série ? Tu l'as entraîné de nombreuses années dans ta cave ?
Sylvain Runberg : Son talent est la seule explication qui vaille. En fait, c’est allé très vite, les propositions de Serge ont immédiatement collé à l’idée que j’avais du projet, l’éditeur étant tout aussi enthousiaste Serge amène beaucoup d’éléments visuels, développant à tout va à partir de ce que je mets en place. C’est un vrai plaisir de bosser ensemble. Et non, il n’y a pas eu la nécessité d’un séjour en cave pour que ça marche.

Quel regard portes-tu sur les autres « space operas » du 9e art, confirmés ou débutants ? Ex : Sillage, L'héritier des étoiles, Valerian... (ou autres) ?
Sylvain Runberg : Valérian fait parti de mes premières lectures : c’était Les Oiseaux du Maître pour être précis. Incontournable. L’Héritier des Etoiles, je ne connais que de nom et pour Sillage, je n’ai lu que le premier tome à sa sortie. Je suis donc assez mal placé pour te parler de ces séries. Sinon, j’aime l’Incal, surtout les deux premiers albums en fait, et l’un de mes ouvrages préférés en SF est l’Eternaute, d’Alberto Breccia et Hector Oesterheld. Un chef d’œuvre.

De quel sexe est Mezoke ? (alleeeez, tu peux nous le dire, quoi...)
Sylvain Runberg : N’étant pas de race Sandjarr, j’en sais à peine plus que toi. Enfin, si. J’avoue. Je sais. Mais j’ai promis de me taire. Désolé.

Parlons maintenant un peu des Colocataires. En combien de tomes est prévue cette série dessinée par Christopher ? Peux-tu nous en raconter la genèse ?
Sylvain Runberg : C’est très simple : durant mes années de Fac à Aix en Provence, j’ai été en colocation avec trois/quatre copains pendant 4 ans. C’est donc beaucoup de vécu à la base. Ensuite, la colocation sert ici de poste d’observation privilégié sur notre société, au travers de quatre jeunes adultes qui vivent ensemble, et qui sont tous assez différents. Et comme Christopher a lui aussi habité à Aix en Provence, il connaît très bien le contexte socio-culturel du projet, ça a donc collé très vite aussi pour nous deux. Le nombre de tome ? Même chose que pour Orbital.

Des Colocataires à Orbital, en passant par Mic MacAdam, les séries que tu scénarises appartiennent à des genres très variés. C'est une volonté de tâter à tout ou c'est simplement tombé comme ça ?
Sylvain Runberg : C’est tombé comme ça. Et je trouve que c’est l’un des plaisirs de l’écriture que de pouvoir passer régulièrement à des univers très différents.

Y a-t-il selon toi une « Runberg touch » constante à ces trois séries ?
Sylvain Runberg : Je suis probablement le plus mal placé pour répondre à cette question et ne me suis jamais posé la question à vrai dire.

Peux-tu nous en dire plus au sujet de Mic MacAdam ? Le tome 4 qui sort est-il un passage de relais entre Luc (Brunschwig) et toi ? Pourquoi cosigner ce dernier scénario ? Quelle plus-value as-tu apportée à la réalisation de cet album ?
Sylvain Runberg : Luc m’a demandé de collaborer avec lui car il savait que j’aimais beaucoup ces Nouvelles Aventures de Mic Mac Adam. Du fantastique et de l’historique, c’était là de quoi me satisfaire pleinement, sans parler de la chance de pouvoir travailler avec deux auteurs de cette trempe. De plus, c’est à la lecture du Pouvoir des Innocents que j’ai été pour la première fois interpellé sur le travail du scénario en Bande Dessinée, alors voilà, ça a fini par se faire, et actuellement, nous sommes sur l’écriture du T5.

