L'histoire :
Le chirurgien Louis Bouteloup arrive enfin à la prison. Il se présente aussitôt au caporal. Celui-ci lui fait un laissez-passer pour rendre visite à Sœur Isabelle, soupçonnée de commercer avec les Allemands. Elle sera fusillée le lendemain et Louis doit donc faire un diagnostique médical dès le soir. Cependant, le docteur n’est même pas sûr qu’il s’agisse de celle qu’il recherche depuis plusieurs jours : Isabelle, baronne de Bach. Il rencontre ensuite le capitaine d’Avrainville, touché dès les premiers jours de la guerre par un shrapnel. L’infirme lui explique les enjeux de l’exécution et l’intérêt de sa présence : s’il diagnostique une maladie, elle ne sera pas fusillée tout de suite, sauf si la maladie est incurable. Louis rentre dans le cachot de l’espionne et la trouve agenouillée, en train de prier Dieu. C’est bien la femme qu’il aime, Isabelle. Il tente de la rassurer tant bien que mal et promet à la malheureuse qu’il sera au rendez-vous le lendemain pour la soutenir lors de son exécution. Le lendemain matin, sous une pluie battante, Isabelle est placée devant un peloton de soldats. Elle reste digne et ne tremble pas, sous les yeux terrifiés de Bouteloup. Après l’exécution et ce triste jour, Bouteloup retrouve ses compagnons de l’ambulance 13. La situation est tendue car les hôpitaux de fortune sont pris d’assaut et les médecins débordés. Cependant, une bonne nouvelle vient redonner du moral aux troupes : Emilie Curie apprend que sa machine à rayons X a été approuvée par les Américains. Ils ont même commandé le brevet pour en faire des ambulances pour leurs propres armées...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le deuxième cycle sur la Première Guerre Mondiale vue du côté des médecins et brancardiers se poursuit. Plusieurs intrigues du tome précédent se dénouent rapidement au début de cet opus. Cependant, le rythme est toujours aussi soutenu : la guerre n’a pas de fin et les événements dramatiques se multiplient. La saga ressemble donc à une série télévisée, tant les personnages sont nombreux et les possibilités de scénario larges. Ainsi, on passe d’une exécution sommaire à une célébration scientifique, puis à des essais d’aviation, pour replonger à nouveau dans l’enfer des tranchées. La multiplication des intrigues permet notamment de varier les émotions. Ainsi, certains passages sont touchants et tragiques – comme certains épisodes de la guerre ou la poignante mise à mort de sœur Isabelle – tandis que d’autres sont beaucoup plus légers. Le rythme ne faiblit jamais : on a l’impression de vivre en direct la Première guerre Mondiale. Il faut dire que les scénaristes s’appliquent à bien restituer chaque élément de l’époque. Les détails, même les plus infimes, sont souvent ceux qui permettent de s'identifier à cette période. Il faut dire que le dessin d’Alain Mounier est très efficace et immersif. L’artiste est capable de tout représenter : d’un défilé militaire imposant, en passant par une bataille sordide de la guerre, ou encore une émotion forte sur le visage d’un personnage. Le tome est tellement dense qu’on regrette que certains éléments passent aussi vite, comme la séquence sur l’aviation française. Le travail de recherche et de restitution est toutefois remarquable. Les auteurs abordent tous les aspects de la guerre et son quotidien : le respect envers la hiérarchie, les soins et le matériel médical, les pensées politiques des soldats. A travers le prisme de ceux qui l’ont faite, la grande guerre est extrêmement réaliste, comme si on lisait des témoignages de soldats de l’époque. C’est aussi une façon de dénoncer l’horreur et l’absurdité de la guerre : l’état major est régulièrement constitué de gradés sans cœur et sans remords. L’album se concentre sur une nouvelle grande bataille de sinistre mémoire : le Chemin des Dames. Les auteurs reviennent sur des passages peu glorieux de notre Histoire comme le traitement réservé aux soldats qui osaient se plaindre des conditions inhumaines ou, pire encore, sur l’ignoble façon d’utiliser les tirailleurs sénégalais comme chair à canon. Bouteloup cristallise les doutes et la révolte qui gronde dans les rangs de l’armée française. Même si son rôle est parfois exagéré, il n’en reste pas moins un porte-parole antimilitariste fort. La série est toujours de qualité et une mine d’or pour découvrir les événements et le contexte d’une guerre infâme.