interview Comics

Céline Tran (Katsuni) et Run

©Ankama édition 2014

En l'espace de quelques années, la série Doggy Bags est devenue le rendez-vous incontournable et régulier des fans de récits de genre. Pour le sixième volet, Heart Breaker, on retrouve toujours Run, l'auteur de Mutafukaz et tête pensante de Doggy Bags, à l'écriture, mais il s'est associé à une nouvelle venue dans le 9ème art : Céline Tran. Le tandem assure en imaginant les aventures de Celyna, une jeune femme devenue vampire et qui cherche à se venger. Efficaces et multi-référencés, les trois récits ont une forte teneur en violence mais aussi en érotisme. Cette touche non présente jusqu'ici est probablement due à la présence de la jeune femme que beaucoup connaissent sous le pseudonyme de Katsuni qu'elle employait lorsqu'elle œuvrait en tant qu'actrice X. De porno queen à scénariste, Céline Tran réussit parfaitement sa métamorphose et son association avec Run est particulièrement fonctionnelle. L'occasion nous étant offerte de converser avec les deux auteurs, nous avons bien évidemment sauté sur l'occasion.

Réalisée en lien avec les albums Doggybags T6, Doggybags T5, Doggybags T4, Doggybags T3, Doggybags T2, Doggybags T1
Lieu de l'interview : Ankama Paris

interview menée
par
13 juin 2014

Un trailer spécial a été tourné pour le lancement de Doggy Bags t.6, vous pouvez le regarder en cliquant ici.

doggy bags run katsuni heart breaker Bonjour Céline Tran et Run, on vous laisse vous présenter ?
Run : Moi, je suis Run, directeur de collection du Label 619, auteur de Mutafukaz et de Doggy Bags. Je bosse chez Ankama éditions et... que dire d'autre ? J'ai 38 balais. Et toi, qui es-tu ? (rires)
Céline Tran : Bonjour, je m'appelle Céline Tran, anciennement connue - voire toujours, il ne faut pas se leurrer - sous le nom de Katsuni. Ancienne actrice X, et aujourd'hui comédienne, entre autres, et co-auteur de BD, en l’occurrence de Heart Breaker avec Run.