Sur planetebd, on trouve que les nouvelles aventures de Mic MacAdam ont du mal à trouver leur juste ton (on trouve a une sorte de dichotomie entre « espionnage » et fantastique ; et une autre entre le sérieux du scénario et les courbes du dessin). Quelle est l'« ambition » de la série ? Que peut-on attendre de ton implication ?
Sylvain Runberg : Cette dichotomie dont tu parles est justement ce qui fait à mes yeux l’intérêt de cette série : partir de l’élément fantastique et le traiter en tant que tel dans un contexte connu, confronter le mythe et le réel, le tout servi par un dessin dont on pourrait s’étonner – à tort - qu’il traite de sujets aussi durs. Pour ma part, j’ai justement beaucoup travaillé dans ce quatrième tome sur le contexte d’incertitude qui régnait chez les différents belligérants en ce printemps 1916. J’ai donc extrapolé sur les réactions qu’auraient pu avoir le Kaiser ou le premier ministre britannique de l’époque face à l’irruption de créatures comme les Kobbels dans leur environnement. Je me suis vraiment beaucoup amusé à faire ça, d’autant plus que j’avais déjà eu le même type de réflexion sur l’un de mes projets à paraître en 2007, Hammerfall, qui concerne lui les univers Francs et Vikings.

Comment se passe tes diverses collaborations avec Serge Pellé, André Benn, Christopher, Luc Brunschwig ou ... ? Lequel est le plus difficile à supporter ?
Sylvain Runberg : C’est plutôt Luc qui est en relation directe avec André, pour des raisons pratiques. Et avec mes différents camarades, ça se passe très bien. De toutes façons, je ne me vois pas collaborer des années durant avec des personnes sans avoir avec elles des affinités particulières. L’un ne va pas sans l’autre.

D'une manière générale, quelles sont tes influences ?
Sylvain Runberg : L’actualité, l’Histoire, mes rapports avec les autres, éventuellement des œuvres particulières, mais c’est plutôt rare et ça ne que concerne des points très particuliers : ce qui me motive avant tout, c’est d’écrire des histoires que j’aimerais lire et qui (à ma connaissance) n’ont pas encore été écrites.

Quels sont tes autres projets ?
Sylvain Runberg : Il y donc Hammerfall, une série historique-fantastique qui se déroule en Europe au VIIIe siècle, avec Boris Talijancic au dessin et Nicolas Fructus (l’auteur de Thorinth) qui nous fait le plaisir d’en réaliser les couvertures, à paraître en 2007 chez Dupuis. Ensuite, il y a deux projets liés à l’univers de Kookaburra, l’un étant Le Sourire de Myra le 7e épisode de Kookaburra Universe, avec Eduardo Ocana au dessin, le second étant un projet un peu plus à part, les deux prévus pour fin 2006 début 2007.

En 2007 également, la parution de London Calling, avec Philippe Gillot au dessin, dans la collection 32 chez Futuropolis. Il s’agit de l’histoire (assez autobiographique) de deux jeunes français qui partent tenter l’aventure à Londres au début des années 90, et qui vont se trouver partie prenante dans le mouvement des « travellers », ces tribus techno-nomades. Ces deux Français vont surtout se prendre en pleine face la réalité d’une Angleterre refaçonnée par 10 ans de contre-révolution Thatchérienne.

Enfin, toujours pour 2007, il y a Unleash, chez Dupuis encore, avec Niko Henrichon au dessin, qui jusqu’à présent a fait sa carrière outre-atlantique chez DC Comics. Il s’agit d’une série mêlant anticipation et science fiction. Bien que complètement autonome au niveau de l’intrigue, des personnages et de la ligne graphique – il ne s’agit aucunement d’un spin-off ou d’une déclinaison - elle est d’une certaine manière liée à l’univers d’Orbital, Unleash se déroulant plus de 150 ans avant les évènements qui sont développés au début d’Orbital.


Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Sylvain Runberg : Perramus d’Alberto Breccia, Léon la Came de Sylvain Chomet et Nicolas de Crecy, Gorazde de Joe Sacco et Monster, de Naoki Urasawa, l’un de mes derniers gros coups de cœur de ces dernières années (les lecteurs attentifs auront d’ailleurs peut-être vu qu’Orbital contient un hommage très peu voilé à cette série).

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d'un autre auteur de BD, chez qui aurais-tu élu domicile ?
Sylvain Runberg : Jiro Taniguchi, parce que c’est un auteur sublime, tout simplement.

Merci Sylvain !