Le dessinateur italien Andrea Sorrentino a débuté dans les jeux de rôles avant de s'essayer aux comics sur des licences connues telles que X-Files ou God of War. Ses essais furent si concluants que DC Comics lui proposa d'illustrer I, vampire, (une série inédite en France) avant de l'associer à Jeff Lemire sur Green Arrow. Avec la volonté d'offrir une saga intense et spectaculaire aux fans de l'archer, les deux auteurs ont probablement réalisé l'une des sagas majeures d'Oliver Queen. Nous avons eu le plaisir de rencontrer cet artiste sympathique et bavard lors du Paris Comics Expo où il nous a même avoué travailler à présent sur un projet secret chez Marvel avec un autre scénariste fameux : Brian Michael Bendis. On n'a pas fini d'entendre parler d'Andrea Sorrentino...
interview Comics
Andrea Sorrentino
Bonjour Andrea Sorrentino, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as débuté dans le monde des comics ?Andrea Sorrentino : Je m'appelle Andrea Sorrentino et je suis le dessinateur de Green Arrow. J'ai commencé à travailler dans l'industrie des comics il y a quatre ans. J'ai commencé ma carrière professionnelle en illustrant des livrets pour des jeux de rôles comme Le Monde des Ténèbres ou Vampire - je ne sais pas si vous les connaissez, en France - puis j'ai été
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Andrea Sorrentino : Quand j'étais gosse, je lisais beaucoup de mangas. Je n'en lis plus aujourd'hui mais je pense qu'il y a des choses dans ma narration ou bien encore dans ma façon d'aborder une planche qui peut se rapprocher des mangas. Même si mon dessin lui-même, la manière dont je dessine les formes, dont je trace les ombres,... Tout cela n'a rien de japonais, c'est plutôt européen. J'ai démarré en ayant des références comme Jae Lee, en particulier dans ce que j'ai fait sur I, Vampire où je travaillais plus sur l’atmosphère et l'ambiance. Depuis, je ne pense pas avoir été particulièrement influencé. J'essaie en général de ne pas avoir de telles références car, quand j'ai commencé à travailler sur Green Arrow, certaines personnes ont dit que je faisais alors quelque chose de similaire à Hawkeye, essentiellement en raison de l'approche artistique et j'ai alors décidé de ne jamais lire un seul numéro de Hawkeye car je ne voulais pas être influencé. J'ai attendu mon départ de la série pour lire Hawkeye. Je fais donc de mon mieux pour ne pas être influencé par le travail d'autres artistes et je m'efforce de concevoir moi-même mes illustrations. J'ai aussi commencé à travailler avec l'industrie cinématographique, en Italie. J'ai donc commencé à visionner différentes séries télé... Je pense être quand même influencé par ce type de médias.
Ton style sur Green Arrow est incroyable, avec plein d'effets cinématographiques !
Andrea Sorrentino : Je pense que c'est quelque chose qui a commencé avec Green Arrow, quand j'ai commencé à ajouter ces cases en insert. Je faisait ça dès lors que le dessin de départ ne me semblait pas assez explicite. La première fois que j'ai utilisé ce procédé, c'était dans I, Vampire. Je ne sais pas si vous avez eu I, Vampire, en France mais il y avait alors cette splash-page - double, donc - avec cette foule de vampires parmi laquelle il fallait
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Jeff Lemire t'a laissé une grande liberté !
Andrea Sorrentino : Oui, notre collaboration a changé à partir de là. Il y a une scène sur l'île, pendant l'arc des Outsiders, durant laquelle Oliver et Shado tirent un grand nombre
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Travailler avec des scénaristes qui sont aussi des dessinateurs change t-il quelque chose dans ta façon de faire ?
Andrea Sorrentino : Mon expérience personnelle m'a montré que ça ne changeait pas grand-chose. Certains auteurs, comme par exemple Grant Morrisson, dessinent
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Avais-tu lu le Green Arrow Année Un avant de dessiner la série ?
Andrea Sorrentino : Oui, j'avais lu Année Un avant même de commencer à travailler sur Green Arrow . C'était d'ailleurs la seule chose concernant Green Arrow que j'avais lue. Je pense effectivement qu'Année Un avait déjà défini le personnage sur certains points. Quand j'ai commencé, j'ai aussi lu Longbow Hunters car Jeff m'avait dit qu'il souhaitait en récupérer certains éléments, s'en approcher. Je pense qu'il m'a demandé de le faire car il voulait un graphisme proche de celui de l'excellent Mike Grell et qu'il m'a aussi choisi pour ça.