Dans la préface de Heart Breaker, Céline, tu dis que c'est Run qui a fait le premier pas à l'occasion du tournage d'un des fameux trailers pour la série...
Run : C'est la première fois que je fais le premier pas avec une fille...
Céline Tran : Après, c'est moi qui ai tout fait. (rires) Dans l'édito, je raconte exactement comment cela s'est passé. Run m'a envoyé un mail fin 2011 par l'intermédiaire de Monsieur Poulpe. Au départ, c'était pour me proposer d'apparaître dans un teaser promotionnel pour un autre Doggy Bags où je devais incarner une danseuse...
Run : Pour Doggy Bags 3.
Céline Tran : C'est comme ça que j'ai découvert son travail et je l'ai tout de suite aimé. A l'époque, j'étais à Los Angeles, on a mis un peu de temps à se rencontrer...
Run : J'étais à Las Vegas... Euh non à Roubaix ! (rires)
Céline Tran : On s'est rencontré dans un ranch au Texas.
Run : El Paso ! Que de souvenirs ! (rires)
Céline Tran : Le courant est tout de suite passé et...
Run : Pas tout de suite ! Au début, on se vouvoyait. Je me disais qu'elle pouvait croire que je lui faisais un vieux plan. Une ex-actrice porno doit avoir plein de mecs qui lui font des faux plans.
Céline Tran : Tu étais présenté par Monsieur Poulpe en plus !
doggy bags run katsuni heart breaker Run : C'est pas forcément la super caution... Enfin c''était au moins la caution indiquant que je ne t'embarquais pas dans un piège. Et puis, je l'ai vouvoyée un moment. On a fini par se tutoyer, mais au début j'avais donc cette appréhension qu'elle pense que je lui monte un plan. Je suis toujours à la recherche de personnalités atypiques en France, et il n'y en a pas des masses, surtout du côté icônes trashs. Quand je l'ai vu en interview, que j'ai lu ses papiers dans les Inrocks et quand j'ai vu son apparition dans le Golden Show, je me suis dit que c'était vraiment le genre de personnalité avec qui j'aimerais travailler. D'une invitation à faire une apparition en tant que guest dans un Doggy bags, c'est devenu un vrai projet. On a commencé à discuter, on a vu qu'on avait pas mal de points communs en terme de cinématographie, on était complémentaires. Elle me conseillait des films et ils me plaisaient ! Il y a toujours des gens qui croient me connaître et me conseillent des choses et ce n'est pas du tout à mon goût. Elle me disait : « regarde Killer Joe », et bizarrement ça me plaisait ! De fil en aiguille, c'est comme ça qu'est venu le projet.
Céline Tran : On venait d'univers différents, mais on s'est vraiment complétés. L'écriture s'est faite assez facilement. Chacun apportait des idées différentes. Je me suis beaucoup inspirée de mon expérience dans l'univers du X, donc j'ai apporté cette dimension, j'ai développé ce parallèle symbolique entre vampirisme et pornographie. Je me suis attachée à soigner la psychologie du personnage principal qui a mes traits. Donc il y a forcément quelque chose de personnel là-dedans, même si ce n'est pas autobiographique. Run, lui, a apporté tout le reste, le rythme, la mise en scène, d'autres influences... Cela s'est fait de manière assez fluide.
Run : C'était des échanges de points de vue et d'idées. On regardait les storyboards et on était étonnés de la direction que le projet prenait, notamment dans le premier acte. Cela a été très enrichissant et en plus Céline en parle super bien. Je suis super content parce qu'à chaque fois qu'une de mes BD sort, je suis toujours en train de travailler sur le projet suivant, et l'écouter parler de Heart breaker me rappelle ce que l'on a fait, et ça j'aime bien.
Céline Tran : Ce projet nous a fait grandir tous les deux, nous a amenés à autre chose depuis, mais ça reste quelque chose dans lequel on croit énormément, qui a du sens pour nous. Je pense que c'est ça aussi qui fait qu'on est fiers de le présenter, on a mis du temps et de l'énergie et ça veut dire quelque chose pour nous. On pourrait facilement dire que c'est une histoire de vampires de plus, que c'est gore et facile, etc. Certains vont le voir comme ça mais, si on a aussi pris le temps de faire les bonus, c'est pour une bonne raison, pour donner des pistes de réflexions avec la lecture. Il y a ce côté graphique assez gore, et c'est cohérent avec Doggy Bags, mais il y a aussi autre chose à lire en dessous. Ma carrière dans le X est une page de tournée mais ça fait partie de mon histoire et de moi. Cet album est aussi très personnel.
Run : Il y a plein de gens qui ne voient en Doggy Bags que le côté fun et violent mais il y a toujours une seconde lecture. Dans celui-là en particulier, il y en a même trois. De prime abord, c'est vrai qu'il y en a qui vont halluciner sur le sang, les seins... Moi, je ne le le voit même plus, je trouve que le fond est plus important que la forme. Même si évidemment, la forme contribue à l'identité de Doggy bags. Il y a aussi un moment, c'est Run et Céline Tran, ex-Katsuni, qui s'allient sur une BD, et il y a des promesses à tenir, tu vois. A ce niveau-là, je pense que les promesses sont tenues. Mais, en filigrane, il y a beaucoup de choses qui sont du domaine de l'intime par rapport à Céline, et un discours un peu plus large sur lequel on a bossé.

