L'histoire :
Dans la zone duty-free de l’aéroport de Rome, l’artiste-sculpteuse Domenica Leone manque de peu de se faire chiper son sac à main. Heureusement, une jeune femme très sexy l’avertit à temps et met son chapardeur en fuite. A la fois redevable et charmée par la beauté de la jeune femme, Domenica la surclasse aussitôt au guichet, pour qu’elle voyage en sa compagnie. Prénommée Saïdée, la jeune femme se rend elle aussi à Londres, pour y faire ses études. Une fois dans la capitale britannique, Domenica continue son numéro de charme auprès de Saïdée en demandant à son chauffeur de l’accompagner jusque chez ses logeurs en Cadillac. Quelle surprise lorsqu’ils découvrent la rue occupée par les pompiers : les personnages âgées qui devaient héberger Saïdée viennent de périr dans un accident de gaz ! Domenica est trop contente de pouvoir proposer le gîte à Saïdée, dans sa suite d’Hôtel 5 étoiles, propriété de la Winch Group. Or Largo Winch se trouve lui aussi en cet hôtel, en compagnie de sa secrétaire Pennywinckle et de son directeur général Cochrane, car il doit y présider un grand conseil de son groupe. Et si Saïdée n’était pas une blanche colombe innocente ? Et si elle avait été formatée par de dangereux terroristes salafistes pour devenir martyr ? Et si sa cible était justement Largo Winch, un patron trop humaniste pour permettre la stigmatisation du grand capital occidental ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après une prodigieuse carrière de scénariste, à 75 ans, Jean Van Hamme n’a conservé qu’une série de toutes ses sagas à succès : Largo Winch. Or ce diable de raconteur parvient encore une fois à nous absorber fiévreusement à un thriller diabolique, aux relents plus géopolitiques que financiers dans l’entame de ce 10ème diptyque. L’immersion est d’autant plus immédiate que le décorum contemporain, luxueux, méticuleusement dessiné par Philippe Francq, est une nouvelle fois de grande classe. Notre milliardaire-baroudeur fonce donc tête baissé dans un piège qu’il ignore : un groupe de fondamentalistes islamistes veut sa peau. Ils trouvent ses méthodes de grand dirigeant trop altruistes et vertueuses pour leur permettre de stigmatiser leur combat contre le capitalisme occidental. Leur clé : une jeune femme terriblement sexy, chargée de ferrer cet insatiable coureur de jupons. Trop simple ? Non, car on ne dit pas tout… Mais les amateurs de la série américaine Homeland devraient apprécier de retrouver les ficelles de faux-semblants, à base d’agents doubles, triples, voire quadruples. En outre, toutes accrocheuses soient-elles, les manigances d’espionnages ne sont pas la seule plus-value de l’album. Des relents de Vaudeville planent sur les caractères d’ordinaire austères de Cochrane et de Pennywinckle, ce qui permet d’instiller beaucoup d’humour et d’aborder de manière sous-jacente un autre sujet de société de notre époque : le mélange des genres. Sans oublier quelques parenthèses de philosophie politique bien senties (Largo est-il de droite ou de gauche ?), un domaine de recherche technologique prometteur et une belle romance… Bref, un épisode complet et équilibré.