interview Comics

Jean Depelley

©Neofelis éditions édition 2015

Lorsque l'on évoque, entre passionnés, le nom de Jack Kirby lors d'une conversation, il ne faut guère longtemps avant que celui de Jean Depelley n'apparaisse à son tour. Cet illustre fan du King of Comics, connu aussi pour ses scénarios de bandes dessinées, de films et pour être le co-réalisateur du documentaire intitulé Marvel 14, a passé plusieurs années de sa vie à réunir divers documents, ouvrages et témoignages autour du légendaire Jack Kirby afin d'écrire une biographie autour de celui qu'il surnomme affectueusement le super-héros de la bande dessinée. À travers deux ouvrages et plus de 800 pages au compteur, Jean Depelley raconte la vie de cet artiste d'exception avec une minutie étonnante, séduisante tout en apportant un recul bien attentionné. Alors que son travail sur ces biographies ne cesse d'être reconnu à sa juste valeur, notamment à travers le prix Papiers Nickelés octroyé lors de l'édition 2015 du festival parisien SoBD, Jean Depelley a fort gentiment accepté de nous parler de sa passion pour le 9e art, de la conception de ses livres mais aussi évoquer ses futurs projets.

Réalisée en lien avec les albums Jack Kirby - Le super-héros de la bande dessinée T1, Jack Kirby - Le super-héros de la bande dessinée T2, Fighting American
Lieu de l'interview : Le cyber espace

interview menée
par
19 décembre 2015

Pour débuter, est-ce que tu peux te présenter à ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?
Jean Depelley : Je suis un passionné avant tout, quelqu'un qui s'intéresse à la culture populaire sous toutes ses formes, que ce soit le cinéma, la bande dessinée ou la littérature... En tant que passionné, j'ai accumulé un certain nombre de collections, des archives dans lesquelles je peux puiser les informations nécessaires. D'un point de vue études, je ne suis pas particulièrement historien ou littéraire. J'ai une formation scientifique. Cela me permet peut-être d'analyser et de voir les choses un peu différemment, comme avec la biographie de Jack Kirby par exemple. Mon emploi du temps actuel se divise entre une activité principale d'enseignement, l'écriture et la réalisation.