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Pour revenir à ce qu'on disait tout à l'heure, l'apparition en guest dans le Doggy Bags 3, c'était sur l'histoire de Florent Maudoux, Masiko c'est ça ?
Run : Oui. En fait j'avais envoyé à Céline le trailer de Doggy Bags #1 qui était fait avec des bouts de ficelles et ça n'a pas eu l'air de lui faire peur. On était en train de sortir le tome 3 et j'ai pensé à Masiko. Céline venait de sortir un clip électro et je me suis dit que ça ferait un peu redite. Céline m'a dit que cela ne serait pas vraiment surprenant de la voir en danseuse. J'en ai parlé à Florent, s'il imaginait voir Katsuni incarner Masiko. Il a un peu bloqué au début, mais il s'est dit pourquoi pas.
Céline Tran : C'était légitime en fait, et moi j'aime ce qui est illégitime (rires).
Run : Masiko est un peu plus plantureuse, plus charpentée, c'était ma seule inquiétude. Et puis on a laissé tomber l'idée, le timing ne correspondait pas. En réfléchissant, on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose ex nihilo, qu'il fallait qu'elle incarne un autre personnage, le sien. Tout à l'heure, Céline disait qu'elle porte sa croix, et dans Heart Breaker elle le fait dans un sens imagé. Et ça a du sens aussi. On va créer une secte où on va trouver du sens à tout (rires).
Céline Tran : Je sais déjà qui sera le gourou. Il mesure 15 cm, c'est Dodo. Ah oui, il est temps de parler de Dodo ! (NDR: il s'agit d'une peluche)
Run : C'est l'homme de Céline...
Céline Tran : Non c'est mon mac, mon pimp. C'est un sale mec.
Run : C'est son pimp, ok. Elle le met partout sur son Instagram, sur les réseaux sociaux, et on s'est dit que ce serait sympa de le mettre dans la BD !
Céline Tran : Le mail où tu me disais que tu allais l'intégrer dans la BD était synonyme d'une énorme victoire.
Run : Ah ouais ? En fait, au moment de tout boucler, on a réfléchi pour savoir si on avait tout mis et on a pensé à Dodo ! Ce petit pimp est caché dans les trois actes.

doggy bags run katsuni heart breaker Puisqu'on en parle, pouvez-nous nous présenter les 3 actes ?
Run : Le premier acte c'est plutôt une introduction où on se rend compte qu'il y a un casting pour un film X et on suit le petit itinéraire d'une starlette qui va faire sa première expérience pornographique qui ne se déroule pas comme prévu... Dans l'acte 2, on comprend ce qui se serait passé si ça c'était déroulé autrement et c'est la genèse de l'héroïne. L'acte 3, c'est l'héroïne en action et qui cherche à s'attaquer à toujours plus puissant.
Céline Tran : Ils vont rien comprendre ! (rires) Acte 1 : c'est l'intro à Los Angeles dans l'industrie du porno. Une scène de casting ne se passe pas comme prévu. Acte 2 : présentation de l'héroïne, c'est un flashback où on comprend l'enjeu de l'acte 1. Acte 3 : on revient dans le présent. Au final, ces 3 actes sont une gigantesque introduction à une éventuelle suite. On est inspiré pour une suite, on verra l'accueil du public.
Run : De toute façon, on ne l'envisageait pas comme un one-shot, déjà on l'imaginait comme une expérience humaine et aussi...
Céline Tran : Woah l'autre, « c'est une expérience humaine » (rires). « Tu sais, la BD, c'est avant tout un mode de vie, une philosophie » (rires)
Run : OK, comme une expérience éditoriale alors (rires). Je ne me suis pas dit à la fin de l'acte 3, « c'est bon, on a tout dit », non. On n'a rien dit encore...
Céline Tran : En fait, on ne dit rien dans cet album ! (rires)
Run : C'est une bonne mise en bouche. Et puis il y a beaucoup de niveaux de lectures, et vous allez en apprendre beaucoup sur Céline.
Céline Tran : Oui, il va falloir que vous lisiez entre les lignes, et les bonus aussi. C'est peut-être bien de le lire comme ça, d'emblée, sans apriori, une première fois. Ensuite, lire les bonus puis relire Heart Breaker une seconde fois, et ça prend un autre sens.

