interview Manga

Yumiko Igarashi

©Pika édition 2014

On la connaît en France pour le premier dessin animé shôjo ayant bercé les trentenaires d’aujourd’hui dès 1978, Candy Candy, suivi une décennie plus tard de Georgie. Auteur des mangas à l’origine de ces œuvres, Yumiko Igarashi reste pour autant encore assez peu connue en France malgré de nombreux titres parus au fil des années (dont certains dès 1977 !) : Candy Candy (Téléguide, puis Kodansha), Georgie (Tonkam), Anne, Croque-Pockle, Mayme Angel (Taïfu), Heidi (Glénat), et tout récemment Roméo & Juliette et Madame Bovary (Isan Manga), ainsi que Joséphine Impératrice (Pika). C’est à l’occasion de la sortie de ces trois derniers titres que l’auteur venait nous rendre visite en France, 45 ans après les débuts de sa carrière. Nous l’avons rencontrée chez Ladurée à Paris, dans un cadre où n’aurait pas dénoté l’une de ses célèbres héroïnes historiques...

Réalisée en lien avec les albums Joséphine impératrice T1, Joséphine impératrice T2, Heidi
Lieu de l'interview : Ladurée, Paris

interview menée
par
28 février 2014

Bonjour ! Vous fêtez cette année votre 45ème anniversaire de carrière et exposez vos travaux à la convention Japan Touch à Lyon puis à Paris. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Yumiko Igarashi : Je suis très, très heureuse. Depuis que je suis toute petite, à peu près l’âge de 3 ans, j’aimais recopier les dessins d’Osamu Tezuka et de Shôtarô Ishinomori. Je ne pensais pas que j’en arriverais là quand j’ai commencé à dessiner des mangas.


illustration_madame_bovary A partir de 1975, vous connaissez le succès avec Candy Candy. 38 ans après, personne n’a oublié cette œuvre en France ni dans le reste du monde. Qu’est ce qui selon vous a tant séduit dans ce manga pour jeunes filles ?
Yumiko Igarashi : Qu’est-ce que vous, vous en pensez ?


Je ne trouve pas que ce soit un manga seulement pour jeunes filles. Il y a des thématiques assez adultes qui reviennent dans cette œuvre et qui peuvent parler à tout le monde.
Yumiko Igarashi : Voilà ! Moi aussi ! (rires)


On sait que depuis des années, vous êtes en froid avec la scénariste de Candy Candy, Kyôko Mizuki, et que cela bloque dans le monde entier la réédition de l'œuvre. Un espoir va-t-il renaitre tôt ou tard ?
Yumiko Igarashi : Je vous invite à garder encore espoir. Pour ce qui est de ce qu’on pourrait faire, si tous les lecteurs lancent un grand appel sur Internet, éventuellement ça pourrait marcher. En tout cas, moi je suis tout à fait partante pour reprendre la publication de Candy Candy.


Ci-dessus : Illustration de couverture de Madame Bovary, édité chez Isan Manga



En 1982, c'est pour le magazine Shôjo Comic que vous dessinez Georgie. Ce magazine s'adressait alors à des lectrices plus âgées que le magazine Nakayoshi. Souhaitiez-vous changer de cible ?
Yumiko Igarashi : En fait, j’ai accompagné mes lectrices d’origine qui ont lu Candy Candy en faisant une œuvre qui soit accessible aux plus âgées.


illustration_red_roses Une des illustrations préférées de l’auteur, intitulée Red Rose


Vos histoires, qu’elles soient de vous, ou d’un scénariste, ou qu’il s’agisse adaptations, se déroulent souvent en Occident (Europe, Etats-Unis, Australie, Martinique...), à des époques historiques. Comme Ryoko Ikeda (La rose de Versailles / Lady Oscar), vous vous passionnez pour des héroïnes européennes et dessinez des œuvres classiques de la littérature comme Madame Bovary, Romeo et Juliette, Anna Karenine. D'où vient votre passion pour les roses, les séries historiques et pour le milieu de l'aristocratie européenne ?
Yumiko Igarashi : Effectivement, j’aime beaucoup dessiner les roses car cela permet de rendre l’image plus vive, plus attractive. C’est quelque chose que j’utilise beaucoup. En ce qui concerne l’aspect aristocratique de mes œuvres, c’est aussi parce qu’on trouve plus facilement des documents sur la vie des aristocrates alors que la vie du petit peuple a été très peu décrite. C’est plus aisé d’en faire des histoires réalistes.


En tant que dessinatrice des mangas Candy et Georgie, aviez-vous votre mot à dire pour leurs adaptations animées ?
Yumiko Igarashi : La production d’un dessin animé implique énormément de personnes, peut-être 200. Si l’auteur met à chaque fois son grain de sel, cela va commencer à paniquer les personnes qui travaillent. Donc j’ai essayé de ne pas trop les perturber, de regarder en gardant une certaine distance et en n’intervenant que si on me le demandait, comme une maman.


dedicace2 Globalement, vous êtes contente de ces adaptations ?
Yumiko Igarashi : Je vois le dessin animé comme une œuvre différente de mon œuvre originale. Je trouve ça très intéressant et ça me plaît de voir tout ça mis en couleurs avec de l’image et du mouvement.


Comment est né le manga Joséphine impératrice qui sort aujourd’hui en France ? Comment s’est passé la collaboration avec Kaoru Ochiai ?
Yumiko Igarashi : Au départ, c’est l’entreprise Akita Shoten pour qui travaille Kaoru Ochiai qui m’a proposé ce projet. Kaoru Ochiai n’intervient que pour le synopsis, en gros, les grandes lignes. Mais après, c’est moi qui me charge des détails et des dessins.


Ci-dessus : le type de dédicace réalisée pour ses fans lors de la venue de l’auteur à Paris



Que pensez-vous de l’évolution des mangas shôjo depuis 30 ans ?
Yumiko Igarashi : Les auteurs sont devenus très doués et cela me ravie.


Si vous aviez le pouvoir magique de visiter l’esprit d’un autre artiste, vivant ou mort, mangaka ou pas, pour comprendre son génie, comment il pensait, apprendre ses techniques, etc. Qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Yumiko Igarashi : Osamu Tezuka ! Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il avait tellement d’idées qui foisonnaient qu’il n’arrivait pas à suivre. Il n’avait pas le temps d’écrire tout ce qui lui passait par la tête. Donnez-moi ce talent !



Merci !


dedicace




Merci à Kim Bedenne pour la traduction et aux éditions Pika


Toutes les illustrations de l'article sont ©Yumiko Igarashi
Toutes les photos de l'article sont ©Nicolas Demay