L'histoire :
Pour le lieutenant Louis-Charles Bouteloup, fraichement diplômé de la faculté de médecine, l’année 1916 débute par une affectation sur le front des tranchées de la grande guerre, au nord de Verdun. Il doit y remplacer le précédant médecin, Jaquin, mort au champ d’honneur. Dans la carriole qui le conduit jusqu’au poste de secours, dans un village en ruines, son cocher lui donne la mesure du moral des troupes : désabusé et venimeux envers les « huiles » responsables de cette situation atroce. Sur place, il fait connaissance de sa petite unité de brancardiers, qui l’accueille froidement. Ils considéraient plus Jaquin comme un camarade que comme un supérieur. Bouteloup assiste à l’enterrement, sous les flocons de neige et les bombardements ennemis. L’explosion d’un obus à proximité fait chavirer les porteurs du cercueil, qui s’ouvre. A l’intérieur, le cadavre de Jaquin rappelle à François son jeune frère, mort de maladie. Il ranime également l’animosité qu’il porte envers son père, médecin, baron, député et lieutenant-colonel à l’état-major, qu’il tient pour responsable de la mort de François. Jaquin en terre, Bouteloup va devoir se faire accepter de ses hommes et pallier l’urgence : les soins aux blessés qui s’empilent. La chirurgie de guerre est une question de ratio : amputer plutôt que soigner, fait gagner du temps et donc des vies…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les bandes dessinées mettant en scène la guerre, et notamment celles qui traitent du conflit des tranchés entre 1915 et 1918, imposent généralement aux auteurs de se surpasser. Il en va de la Mémoire, du respect dû aux anciens combattants et du souci d’authenticité. En adaptant en BD leur propre roman (paru en juin 2010 chez le même éditeur), les coscénaristes Patrick Cothias et Patrice Ordas ne dérogent pas à cette règle, s’intéressant avec réussite à la médecine de guerre. Dans un cadre hélas authentique, Louis-Charles Bouteloup, le héros (de fiction), découvre l’angoisse ultime qui étreint tout un chacun au cœur des tranchées. Il comprend rapidement la camaraderie nécessaire et se plie bon gré mal gré aux manœuvres politiques parfois suicidaires. Médecin et chirurgien, il est surtout aux premières loges pour récolter les fruits de l’horreur absolue, obligé de pallier au plus pressé, avec deux fois rien, entre boue et mitraille, amputant, brassant la chair et triant les macabées. « On a souvent moins peur des obus que de ce qu’ils engendrent ». En toile de fond et en tant que châssis, le récit brosse l’organisation du service de santé de l’époque (matériels, véhicules, progrès techniques…), même si l’essentiel didactique n’est fourni qu’en annexe. Le récit s’appuie sur une voix off expliquant tantôt les contextes, tantôt les émois des poilus, qui s’alterne avec des dialogues utilisant au plus juste les expressions et l’argot de l’époque. Alain Mounier, qui a été choisi pour dessiner le diptyque, anime idéalement la vie de cette unité ambulancière au sein des champs de bataille, à l’aide d’encrage réaliste appliqués à tous points de vue.