Dans l'idée d'une suite, ce serait un nouvel album complet de Doggy bags ou plutôt un épisode de temps en temps, voire une série à part entière ?
Run : On ne sait pas encore, mais c'est sûr que le personnage n'en est qu'au début de son potentiel.

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Quelles sont les sources d'inspiration pour ce Heart Breaker ? La séquence de l'acte 1 rappelle un peu Kill Bill par exemple...
Run : En fait, c'est plutôt les films de chambarra, les combats de sabres japonais avec plein de sang. Il y avait de ça aussi dans Masiko. C'est la source d'inspiration première, et après il y a fatalement Kill Bill oui, bien que ça ne soit pas la principale source donc, même s'il y a des similitudes.
Céline Tran : J'ai des scènes dans l'écriture qui m'ont vraiment inspirées, comme une d'Entretien avec un vampire, la scène du théâtre, tellement glauque mais tellement belle. C'est moins gore que dans Doggy Bags, mais ça m'a inspiré pour l'écriture. Il y a Dracula évidemment, dans l'esthétique, dans le côté à la fois violent et poétique. J'essaye de retranscrire ça dans les textes, même si c'est assez court. Après, dans les films qui me parlent, il y a Blade Runner, Sin City, The crow, ce genre de films.
Run : Tout à l'heure, dans une autre interview, tu n'as pas rebondi sur le fait que tu étais stigmatisée comme actrice X, que cela t'interdisait d'avoir un enfant dans la tête des gens. Il y a cette symbolique dans la BD, qu'on a mis de manière instinctive, lorsque le mec enfonce ses doigts dans le ventre, c'est presque un avortement.
Céline Tran : Cette scène est à la fois une forme de baptême et une damnation, l'héroïne est condamnée.
Run : Ce rapport au ventre et à l'enfant, je trouve qu'il est intuitivement là, on l'avait mis.
Céline Tran : Oui, on renonce à une vie humaine et on y gagne un pouvoir, mais il y a un sacrifice en retour. C'est beau ce qu'on dit, non ? (rires)
Run : Lorsque je réfléchis aux influences, il y a aussi le jeu vidéo, comme Splinter Cell dans l'acte 3 avec ce côté infiltration. Ce n'est pas une inspiration directe, c'est quelque chose de digéré, mais quand j'imaginais la scène, je voyais bien ce côté infiltration et tout...

doggy bags run katsuni heart breaker Comment s'est déroulée votre collaboration ?
Céline Tran : On ne se parlait que par l'intermédiaire de nos avocats ! (rires)
Run : On écrivait à quatre mains, on a beaucoup discuté, on s'est fait une sorte de ping-pong permanent. Pour la mise en scène, Céline a dû se fier à moi. Elle avait des images de ce qu'elle voulait mais pour mettre ça en scène en BD, il fallait que je prenne toutes ses idées de mise en scène et les rendent compréhensibles. Pour l'acte 3, j'ai été voir Blacky (NDR : Guillaume Singelin) et on l'a fait ensemble. Pour l'acte 2 de Florent Maudoux, c'était quelque que chose de primordial et super important pour Céline, elle avait une esthétique précise avec les masques et tout...
Céline Tran : J'avais mon film dans la tête, j'avais aussi une autre idée de physique pour le maker, une esthétique et des références différentes... Mais là où je me suis plantée, je l'avoue, c'est qu'à cette époque, je regardais beaucoup de films d'horreur coréens dont je suis super fan, et l'esthétique est différente. C'est beaucoup plus sobre, c'est une autre forme de violence. J'avais basculé dans cette esthétique-là, qui ne correspondait plus à Doggy Bags qui reste quelque chose de gore, de très explicite et très spectaculaire. Je me suis retrouvé en décalage par rapport à ça et il y a eu beaucoup de discussions aussi avec Florent. J'ai vraiment apprécié qu'il s'investisse autant, qu'il me fasse réaliser certaines choses par rapport à ce que j'avais écrit. J'ai écrit beaucoup de dialogues et je me suis beaucoup attachée à la psychologie de l'héroïne, et il me montrait certaines choses qui n'allaient pas ou que j'avais oubliées avoir écrites. Il a fait des connexions lors de la mise en image, avec des choses que je n'avais pas moi-même forcément vu... C'est vrai que des fois il y a eu des incompréhensions, des sensibilités différentes, mais on s'est mis d'accord au final.

