L'histoire :
Le chat du Chat et le Rabbin dit « Si Dieu existe, il ne tue pas pour un dessin ». Il incite Joann Sfar à se mettre au travail, et lui propose même de l’aider, parce qu’exceptionnellement un personnage de BD peut aider son dessinateur quand ce dernier n’y arrive plus. Et là, il n’y arrive pas. Mais ce dont Joann a vraiment besoin, c’est d’un câlin. Il va même jusque espérer un sursaut d’amour dans la population. « Tu rêves » répond le chat, « le Christ pour aimer son prochain, il serre vachement les poings ». Joann pensait qu’avec Journal de merde, son dernier carnet, il balayait le fond de la connerie humaine, mais en fait non et ça le met mal. Il craque à l’intérieur, heureusement, l’amour rôde pour réparer les dommages de son cœur. Et la brève histoire qu’il a vécue en ce début d’année noire, l’a aidé à tenir, même si elle semble finie à présent. Enfin, il ne sait pas. Ce qu’il sait, c’est qu’il est en bonne santé, et qu’à l’image de la France, il veut se retrouver. Il a une histoire en tête depuis les attentats, celle d’un gars dessinateur et d’une fille qui se tournent autour depuis un moment. Le 7 janvier matin, ils se retrouvent chez lui et se rapprochent l’un de l’autre. Au moment de s’embrasser, le téléphone sonne. Elle lui demande s’il connait bien les gens de Charlie Hebdo. Toute la journée, SMS et appels s’enchaînent, les empêchant de baiser comme ils seraient sensés faire en de telles circonstances. Mais ils n’y arrivent pas, réalisant peu à peu ce qui se passe. Finalement, elle doit partir chercher sa fille à l’école. Ils ne se reverront jamais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le prolixe et boulimique Joann Sfar, avec sa série de Carnets, partage un peu (beaucoup ?) de son intimité à travers des romans graphiques à vocation socialo-philosophique. À l’image du début de l’année, Si Dieu existe s’ouvre tout en tristesse et en mélancolie, que même une bonne santé et une histoire d’amour ne peuvent effacer. La réflexion s’ouvre alors vers tout ce qui a engendré cela. Un état des lieux, peu optimiste, puisque une communication constructive est impossible entre les deux camps. Et comme l’un de ces deux camps se moque des victimes collatérales, l’avenir est sombre. Ce n’est pas le rappel de ce qu’est la liberté d’expression, point par point, qui convaincra les fous de leur folie. Le corbeau, animal totem autoproclamé du livre, symbolise à la fois le chagrin de Sfar et les croâyances des bigots prêts à tout, tellement ils sont incultes. Par l’ignorance, on tient la masse, facile à fédérer sur des thèmes haineux et simplistes. Et au fil de cette actualité mondiale inquiétante, Sfar vit, s’exprime, partage, doute. Outre sa révolte, la chair a aussi besoin de s’exprimer, comme l’amour et la tristesse pour ses parents tous deux disparus, ou ses questionnements hébraïques, légitimes, même pour un non-pratiquant. Il illustre ses propos en mêlant au texte vignettes et planches complètes, avec un style graphique varié, moins brouillon qu’il n’y parait, qui aère cet album dense en informations. Un constat plein de bon sens et de bons sentiments, exutoire pour son auteur, mais aussi creuset d’une réflexion universelle à la portée de tous.