étranges aventures 25 Cela fait maintenant plusieurs années que l'on te connaît en tant que spécialiste des comics. Comment es-tu tombé dans la marmite ?
Jean Depelley : Je suis tombé dans la marmite des comics en 1971-72 avec l'achat d'un Etranges Aventures dans lequel il y avait du matériel DC. C'était le numéro 25 et je me souviens avec émotion des « Challengers de l'inconnu », des « Diables des mers », de « Metamorpho » et aussi d'un épisode d'«Anthro». Le problème, c'est que ces publications étaient pour adultes et que je n'ai jamais pu acheter les suivantes, mes parents interdisant à la maison ce genre de littérature... Il faut dire que j'avais six ans à l'époque ! En 1974, mon beau-père m'achète un recueil de Strange, le numéro 14, et j'ai un choc formidable ! Venant des bandes dessinées franco-belges (j'avais les Tintin, les Spirou et les Pif...), je découvre pour la première fois les dessins de Gene Colan, de George Tuska, de John Romita ! Un petit peu plus tard, c'est Jack Kirby dans les albums des Fantastiques de Lug, offerts par mon père. L'aspect visuel baroque et extrêmement dynamique, la thématique des surhommes, l'aspect bariolé des costumes, tout cela me fascine ! Ce n'est qu'en 1977 que je déniche mes premiers comic books américains. J'en avais vus en photos dans les pages de Strange, dans un article sur Stan Lee où on le voyait posant fièrement devant un mur de comics. Je trouvais les couvertures des publications américaines formidables, extrêmement dynamiques. J'adorais le concept des petites cases présentant les personnages en haut à gauche des couvertures. Ça donnait à ces revues une unité de collection formidable. Avec en plus la politique éditoriale de l'univers Marvel de Stan Lee, j'étais piégé, ferré... Mais ces numéros américains restaient très difficiles à trouver dans ma ville de province (Limoges) et je me rabattais sur toutes les publications françaises. Entre 1975 et 1982, j'ai donc acheté l’ensemble de ce qui paraissait chez les éditeurs français, que ce soit chez Lug, Arédit, les éditions du Fromage et d'autres encore, de manière à suivre cet univers Marvel foisonnant, qui se développait en toute anarchie sur différents formats, rendant la lecture bien difficile ! étranges aventures 25En 1977, j'achète donc mes premiers comic books américains par la bourse aux échanges de Strange. Il s'agissait de Conan the Barbarian et de Ka-zar par Roy Thomas et John Buscema. J'avais déjà bon goût ! En 1978, je m'aperçois avec bonheur que les comics américains de Marvel sont distribués dans ma maison de la presse. Je fais réserver les Amazing Spider-Man, Fantastic Four, Mighty Thor, Master of Kung-Fu, Incredible Hulk, Peter Parker Spectacular Spider-Man, Captain America... Par la suite, il y a également des DC et des Charlton que j'achète aussi. J'ai appris mon anglais grâce aux comics ! Par la suite, en 1982, je stoppe l'achat des publications françaises pour me consacrer uniquement aux comic books américains, beaucoup plus simples à lire et dont le format était toujours le même. Il n'y avait pas toutes ces collections si difficiles à trouver en France. Parfois, dénicher un Arédit relevait de l'exploit et je passais mes mercredis après-midi à courir les bars-tabac... En plus, sur les comics américains, il n'y avait pas les retouches. Celles dues au format chez Arédit et, comme je l'apprendrai plus tard, celles dues à la censure chez Lug. En 1981, mon père m'amène pour la première fois à Angoulême, et j'ai failli avoir une attaque devant le stand de comics de Cachot : il y en avait des milliers ! Je me souviens d'une planche originale de Conan the Barbarian n°7 par Barry Smith à 500 francs ! Heureuse époque ! C'est l'année suivante que je rencontre d'autres fans (les amis Eric Vignolles, Patrice Louinet, etc...) et que je commence mes collections de comics Silver et Golden Age...