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Andrea Sorrentino : Non, mais pour être honnête, c'était peut-être du au fait que la série n'était alors pas diffusée en Italie. Donc, pour moi, ça revenait à travailler sur une série neuve, sans référence aucune. Je me souviens d'avoir discuté avec des lecteurs de comics - mon frère tient une boutique de comics - et ils ne savaient même pas qui était Green Arrow. Donc pour moi, peut-être parce que je vivais dans ma petite bulle, en Italie, il n'y avait aucune pression d'où que ce soit. Bien sûr, une fois que l'on a commencé travailler sur la série, l'éditorial nous a rapidement fait comprendre qu'il nous fallait nous efforcer de relier un minimum le comics à la série. Et je pense qu'il est normal, quand on va acheter le comics Green Arrow et que l'on est déjà fan de la série tv, de pouvoir y retrouver quelque chose de cette série. Les mêmes personnages, les mêmes situations... Mais je pense que nous avons, enfin surtout Jeff, réussi à faire quelque chose de similaire mais qui ne soit pas identique et à offrir un nouvel univers au personnage de Green Arrow. Je me souviens aussi d'une scène, dans le comics, où nous avons placé le personnage de Diggle. À la base, dans cette scène, il s'agissait d'un autre personnage mais ils nous ont demandé de refaire cette scène en substituant Diggle à ce personnage. Mais sorti de cette anecdote, on n'a pas eu de problèmes ni été particulièrement pressés pour inclure des éléments de la série télé dans le comics. Je pense qu'il ont attendu que Jeff et moi-même quittions la série pour vraiment rapprocher le comics de la série télé comme c'est le cas actuellement. Reste que, quand nous travaillions sur la série, Jeff et moi, on pouvais faire ce que l'on voulait.
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Andrea Sorrentino : Je pense que mon principal objectif, quand j'illustre une page, consiste d'abord à rendre les choses limpides pour le lecteur. J'ai donc l'habitude de modifier certains éléments du script si jamais je pense que les choses ne sont pas assez claires. Si je pense que trop de temps semble s'écouler entre deux cases, j'insère une troisième case afin d'expliciter la scène. Je crois que c'est ce qui distingue mes scènes d'action de celles illustrées par d'autres dessinateurs. Il y a une scène lors de l'arc du Comte Vertigo, où je me suis retrouvé à illustrer une double page découpée en 25 ou 26 cases montrant Oliver affrontant les mercenaires au service du Comte Vertigo. Je me souviens que, dans le script, il n'était question que de quatre cases. Oliver s'approchant du château, Oliver se battant avec un mercenaire puis deux cases montrant Oliver entrant dans le château. Mais il me semblait qu'on ignorait une partie de l'histoire. J'ai donc décomposé la scène au sein de ces 26 cases pour montrer exactement ce que faisait Oliver. C'est quelque chose que l'on n'a pas l'habitude de trouver dans les comics US car les scènes d'actions se résument généralement à une case avec un coup de poing, une case avec un coup de pied et le combat terminé. Je voulais montrer quelles étaient les différentes étapes de ce combat. C'est l'exemple typique où j'expérimente un procédé puis je le montre aux éditeurs et à l'auteur et, s'ils aiment ce que j'ai fait, je le reproduis par la suite dans d'autres scènes. J'aime juste essayer de nouvelles choses mais je me soucie toujours de ce qu'en pensent les éditeurs mais aussi les lecteurs. J'essaie toujours de faire ce qui plaît aux lecteurs.
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Andrea Sorrentino : La première fois que j'ai réalisé que je commençais à devenir connu dans le milieu, c'est quand, il y a deux ans, le site web IGN m'a désigné meilleur dessinateur de comics. À partir de là, les choses ont un peu changé car un nombre plus important de personnes ont pu voir mon travail. J'ai aussi commencé à voir de plus en plus de gens parler de moi et de mon travail sur les sites web ainsi que dans les forums dédiés aux comics. Je ne sais pas, en fait, mais je pense avoir eu beaucoup de chance de pouvoir travailler avec des auteurs ainsi que des auteurs qui m'ont permis de m'essayer à de nouvelles choses. Je pense que si ça n'avait pas été le cas, je n'aurais probablement pas pu me distinguer des autres illustrateurs. C'est ce qui a permis aux lecteurs, aujourd'hui, de pouvoir me reconnaître et je ne pense pas que cette chance de pouvoir être aussi libre dans son travail soit une chance donnée à tous les artistes. Tu peux te retrouver à travailler avec un éditeur qui ne te fait pas confiance, ce qui t'oblige à continuer à travailler avec un style très standard ce qui, au final, t'empêche de pouvoir montrer de quoi tu es capable. Je pense donc que ce succès, je le dois aux gens avec qui j'ai travaillé.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre artiste, qui choisirais-tu ?
Andrea Sorrentino : J'adore Andy Warhol, l'artiste pop. Je sais qu'étant italien, j'ai avec moi une longue tradition d'artistes classiques italiens mais je me souviens que lorsque j'étudiais l'histoire de l'art à l'académie des beaux-arts, en Italie, je ne comprenais pas l'art moderne. Puis ça m'est venu et j'ai commencé à comprendre l'art moderne. J'étais très impressionné par la créativité et... Oh je ne trouve pas le mot pour le dire en anglais mais bref, l'approche que l'art moderne a des choses, cette originalité. J'avais été très surpris et je pense que j'essaie de faire quelque chose dans cette veine dans le sens où je m'efforce de sortir des sentiers battus. Et je crois qu'Andy Warhol est un des personnages les plus emblématiques de l'histoire de l'art moderne. Je pense que si je devais devenir un artiste, ce serait probablement Andy Warhol.
Merci Andrea !
Remerciements à Louise Rossignol pour l'organisation de cette rencontre, à Mathieu Auverdin pour ses questions additionnelles et à Alain Delaplace pour la traduction.