L'histoire :
Jhen, architecte, et son compère colosse Venceslas, tailleur de pierres, arrivent à Trani, où ils ont décroché un contrat de restauration du campanile (tour) de la cathédrale. Ils y retrouvent leur ami enlumineur Rafaël, qui s’occupe de la restauration des fresques à l’intérieur de la nef. Jhen est présenté à l’évêque et à Lucrezia Orsini, la puissante épouse du Seigneur Don Saverio, qui lui font un état des lieux du chantier. Jhen fait aussi connaissance de Sandro, un fou qui promène son cochon en laisse et en se prenant pour San Nicola Pellegrino, le saint protecteur de la cité. Or en marge de ces travaux estivaux, deux terribles fléaux se préparent à frapper. D’une part, des marins rapportent de lointaines contrées le virus de la peste. Celui-ci se transmet par un chien errant, puis par le cochon de Sandro, que des ouvriers égorgent pour le manger. D’autre part, le seigneur Don Saverio tire les subsides pour la restauration de sa cathédrale d’une riche famille de juifs implantés là. Mais son épouse nourrit un antisémitisme virulent, depuis qu’elle sait que son mari a fait un bâtard dans une famille de meuniers juifs. Par intérêts financiers et liens du sang, Don Saverio continue donc de « protéger » cette famille… mais au sein de la population, la haine grossit, attisée par son épouse. Bientôt, les juifs seront désignés responsables de la maladie qui frappe la ville…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après deux albums enneigés et frisquets, le duo de scénariste Jerry Frissen et Jean-Luc Cornette offrent un peu de soleil à leur héros Jhen. L’éternel jeune architecte prend en effet ses quartiers dans le sud de l’Italie, pour restaurer la cathédrale de Trani (dans les Pouilles), en compagnie de deux amis et collègues artisans. Mais n’en déplaise au climat, le titre de ce 16ème opus annonce une tragédie particulièrement immonde dans ce XVème siècle encore très archaïque : La peste, plutôt bubonique. Au lieu de disséminer les rues de cadavres en putréfaction et se livrer à la typique valse des médecins en toges noires et à becs de corbeaux – l’image traditionnelle de ce fléau au moyen-âge – les auteurs traitent la maladie sous un angle plus contenu. Surtout, ils font un parallèle avec un autre immonde fléau, social celui-là : l’antisémitisme. Car oui, en sus d’un fort et d’une cathédrale, la ville de Trani possède une synagogue, donc une communauté juive. Dans le récit, les juifs s’avèrent les coupables idéaux quant à la propagation de la maladie, une idée aussi fielleuse que contagieuse, attisée par une puissante épouse jalouse. Jhen se pose évidemment en « juste » (avant l’heure), en venant en aide aux juifs… mais on ne va pas tout vous raconter non plus. Sur ce canevas de fond intéressant, la narration est impeccablement rythmée et le dessin réaliste et encré de Paul Treng se conforme idéalement à la griffe jacquesmartinienne. Bref, encore un bon Jhen !