Tu as toujours eu un lien étroit avec la BD et tu as même scénarisé plusieurs albums comme Megasauria (avec Arnon) ou ShieldMaster (avec Reed Man). Quel regard portes-tu sur cet exercice ?
Jean Depelley : J'aime énormément scénariser des histoires en bande dessinée. C'est quelque chose qui m'est venu suite à la traduction de l'ouvrage d'Alan Moore chez TwoMorrows Publishing, Les travaux extraordinaires d'Alan Moore, en lisant un scénario non dessiné intitulé « Le ventre des nuages ». J'ai compris que l'exercice pouvait être fascinant ! En tout cas, il m'intéressait et donc je m'y suis essayé. Megasauria Depuis quelques années déjà, j'écrivais des treatments, principalement pour Metaluna Productions, une société de cinéma parisienne. J'avais déjà coécrit un court-métrage, Le sang du châtiment de Fabrice Lambot et quelques autres, ainsi que des treatments de longs-métrages. L'écriture de bandes dessinées me semblait intéressante, surtout si on écrivait full script, c'est-à-dire en détaillant l'action, en précisant la mise en scène, les angles, les décors, la mise en page, le découpage case par case. Cet exercice me paraît toujours fascinant et la collaboration m'intéressait alors. J'ai réussi à placer quelques concepts auprès de Jean-Marie Arnon, par exemple. Ensemble, nous avons fait Megasauria. Pour cet album, nous avons plutôt travaillé de façon organique, c'est-à-dire que je lui proposais des idées que j'écrivais et il se lançait dans le dessin, mais il gardait la main, modifiant mon travail et me renvoyant la balle. Nous avons procédé comme ça, en ping-pong. C'est une méthode assez intéressante, très loin du full script, mais qui a l'intérêt de démultiplier les idées, de faire un brainstorming en permanence, plutôt que de rester figé sur une idée de départ... Avec Reed Man, j'ai fait l'album ShieldMaster. Cette histoire est venue d'une volonté de travailler sur un personnage de Joe Simon. Après Captain America, Joe a conçu pas mal de clones de son personnage-phare et on avait envie de jouer avec l'un d'entre-eux. J'ai donc écrit un scénario à partir du dessin de ShieldMaster fourni par son fils Jim et, avec Jim, nous avons échangé quelques idées, puis j'ai écrit le scénario full script de l'album. Si avec Megasauria, je suis content du résultat, je pense m'être un peu fourvoyé avec ShieldMaster, dans la mesure où j'ai écrit un scénario très classique, très années 50, comme auraient pu en faire Simon et Kirby, alors que le trait de Reed Man est lui-même très simple, presque enfantin sur cet album. La lecture donne donc l'impression d'une BD faite pour les petits enfants... J'aurais dû rajouter du second degré pour complexifier l'ensemble et apporter un aspect plus adulte... Je réalise toujours des treatments et je les garde, les proposant alternativement à des éditeurs ou à Metaluna Productions. Récemment, j'ai fait un scénario du Garde Républicain pour Thierry Mornet, qui doit sortir dans une de ses prochaines publications. J'ajoute que la réalisation de étranges aventures 25scénarios est un exercice beaucoup plus simple que celui de l'écriture historique, comme je l’ai vécu sur la biographie de Kirby. Chez l'historien, rien ne peut être inventé. Il faut tout vérifier. Et, contrairement à la fiction, les événements ne s'enchaînent pas forcément de façon très rythmée. On peut avoir des séquences extrêmement dynamiques qui suivent des périodes plus lentes. On est très loin du rythme formaté d'une fiction telle qu'elle doit être conçue pour la bande dessinée ou le cinéma. Mais c'est surtout la vérification des dates, des témoignages, le croisement des points de vue... qui rendent l'écriture extrêmement complexe, beaucoup plus que quand on invente...

As-tu l'intention de réécrire des BD/comics à l'avenir ?
Jean Depelley : Oui, bien sûr ! J'ai l'intention de revenir aux scénarios de bande dessinée. J'ai plein d'idées et qui vont d'ailleurs dans des directions assez différentes de celles des comic books et des super-héros... Je considère que les super-héros sont un ghetto et je souhaiterais faire des histoires plus complexes, plus adultes dans le sens noble du terme, traitant de sentiments et avec des véritables enjeux, sans pour autant oublier l'action et l'utilisation de contextes géopolitiques ou sociaux qui m'intéressent. J'aimerais animer des personnages un peu plus réalistes et moins glamour que des types en collants qui volent dans le ciel...

Lorsque l'on a connu les heures de gloire de Strange en tant que lecteur, participer à sa relance a t-il été stressant ? Emballant ? Compliqué ?
Jean Depelley : Participer à la relance de Strange chez Organic Comix a été pour moi comme une madeleine de Proust, mais je n'ai ressenti aucune gêne, aucun a priori lié à une vénération paralysante. Non, j'ai joué à Strange avec Reed Man et les copains d'Organic Comix sans retenue aucune, avec beaucoup de respect bien sûr, mais en essayant de rester moi-même et en obéissant à une éthique que l'on avait choisie au préalable. C'était celle du respect à la tradition Lug et la publication des auteurs historiques : Jack Kirby et Jean-Yves Mitton. Nous avons donc décidé de publier des inédits de ces deux auteurs fondateurs, des histoires qui leur appartenaient en nom propre et pas à Marvel ou DC. De toute façon, nous ne pouvions pas faire autrement, les deux éditeurs américains ayant des contrats d'exclusivité dans Strange Lug Organic Comixnotre pays. Mais c'était aussi une démarche éthique, car nous payions directement les auteurs ou leurs ayant-droits sans passer par des grosses sociétés détentrices de copyrights. D'autre part, Reed était un ancien de la Lug où il avait été retoucheur. Il avait une légitimité absolue sur ce travail. Une de mes tâches a été de rappeler à l'équipe qu'il fallait que l'on termine les séries commencées ! La politique éditoriale très enthousiaste avait tendance un petit peu à s'éparpiller... Nous avons donc terminé toutes les histoires à la fin de la première série. J'ai pu faire quelques scénarios, notamment j'ai terminé les Galaxy Green de Jack Kirby avec Reed. C'est dans Strange qu'est sorti Megasauria. J'ai fait pas mal de traductions et d'articles et les bandes dessinées étaient épatantes. Il y avait les BD de Tom Scioli, de Chris Malgrain, il y avait du Stan Lee, du Dave Gibbons et plein d'autres auteurs tout à fait formidables. Aujourd'hui, tous ces numéros sont collectors et j'en suis bien heureux. Mon seul regret, c'est que Tournon ait repris la licence Strange pour ne rien faire avec.

