L'histoire :
Largo Winch revient à lui. Il est attaché par des sangles de sécurité sur un siège, au côté de mannequins crash-tests. Son smartphone « flotte » à côté de lui. Par le hublot principal, il voit la Terre… il est dans l’espace ! Dix jours plus tôt, un homme arrive au terme d’une course-poursuite époumonée dans les hangars techniques d’une firme spatiale cannoise. Ses trois poursuivants le rattrapent et l’enferment dans une chambre acoustique. Ils le torturent en lui envoyant un son strident surpuissant. L’homme avoue aussitôt l’emplacement d’une clé USB. Les trois tortionnaires l’achèvent en augmentant le son. Un peu plus tard, dans sa chambre d’hôtel, ils trouvent finalement la clé USB à l’emplacement dit. Mais par un coup de téléphone, leur commanditaire secret étend leur contrat à la dernière personne que l’homme a appelé avant de mourir, une femme localisée en Californie. Au même moment, Largo Winch fait de l’espionnage industriel au sein d’une de ses propres firmes minières, sur une île indonésienne. Déguisé en investisseur, il se rend compte des abominables conditions de travail des enfants et des autochtones, pour extraire de l’étain. Ce précieux minerai est très convoité, car il entre dans la composition de nombreux appareils de la nouvelle technologie. En tant qu’actionnaire principal, Largo vire sur le champ le patron de la mine et libère les enfants. Puis de retour à son conseil d’administration, il décide d’opérer une grande mutation sociale et écologique au sein de toutes ses industries. Au même moment, un autre couple de milliardaires, Jarod et Demetria Manskind, se moque du passéisme de ses industries sur les réseaux sociaux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’époque où Jeff Bezos et Richard Branson se paient de courts et dispendieux séjours dans l’espace, il n’est pas illogique que leur rival de fiction Largo Winch en profite aussi. Dès le début de ce 23ème épisode – et 11ème diptyque – le milliardaire sonne le vent des grandes mutations au sein de sa puissante multinationale. Il ne supporte plus l’exploitation des enfants, ni l’emprunte carbone de ses industries. Il lui semble tout à fait judicieux de se mettre sur les rails de la manne technologique à laquelle appartiennent les GAFAM – bien que dans notre réalité, celle-ci ne soit pas forcément plus vertueuse en matière écologique ou sociale. Désormais au scénario de cette série culte initiée par Jean Van Hamme, Eric Giacometti place donc idéalement le personnage dans l’air du temps. Largo ne veut plus que les filiales du groupe W polluent et s’adonnent à l’esclavagisme moderne. On lui propose même de tout lâcher et de placer sa fortune dans l’humanitaire, façon Bill Gates. Ces nobles intentions l’amènent tout de même à se tirer la bourre avec un autre milliardaire qui a quelques parsecs d’avance sur lui en matière d’industries de demain, et qui est notamment actif sur le marché spatial. Le flashforward de la première planche (lire résumé) boucle logiquement avec la dernière de ce premier tome… et nous donne rendez-vous pour lever le suspens dans la seconde partie à paraître. Ce scénario habile et néanmoins cousu d’angélisme s’accompagne toujours d’un dessin réaliste et élégant de Philippe Francq, rehaussé par les couleurs vivifiantes de Bertrand Denoulet. Le soin apporté aux décors et l’équilibre des cadrages demeurent d’une rare virtuosité.