L'histoire :
An 64. Rome s’embrase et se consume. Maisons brûlées, charpentes écroulées, torches vivantes, plèbe qui se jette dans le Tibre. S’abreuvant aux sources de l’enfer, Rome l’éternelle vit ses heures les plus terribles, en proie à ce qui ressemble à un véritable chaos : sur le point de se noyer, une femme entraîne dans son mouvement Marcus Atticus, chef des vigiles. Pour se sauver, il décide de la tuer. Ailleurs, le pugiliste Pollius sauve son fils Androclès menacé par les animaux qui se sont échappés du cirque. Alvina, femme de la plèbe, meurt piétinée sous le poids d’une foule paniquée. Dans un dernier élan d’espoir et sous une chaleur accablante, le peuple décide de fuir vers le Champs de Mars. Néron, souhaitant éviter un massacre, ouvre le Champs de Mars à la foule. Apocalyptique, le paysage urbain de Rome témoigne de la fin d’un monde. Dans la fournaise et l’urgence, où fuir ? Qui a allumé ce sinistre brasier ? Les dieux ? Néron lui-même ? Les Chrétiens ? Beaucoup de questions et peu de certitudes. Il faudra pourtant trouver un coupable, une victime expiatoire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout feu, tout flamme : une Rome enfiévrée, incandescente et pourtant, une Rome éternelle. L’incendie de la ville en 64, qui dura 6 jours et 7 nuits, constitue le fil narratif du tome 8. L’occasion pour Jean Dufaux de décliner quelques tranches de fin de vie et de montrer une Rome en cendres, car prise dans l’étau d’un feu criminel. Symbole sacré, ce feu détruit avant de purifier et de régénérer. Pour acteur central, les Chrétiens bien sûr, parfaits boucs émissaires et victimes expiatoires d’un drame collectif vécu comme une punition divine. Alors, Néron, coupable ? Dufaux a tranché : « L’un en a rêvé, l’autre l’a déclenché »… Plongées et contre-plongées dans le ventre de la ville, combinées à des plans courts, rythment l’embrasement de la Rome antique sur un mode effréné. Efficace. La première moitié de l’album, avec sa narration éclatée, vient habilement illustrer le chaos. Puis, vient le temps du bilan : profiteurs habités par l’appât du gain, ville en cendres et plèbe réduite à la misère brossent le sinistre tableau d’une capitale affaiblie, en proie aux doutes et à la recherche d’un bourreau introuvable. Ici ou là, les auteurs s’accordent une liberté narrative ou graphique mais n’entament jamais l’esprit du fait historique. Ce tome n’est sans doute pas le meilleur de la série, la faute à un scénario un peu ténu. Mais certaines planches marquent indéniablement l’esprit. Murena nous dit que la fiction produit du vrai, bien plus que ne saurait le faire la réalité, source d’illusions permanente. Charge alors à la fiction, grâce aux passions révélées, de dire l’histoire pour mieux lui rendre toute sa saveur, celle du tragique bien souvent. A mi-chemin entre le divertissement grand public et la somme documentée, Murena réussit à faire de l’Histoire un récit passionnant, propre à révéler les profondeurs de l’âme. Empreinte de rigueur, d’honnêteté intellectuelle et de goût pour le fait historique comme formidable miroir des passions, Murena attise le plaisir de lecture et s’impose, finalement, comme un classique de la BD historique.