Tu as co-réalisé avec Philippe Roure le documentaire Marvel 14, les super-héros contre la censure. Peux-tu nous dire comment est né ce projet ?
Jean Depelley : Nous venions de faire Dying God avec Fabrice Lambot et Jean-Pierre Putters et Philippe Roure envoie un scénario à Metaluna Productions pour un court-métrage de fiction policière intitulée M14. Son projet racontait l'histoire de collectionneurs fous s'entre-tuant pour la possession du mythique numéro 14 de la revue Marvel des éditions Lug. Tout de suite, Fabrice Lambot m'a contacté et m'a envoyé le scénario, me demandant mon avis. Ça m'a amusé, bien entendu, car je travaillais à l'époque sur Strange et connaissais les personnes-clé ayant, à l'époque, contribué à ces numéros. J'ai contacté Philippe. Nous avons revu ensemble la mouture de son scénario et le projet est entré en préproduction. Malheureusement, c’était cher et Fabrice Lambot nous a demandé de faire un documentaire beaucoup moins onéreux. C'est comme ça que Marvel 14 est né et a tué M14. Depuis, Philippe Roure essaye toujours de monter M14. J'espère qu'il y parviendra car c’est une belle histoire ! Je m'étais amusé à rajouter dans ses personnages de truands des aspects des héros du fameux Marvel n°14 qui n'est jamais sorti...

Marvel 14 Quelles ont été les difficultés que vous avez dû affronter lors de la réalisation du documentaire ?
Jean Depelley : La réalisation de Marvel 14 n'a pas été très difficile. Nous avons un peu voyagé, entre Angoulême, Lyon et le Berry... Je connaissais les intervenants de façon personnelle, que ce soit Bernard Joubert, Claude Vistel, Thierry Mornet, Reed Man, Mitton, Éric Vignolles, Fred Manzano, Fred Tréglia... Donc nous n'avons pas tellement eu de problèmes. Pareil pour la documentation iconographique qui provient de ma collection. La difficulté a plus été de faire parler certains collectionneurs, vu le destin trouble des archives Lug. Certaines pièces ayant été volées, les gens sont restés assez discrets et évasifs sur le devenir de la maquette du fameux Marvel n°14. Ces informations ont depuis refait surface, avec la sortie du film. Les maquettes de certaines planches ont été retrouvées, telles celles des épisodes des « Fantastiques » ayant été recyclées pour l’album Les Inhumains sont parmi nous. L'autre difficulté qui nous a tenus en haleine, surtout Philippe, a été le montage. C'est un film qui s'est fait au montage. On savait parfaitement ce qu'on voulait dire, tout ce que l'on voulait dire, mais il fallait tenir compte des réponses de nos intervenants, de nos archives et de notre documentation. Les discussions ont été longues et Philippe a fait un sacré travail au niveau du montage, parvenant à donner un rythme d’enquête policière (certainement en raison de sa frustration de ne pas avoir dirigé M14). Le résultat aujourd'hui est à la mesure de nos espérances. Ce film est devenu culte chez les collectionneurs et les amateurs de bande dessinée et j'en suis très fier ! Je préciserai que ça a toujours été mon but de satisfaire en premier lieu le die-hard fan et d’ouvrir suffisamment le propos pour que tout le monde puisse apprécier... Le but est bien sûr de faire une œuvre grand public, mais avec toujours la volonté de satisfaire le fan de base que je suis resté.

