L'histoire :
Avec ses Chroniques métalliques, Moebius s'aventure dans des contrées inexplorées, laissant vagabonder son imagination pour mieux se démarquer du classicisme franco-belge. Se déclinant en quatre parties, La porte des étoiles, Les chroniques Hurlantes, Les années Métal et Les mystères de l’Érotisme, on trouvera ici de tout, mais pas n'importe quoi. A l'image de ce portrait psychédélique de Jimmy Hendrix. Chaos, quant à lui, propose un contenu plus hétéroclite, allant du croquis à la publicité. L'ensemble constitue une somme de remarquables travaux, qu'on aurait tort de ramener à une production d'importance mineure.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si Moebius est un incontournable pour les amateurs de l'art séquentiel, il est également une référence absolue pour les pros. Ses travaux, la révolution qu'il a initiée dans la mise en page du média, lui valent légitimement le statut d'auteur culte. Cet album réunit deux ouvrages que Les Humanoïdes Associés avaient déjà republiés, mais séparément, en 2011. Mais revenons au contexte de la fin des années 60, début 70, où Jean Giraud est déjà reconnu pour son travail d'excellence avec Blueberry, western (également) culte écrit par Jean-Michel Charlier. Le graphiste reçoit alors une proposition d'illustrations de couvertures de romans et revues SF. C'est l'occasion pour lui de sortir du carcan de la BD franco-belge et d'ainsi laisser libre cours à son imagination débordante et à son envie de se frotter à des techniques différentes. Ombres et lumières, hachures et pointillés, l'auteur va jusqu'à se remettre à bosser sur l'anatomie pour la cause. Et ses illustrations prennent les formes qu'on leur connaît aujourd'hui. Noir et blanc ou couleurs (n'oublions pas que Gir a fait une école d'Arts Appliqués), il en arrive à toucher à l'abstraction figurative. Aujourd'hui encore, le résultat fascine. Avec ses Chroniques métalliques, il reprend son pseudo de Moebius, abandonné depuis le début des années 60 durant lequel il avait commencé à travailler pour Hara-Kiri, comme nous le rappelle Daniel Pizzoli dans une préface dont il a le secret. Et c'est donc libéré de toute contrainte graphique et éditorialiste qu'il réalise des récits tantôt réalistes, tantôt délirants, voire caricaturant les séries contemporaines. Il va même jusqu'à créer des illustrations et des histoires érotiques en une page, parfois restées au stade d'esquisses, comme les Aberrations sexuelles urbaines. Avec Chaos, on se situe souvent du côté de l'étrange et il est frappant de constater que l'harmonie des compositions s'oppose au concept même du chaos. Le chaos de Moebius, c'est un ordre dont les codes doivent être recherchés. Des codes qui sortent des sentiers battus, qui remettent en cause les règles de la composition, tout en s'appuyant sur des fondamentaux des Arts graphiques. On notera, en dehors des travaux publicitaires, que le style d'Arzach ou même de l'Incal est également présent, ce qui n'a somme toute rien de surprenant. Bref, inutile de vous en dire plus, c'est du Moebius !