L'histoire :
Dans un luxueux château du palais de Saint Petersbourg, un mystérieux investisseur russe discute avec un banquier d’affaire américain. Malgré la perte d’un milliard de dollars annuels dans un fonds d’investissement, le russe décide de réinvestir la même somme dans le même fonds, pour une année de plus. Etrangement, le but de la manœuvre est de couler le rival Largo Winch. Six mois plus tard, sur un littoral exotique du Yucatan (Mexique), Largo et Simon espionnent à la jumelle, depuis un bosquet en surplomb, un certain Maliakov, un blond costaud et tatoué qui bronze sur une plage de sable blanc en compagnie de deux créatures de rêve. Ils sont venus pour lui faire avouer le nom du commanditaire du meurtre de Saïdée, dont Largo était tombé follement amoureux (voir diptyque précédent). Mais l’homme se fait dégommer par un sniper. Il prononce dans un dernier souffle le nom de « DeLorean ». Largo s’en retourne au forum de Talos, suivre des conférences entre puissants de ce monde. C’est le moment que choisit Wall Street pour faire un krach aussi spectaculaire qu’imprévu, suivi aussitôt d’une remontée au même niveau. Cet évènement pue le coup spéculatif. L’info secoue évidemment les convives de Talos, qui reçoivent tous le résultat d’une enquête express par texto : la responsabilité en incombe au groupe W. Largo s’exfiltre aussitôt du forum, mais il frise la vendetta mortelle en traversant un groupe d’anonymous et d’altermondialistes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Evènement ! Ce 21ème Largo Winch est le premier qui ne sera pas signé Jean Van Hamme, le génial auteur qui a inventé le personnage (d’abord en roman en 1973, puis en BD à partir de 1989). Le scénariste Eric Giacometti, qu’on avait déjà vu à l’œuvre chez Delcourt sur le franc-maçon Marcas, reprend en effet idéalement le flambeau du scénario, pour une première partie convaincante d’aventure. Elle tranche en tout cas avec le précédent diptyque, qui constituait peut-être le plus mou et convenu de la série. Bref, revoilà tout d’abord Largo au Mexique, en colloque entre puissants, sur fond de manif altermondialiste. Pour raccrocher les wagons, le héros milliardaire enquête sur les responsables de la précédente affaire, lorsque lui tombe dessus la responsabilité d’un krach boursier éclair. Sans trop piger ce qui lui arrive, notre brave Largo se retrouve ennemi public n°1 – restreint au microcosme de la haute finance, évidemment – et l’intrigue aggravera son cas. Se Saint Petersburg à Vaduz, en passant par Chicago et le Yucatan, les fondamentaux sont tous bien là : Largo a l’occasion de transpirer, et pas qu’un peu ; ses fidèles potes Simon et Freddy le secourent, sans se priver de zests d’humour ; la problématique financière de fond est en prime ancrée dans notre formidable début de XXIème siècle. Le groupe Winch se retrouve en effet empêtré dans les affres hallucinant des HFT (Trading à Haute Fréquence) : la transmission d’ordres boursiers ultra-rapides, réalisés par des algorithmes informatiques sans intervention humaine. Enfin, la prestation graphique de Philippe Francq ne souffre d’aucune altération sur la longueur : dessin réaliste au cordeau, découpage rythmé, cadrages équilibré et parfois spectaculaires… Voilà donc un bon Largo. On quitte notre héros classiquement sur un cliffhanger tendu, dans une situation pour le moins inextricable. Vivement le tome 22 qu’on se rassure avec l’inévitable retournement de situation. Largo n’est jamais largué…