La censure est parvenue à annuler la sortie du 14e numéro de Marvel. Penses-tu que la censure existe encore aujourd'hui dans les comics publiés en France ?
Jean Depelley : Je ne pense pas que la censure existe encore dans les comics publiés aujourd'hui en France, mais je dirais qu’une forme de censure existe toujours : c'est l'autocensure et le « Politiquement correct ». Je suis persuadé que tout peut être dit et montré dans l’art, la BD ou ailleurs. Certes, pas à tout le monde, on est d'accord ! Il faut protéger l’enfance et les personnes vulnérables, bien Marvel 14sûr. Mais tout devrait pouvoir exister... Aujourd'hui, il suffit de regarder les médias, il suffit d’écouter la radio, de regarder la télévision pour se rendre compte que les propos tenus sont extrêmement light. Plus rien ne dépasse. C'est d'ailleurs très surprenant quand on sait que la génération qui tient les rênes est celle issue de mai 68, biberonnée aux journaux de type Hara-Kiri et Charlie Hebdo. Ces gens-là maintiennent une espèce de chape sur la pensée, sur ce qui peut être dit ou non, et sur ce que l'on doit apprendre à la jeunesse... Ça me gène et je trouve que cette censure est liberticide. Aujourd'hui, certains sont convaincus que l'Histoire a un sens (vers le progrès social ?). Dans les écoles, on donne aux jeunes des éléments de réflexion simplifiés pour les amener à accepter cette évolution et on leur donne en même temps un discours philosophique et politisé du monde. Leur libre arbitre n'est plus réellement mis en jeu car on leur impose cette vision et y déroger est très mal vu, c’est quasiment du révisionnisme ! Pour ma part, je suis persuadé que l'Histoire n'a pas de sens. Mais ce n’est pas bien grave, ce n’est pas l’idée que je critique la plus. C’est la méthode. Pour faire adhérer les gens, il faudrait les convaincre, pas faire disparaître l’opposition. Je pense qu'il vaudrait mieux éduquer/informer les gens et les laisser à leurs interrogations. Ils développeront leurs propres choix. C'est d'ailleurs ce que j'ai essayé de faire dans mes livres sur Kirby, en donnant au lecteur un maximum de faits de la façon la plus objective possible, de manière à le laisser se forger sa propre opinion. Donc, pas d’analyse théorique absconse ou d’impressions personnelles dispensables, c’est au lecteur de trancher. Il décidera par lui-même qui sont les bons des méchants, de Martin Goodman, Mort Weisinger Stan Lee ou Jack Kirby... Mais peut-être que la réalité est plus complexe et moins manichéenne qu’une simple histoire de super-héros...

Tu clames depuis des années ton amour des EC Comics. Que trouves-tu dans ces titres et que tu ne retrouves pas aujourd'hui ?
Jean Depelley : Dans les EC comics, il y avait une liberté thématique absolue. On pouvait aborder tous les genres possibles. Il y a des histoires de pirates, des histoires d'amour, des drames psychologiques, des westerns, des histoires de science-fiction, des histoires d'horreur... Tout y passe et la seule chose dont on est certain lorsqu’on lit un EC, c'est qu'il y aura une chute, une conclusion EC Comicsimprévisible et corrosive à la fin de l'histoire. Mais tout le reste est non formaté. C'est ce que j'aime dans ces comics. En plus, ils étaient réalisés par des artistes de génie (Wallace Wood, Jack Davis, Graham Ingels, Jack Kamen, George Evans, Al Williamson, Frank Frazetta...). Peut-être un peu sur-écrits, avec du texte paraphrasant l'image, mais en tout cas avec une belle plume. Aujourd'hui, ce que je reproche aux comic books, c'est d'exploiter des recettes vieilles de plusieurs décennies en faisant évoluer les personnages le moins possible, dans la mesure où ce sont des licences qui sont vendues à de nombreux supports et qui rapportent beaucoup d'argent. Donc, on est dans la situation où Coca-Cola ne peut pas changer sa formule secrète et j'ai l'impression de lire toujours la même histoire ad nauseum. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai cessé de lire la plupart des séries depuis longtemps. Je ne m’intéresse absolument pas aux personnages en tant que tels. Je m'intéresse aux auteurs.

