L'histoire :
Woody Guthrie, un chanteur folk américain, avait inscrit un slogan provocateur sur sa guitare, qui devient l'emblème d'un char d'assaut soviétique. « Cette machine tue des fascistes », inscrit à la peinture blanche et en cyrillique sur la tourelle du dernier engin fabriqué par Sergeï Souvarov dans les célèbres ateliers de Chelyabinsk. L'ingénieur a survécu à la bataille de Stalingrad, après avoir passé quelques années au goulag. Il en tire une envie de vengeance contre l'armée allemande, ainsi qu'un manque de respect prononcé envers les autorités soviétiques. Mais ses connaissances techniques sont un atout clé du régime, qui ne peut se passer de lui en vue des dernières batailles contre les allemands sur le front de l'Est et jusqu'à Berlin. Les premières expériences sont spectaculaires sur le plan de la puissance de feu, mais demandent de nombreux réglages pour permettre aux pilotes d'enchaîner les tirs sans se trouver noyés sous un panache de fumée. L'engagement de son engin sur les champs de bataille va s'intensifier, mettant au défi les pilotes de s'habituer à la position inversée de sa tourelle lorsqu'il se déplace. La machine au slogan de peinture blanche va s'illustrer sur les terrains européens, puis devenir un fer de lance de l'armement lourd soviétique. Il traversera les océans pour accompagner les combats des régimes soutenus par l'union Soviétique, jusqu'aux terrains les plus improbables...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Pierre Pécau démontre une nouvelle fois sa passion pour l'Histoire du XXème siècle en mettant en scène une arme de guerre, témoin à la fois de l'ambition soviétique et de la portée de la guerre froide après 1945. Ce char d'assaut puissant surprit les Panzer allemands eux-mêmes, et va se retrouver sur des terrains très éloignés de sa patrie de naissance. Transporté par bateau sur les champs de bataille emblématiques de l'affrontement Est-Ouest, il devient, avec les années qui passent, une sorte de symbole de la volonté de puissance et d'omniprésence d'un empire qui décline peu à peu. Les personnages qui animent cette saga à travers plusieurs décennies ne sont finalement pas très importants. L'illuminé ingénieur Sougarov suffit pour incarner la machine dans son obsession de vengeance. Les scènes de bataille sont très bien mises en image par Senad Mavric, le dessinateur collaborant parfaitement avec la coloriste Scarlett Smulkovski pour rendre les impacts d'obus ultra percutants. La postface du scénariste donne un réel piquant à la construction de son récit. Il y explique ses choix en lien avec l'histoire vraie du char d'assaut appelé le « Joseph Staline 2 ». Il donne une vraie densité documentaire à de nombreuses scènes de l'album, tout en précisant les moments où son imagination l'emporte sur la vérité historique. Un thème très original pour un album bien réalisé. Sans retournement spectaculaire, mais dont l'angle de vue sur l'histoire récente constitue le choix narratif assumé.