L'histoire :
A Lucerne, en Suisse, une mystérieuse femme organise le kidnapping de Martha Stroegl, la fille du directeur de la Standard Anlage Bank, avec chantage à la clé. En effet, pour la revoir vivante, son père Dieter Stroegl accepte de procéder à des transferts de fond irréguliers sur les comptes de la compagnie de Largo Winch. Ignorant tout de ce complot en préparation, Largo fête le mariage de son ami Freddy dans le Montana, par une radieuse journée. Mais l’emploi du temps de Largo est toujours compliqué : Largo doit écourter sa présence pour s’envoler vers New-York. Au siège de son groupe, il doit faire le discours d’usage pour le départ en retraite de Sir Basil Williams, qui dirigeait sa flotte marchande. Cependant, lors du buffet qui s’ensuit, le retraité se fait flinguer à bout portant par un serveur d’origine turque ! Il venait juste de présenter à Largo son adjointe (et amante) Sybil Lockwood, qu’il pressentait pour lui succéder. Le tueur est arrêté et Largo raccompagne l’éplorée miss Lockwood chez elle, qui en profite pour le draguer outrageusement. Cordial et distant, Largo lui signifie une fin de non-recevoir. Le lendemain, alors que le tueur est transféré au palais de justice, il est à son tour flingué par un sniper embusqué. Durant son audition par la police, Largo Winch est alors surpris de voir débarquer deux agents du FBI. Ceux-ci accusent son département armement d’accointances avec le terrorisme tchétchène, comme le stipulent certains mouvements bancaires de son compte en banque suisse. Avant d’être mis en examen, Largo sent le piège et s’enfuit…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le complot financier anti-winchien est devenu un classique au sein de cette série culte. Pour sortir des sentiers battus, le scénario pioche donc cette fois son action dans un cadre géographique inédit, Trébizonde, au bord de la Mer noire, ainsi que dans des problématiques très actuelles. En effet, le bondissant Largo est affecté par un trafic d’arme en lien avec le terrorisme, tandis que son groupe se situe désormais dans le contexte économique de l’après-crise économique. Car au cas où ça vous aurait échappé, depuis 2008, la crise financière des subprimes s’est abattue sur la planète et les activités de Largo Winch s’en trouvent logiquement perturbées. Toujours très habile, Jean Van Hamme s’en débrouille en recadrant sainement les activités du groupe W au sein de cette nouvelle donne (par définition, un héros est forcément vertueux !). Une fausse interview du « milliardaire en blue-jean » sur le sujet s’insère d’ailleurs comme une parenthèse dans le déroulement de l’intrigue, occupant trois pleines pages. Une lettre en préambule signée de la main de Largo Winch, adressée à ses salariés, permet également à Van Hamme d’être didactique en expliquant d’emblée et clairement la spirale des subprimes, le principe des hedge funds et la monstruosité du gouffre financier engendré. Bref, tous ces « machins » dont on nous rabat les oreilles aux infos sans toujours en saisir la portée. Sur ces bonnes bases de départ, le scénario peut alors débuter. Largo doit certes de nouveau résoudre une triple équation classique de type complot-traque-investigations, mais le talent narratif de Van Hamme, rythmé, équilibré, pertinent, est intact et nous embarque. Le dessin de Philippe Francq apporte aussi beaucoup au plaisir à chaque fois réitéré de lire un Largo Winch. Véritable modèle de limpidité et de clarté réaliste, Francq anime des personnages impeccablement cadrés et proportionnés, inscrits dans des cases richement décorées et colorées. Au risque d’enfoncer des portes ouvertes ou d’agacer les mécréants réacs agacés par les circonvolutions de ce héros trop riche, Largo Winch reste une super série !