Tu as écrit une biographie de ton idole Jack Kirby à travers deux tomes. Quel but t'es-tu donné en te lançant dans un tel projet ?
Jean Depelley : En fait, j'ai très vite compris que Jack Kirby était un génie... L’équivalent d’un Monet ou d’un Picasso... Dans les années 80, j'appréciais déjà toute la portée de son travail, mais l'artiste restait une énigme. Qui était-il ? D'où venaient ces fulgurances ? C'est ce que j'ai essayé de comprendre, et particulièrement lorsque j’ai appris sa mort en février 1994... Cette recherche s’explique peut-être aussi par le profond sentiment de tristesse qui en a découlé, bien que je n'ai jamais rencontré l’homme. Il faut dire qu’après le divorce de mes parents quand j’étais enfant, les Fantastiques m’ont partiellement élevé. C’était une famille stable, loin des déséquilibres que je traversais à l'époque. J’en serai toujours redevable à Jack Kirby et Stan Lee. J’ai alors démarré mon enquête sur Kirby, cet homme énigmatique resté à l'écart des projecteurs, dans l’ombre de Stan Lee. J’ai collationné son œuvre pour Néofélis biographie Jack Kirby essayer de comprendre... Puis est apparu le Jack Kirby Collector, qui m'a donné des clés. Ce magazine menait les mêmes recherches que moi et j'ai rapidement collaboré. Mon intérêt pour l'homme derrière l'artiste a encore grandi à la lecture des témoignages. En Kirby, j'ai découvert un être humain formidable, pas seulement un auteur génial mais aussi un modèle pour son entourage, un père de famille respecté, un mari aimant, un honnête homme. Mon enquête m'a amené à découvrir des pans totalement inconnus de sa vie, notamment sa période en France pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le but que je me suis donné en réalisant cette biographie a été de suivre pas à pas les traces de l’homme, pas seulement à travers ses réalisations mais aussi dans la vraie vie, pour révéler ce qui a pu l’animer, d’où est né le feu sacré de son art. Ma volonté ultime est de mieux le faire connaître du grand public, bien sûr, et d’aider à sa reconnaissance en tant que génie du XXe siècle. Je suis persuadé qu’il sera un jour dans les musées et enseigné dans l’Histoire de l’art.

Combien de temps t'a t-il fallu pour réunir autant d'informations ?
Jean Depelley : En fait, je réunis toutes ces informations depuis très longtemps, depuis mes premiers comic books : Eternals, 2001, Captain America, Fantastic Four, Thor... J'ai toujours collectionné Jack Kirby, entre autres auteurs, avec Gene Colan, Gil Kane, John Buscema, Joe Kubert... En outre, j’ai pu bénéficier de la documentation provenant du Kirby Museum, du Jack Kirby Collector et de la famille Kirby, notamment pour les planches originales, les photos, etc... Concernant les informations, j'ai commencé par lire les livres, les articles déjà existants, écrits par les auteurs américains. Il m’a fallu ensuite tout mettre dans l’ordre chronologique. Ensuite, la lecture de l'œuvre et sa mise en perspective m’a permis de trouver des résonances entre les créations et les aspects biographiques de son existence. Pour terminer, j'ai interrogé de nombreuses personnes ayant côtoyé Kirby, que ce soit des collectionneurs ou éditeurs en France ou aux États-Unis, ses collaborateurs (Will Eisner, Dick Ayers, Joe Simon, Steve Sherman, Ray Jack Kirby le super-héros de la bande dessinée Néofélis Wyman Jr., Mark Evanier, Mike Royer...) et les enfants du King lui-même, Lisa et Neal. Toute ces recherches ont pris une quinzaine d'années, dont cinq d’écriture.