Ton expérience de réalisatrice ne t'a pas aidée dans la mise en scène ?
Céline Tran : Si un peu, mais en fait, j'ai surtout laissé Run s'en occuper. Moi, j'avais surtout quelques séquences qui étaient très précises dans ma tête. Le plus important pour moi était l'évolution du personnage : que veut dire l'héroïne, comment elle grandi, quel est son rapport à ses ennemis.
Run : Le découpage BD, cela prend du temps et moi qui suis depuis 10 ans dans la BD, j'étais plus à l'aise, mais j'apprends toujours au quotidien. J'ai beaucoup discuté avec Florent. Avec Blacky, on a trouvé des petits gimmicks, des trucs sympas et tout... Céline a participé, je lui ai montré des trucs, mais le découpage BD, c'est très spécifique.
Céline Tran : Pour moi, j'avais parfois une image en tête là où en réalité cela en prend plusieurs, ou l'inverse...
Run : La temporalité d'une BD c'est pas évident. Dans un film, tu imposes ta temporalité. Si tu veux faire un ralenti, tu le fais et le spectateur subit ton rythme. En BD, tu peux décrire une année en 4 cases ou une seconde en 10 pages. Tu choisis en fonction de l'intensité que tu veux, etc. Bref, c'est tout un boulot. Ce n'était pas évident et c'est aussi un partage avec les auteurs, leur propre vision.
Céline Tran : Oui, il y a des moments où j''avais des idées très claires sur certains plans, où j'avais un film très clair dans ma tête, mais il faut savoir accepter que c'est la liberté des artistes de mettre cela en scène, de proposer leur vision. Et au final, ce qui pouvait être un obstacle ou une cause d'éventuel stress au départ est devenu une force, car ça rend l'album encore plus original avec trois visions différentes, cela donne quelque chose d'encore plus riche.

Céline, avec ton passé d'actrice de X, on se serait attendu à te voir commencer dans la BD par un récit dans un registre pornographique. Tu n'y a jamais pensé ?
Céline Tran : Non, ça ne m'est pas venu à l'esprit. Je ne crois pas au hasard. Je suis super contente d'avoir eu cette opportunité de rencontrer Run et qu'il ait fait le premier pas. Je ne l'aurais sûrement pas contacté sinon, car j'étais trop en immersion dans mon boulot. Quand on fait du X, c'est déjà beaucoup beaucoup d'énergie, et on n'a pas forcément le temps ni l'espace dans sa tête pour faire autre chose. Comme je le disais, quand il m'a proposé de faire la guest en tant que danseuse, ça m'a plu car c'était légitime par rapport à mon métier, mes compétences et mon image, mais c'était trop facile. J'ai toujours cherché la difficulté, à relever des défis. doggy bags run katsuni heart breaker Quand on est à fond dans le domaine, sexy, sans aller jusqu'à mettre un col roulé et tout renier, l'idée c'est de dépasser ça, de s'en nourrir et d'aller au-delà. Je me suis servi du X là, c'est forcément présent, mais l'idée est d'aller au delà. Faire un truc porno, donc, pourquoi pas. La sexualité m'intéresse toujours autant, l'érotisme aussi, mais je trouvais que c'était plus stimulant de faire quelque chose de différent. Et en tant que fan de cinéma, c'est quand même le pied de participer à une histoire où il y a de l'action. C'était aussi un fantasme de faire ça.
Run : Moi j'étais presque gêné de lui dire que je ne voulais pas que ce soit porno du tout. Pas explicite du tout. Mais on s'est dit qu'on avait une star du X, et que ce serait quand même con de ne pas en parler du tout, de ne pas aborder ce thème. Du coup, on y est revenu, mais ça ne m'intéressait pas de faire une BD porno... Et puis on raconte quoi dans une BD porno ?
Céline Tran : Moi, c'est l'action qui m'intéressait. Dans le teaser justement, on s'est vraiment fait plaisir. Pourquoi se limiter au porno ? Bien sûr, il y a plein de choses à faire dans le X, et je ne dis pas qu'à l'avenir, je ne ferais pas de BD adulte, pourquoi pas. Mais là, l'idée c'était de participer à Doggy Bags, c'était génial de faire quelque chose de différent, c'est enrichissant de découvrir un autre milieu.