A t-il été difficile d'inclure certains documents ?
Jean Depelley : Certains documents n’ont pas été faciles à trouver et je les ai cherchés pendant de nombreux mois. Par exemple, la liste Vartanoff des planches disponibles chez Marvel et qui donnait en creux celles qui avaient été volées dans les années 80. Également certains contrats ou certaines photos... Heureusement, les collectionneurs et amis ont mis à disposition les documents qu'ils avaient. Je remercie à cet égard Philippe Queveau qui m'a permis d'utiliser l’un des rares scripts existants de Stan Lee pour les séries de Kirby. John Morrow m'a envoyé une photo de mauvaise qualité - mais la seule existante ! - de Don Wallace, le patron de Marvelmania. Fred Manzano m’a fait des scans de dessins rares... Bref, ces deux tomes se sont faits grâce à des amitiés forgées sur des années de recherche et je remercie toutes les personnes qui ont bien voulu m'aider... Maintenant, certaines informations manquent toujours et c’est frustrant ! Par exemple, je ne suis pas parvenu à découvrir pour quel éditeur Kirby a réalisé le graphic novel de Captain Victory en 1978. J’ai bien ma petite idée, mais aucune preuve tangible...

As-tu mis de côté certaines informations ?
Jean Depelley : J'ai effectivement mis de côté certaines informations. Mais très peu, en fait. Aucune sur Jack lui-même. La première concerne le nom de jeune fille de la première femme de Neal Kirby. Celle-ci avait le même prénom que la sœur aînée de Neal et, pour éviter les confusions, j'ai voulu connaître son nom de famille. Cela m'a été difficile mais j'y suis parvenu. Neal m'a demandé de ne pas le mentionner. J'ai donc mis des initiales... Même chose pour les personnes ayant commandité les vols de planches Marvel dans les années 80. Ces gens sont bien connus du monde des comics de New York. Vous trouverez leurs initiales dans le livre. Je ne tiens pas à être attaqué en diffamation par ces personnes peu fréquentables...

Jean Depelley Jack Kirby Concernant tes deux biographies, les seuls reproches que je pourrais émettre sont le fait qu'elles soient en noir et blanc et en édition limitée. As-tu été approchée par un autre éditeur soucieux de proposer ta biographie dans une version « ultime » ?
Jean Depelley : Effectivement, les deux livres chez Neofelis sont en noir et blanc et en édition limitée. Malgré tout, il faut bien savoir que de tels livres, épais et très riches en illustrations, coûteraient très cher s'ils étaient en couleur. On doublerait, voire on triplerait le prix... De plus, le tirage correspond à peu près au lectorat potentiel en France. Malheureusement, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup plus de lecteurs. D’abord, parce que la plupart des fans s’intéressent avant tout aux séries et aux personnages, et pas aux auteurs. Ensuite, parce que les gens ne veulent pas forcément s’infliger 850 pages sur la vie de Kirby ! Donc, il y a de la place pour d’autres livres, comme le bouquin de Mark Evanier chez Urban Comics, celui d’Harry Morgan aux Moutons électriques ou celui d’Alex Nikolavitch aux éditions Confidentiel... À titre d’exemple, Les travaux extraordinaires d’Alan Moore de TwoMorrows a été tiré à 2000 exemplaires et 1200 ont été tout de suite vendus. Donc, je ne pense pas qu’un tirage limité à 1000 exemplaires constitue un frein. Neofelis a pris beaucoup de risques à sortir des livres d'une telle taille, d'un tel format, avec autant d'illustrations. Je remercie encore au passage l’éditeur Frédéric Stokman pour son courage et sa confiance ! J'ai toujours voulu que cette biographie se lise comme une bande dessinée, avec les illustrations correspondantes en vis à vis du texte, et cela a demandé beaucoup de travail. D’abord, pour scanner les images et choisir les plus pertinentes. Ensuite, pour la maquette. Il a fallu huit mois de travail pour chaque tome et je remercie encore Gwenaël Jacquet et ID Studio pour leur implication. Évidemment, l’idée de sortir un livre géant tout en couleur et compilant les deux volumes est séduisante ! Il faudrait des lecteurs très costauds ! Et un un gros éditeur... Peut-être à l’occasion d’une édition étrangère ? Nous sommes actuellement en discussion. Croisons les doigts !