Ces derniers mois, les Doggy Bags s'enchaînent pas mal. Cela va-t-il continuer à un rythme aussi intensif, et y aura t-il d'autres guests par la suite ?
Run : Pour d'autres guests, il faudrait une rencontre, que j'accroche autant avec une autre personne et ce n'est pas le cas pour l'instant, ce n'est pas prévu. Je n'ai pas envie que cela devienne un gimmick. Là, c'est une rencontre qui a marché. A la base, c'était juste un guest, une apparition dans un trailer. C'est une rencontre exceptionnelle qui a débouché sur quelque chose, mais ce n'est pas une démarche éditoriale de Doggy Bags. Par contre c'est vrai qu'avec Yuck (NDR : le graphiste) et Anthony (NDR : le PDG d'Ankama), on veut éviter d'être dans un ronronnement éditorial. Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles idées, de nouveaux concepts. On a des trucs dans les cartons qui sont sympas... Concernant le rythme de sortie, c'est dû au fait qu'au départ nous avions du mal à avoir des auteurs qui participent au projet. Aujourd'hui, la notoriété de Doggy Bags aidant, on commence à rencontrer plein de gens qui comprennent bien le côté hommage et non parodique du projet. Avant, je recevais plein de propositions de projets parodiques et je me disais « bon sang, mais ils n'ont pas compris que c'est un hommage et non de la parodie ?! ». J'y tiens à cet aspect-là : on n'est pas méprisant par rapport au genre, on est fans.
Céline Tran : La parodie, ce n'est pas forcément méprisant.
Run : Oui, mais il y a un petit côté qui ne me plaît pas... En tout cas, le rythme de parution est plus soutenu, c'est vrai, et j'espère qu'il le sera encore. Doggy bags, c'est très chronophage pour toute l'équipe, mais c'est vraiment motivant et j'ai envie de continuer.

Si vous aviez le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur, pour en comprendre son génie par exemple, qui iriez-vous visiter ?
Run : Jésus ! Pour savoir s'il y croyait vraiment à ce qu'il disait !
Céline Tran : Moi aussi, évidemment...Mais tu te rappelles la fin de l'histoire quand même ? Il est allé jusque sur la croix !
Run :Oui, mais pour passer à la postérité, c'est le sacrifice ultime, le coup du martyre.
Céline Tran : Il va falloir que tu relises la bible...
Run : T'inquiètes, je suis à fond dedans en ce moment, j'ai un projet par rapport à ça. Mais du coup, je voudrais savoir s'il y croyait vraiment, ou si c'était un manipulateur. La question est légitime, je ne suis pas en train de blasphémer.
Céline Tran : J'aurais adoré aussi, mais pas pour les mêmes raisons... Sinon, si je devais choisir quelqu'un d'autre... Je ne sais pas trop...
Run :Einstein, ce serait pas mal aussi... Mais il faudrait comprendre ce que lui comprend... Ou Stephen Hawking, j'arriverais à comprendre ce que je ne comprend pas dans ses livres ! (rires)

Merci à tous les deux !

Remerciements spéciaux à Marie Fabbri pour l'organisation et à Mickaël Géreaume pour la retranscription et la mise en forme de l'interview.

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