Avec autant de temps passé à concevoir des ouvrages ou des documentaires, trouves-tu encore le temps de lire des comics (ou BD ou mangas) ? Si oui, quels sont les titres qui t'ont marqué récemment ? Et d’un point de vue comics, jusqu'ici, tu as cité quelques grands génies comme Jack Kirby, Wally Wood ou Will Eisner. Quels sont selon toi les grands auteurs d'aujourd'hui, ceux qui parviennent à attirer ton regard affûté ?
Jean Depelley : Je lis toujours des bandes dessinées ralph meyer undertaker et des comics, mais pas de mangas... En fait, je fais partie de la génération qui a raté le coche pour la BD japonaise. J'ai juste lu quelques numéros d’Akira à sa sortie et ça m'avait assez déconcerté... Je suis d’ailleurs toujours déconcerté par les mangas et par leur rythme parfois lent et contemplatif, très proche des storyboards de dessins animés où chaque geste est démultiplié, sur-découpé... Ce qui est totalement contraire au code des comics américains et à ceux de Kirby en particulier, chez qui la case représente le « climax » de la scène. Quant aux bandes dessinées franco-belges, je m’intéresse là aussi aux auteurs plutôt qu’aux séries. Je vais suivre les scénarios de Fabien Velhmann, un auteur que j'aime beaucoup et que j'ai eu l'occasion de croiser avec tout autant de plaisir. Ses idées sont formidables. Il a un très bon sens du rythme et de l'atmosphère. Je lis bien évidemment les scénarios de Jean Van Hamme, qui pour moi est le digne héritier du Maître Jean-Michel Charlier. Les derniers Largo Winch sont des petits bijoux d’écriture. J’ai adoré les atmosphères d’Undertaker de Ralph Meyer. J'ai eu le coup de foudre pour Lorna et la série Tyler Cross de Brüno. C’est puissamment écrit et dessiné, avec un amour totalement assumé pour les films d’exploitation américains que j'adore. J'ai aussi beaucoup aimé Reconquêtes, superbement dessiné par Miville-Deschênes, qui me fait penser à Jean-Claude Gal, ce qui n'est pas une mince affaire ! J’aime beaucoup également Julliard, Hermann, Al Severin, Berthet (notamment ses derniers policiers). Les vieux Fourneaux de Lupano & Cauuet m’ont estomaqué par leurs audaces scénaristiques et visuelles. J’ai aussi lu avec plaisir la série Je veux une Harley de Franck Margerin, un auteur à l'image de ses albums, extrêmement sympathique et conviviale ! Sans oublier Notre-Dame de la Taïga, le dernier Dinosaur Bop de mon ami Jean-Marie Arnon chez Innana ou les Buck Danny classiques de Jean-Michel Arroyo... et tout cela ne concerne que les nouveautés, car je poursuis mes explorations du passé. J'adore l'école Spirou réaliste de Jijé à Follet. Je recherche l'école Tintin traditionnelle, les BD de Le Rallic et même les Fripounet de Bonnet et les Patapouf de Gervy ! Concernant les comics, j’ai toujours la même approche sur les auteurs et je vais lire de façon parfois décousue, parce que la continuité m'insupporte, les numéros dessinés par tel ou tel dessinateur. Par exemple, Frank Cho, Alan Davis, Art Adams ou Mike Allred. La série Art Ops d’Allred chez Vertigo part sur les chapeaux de roue ! Du point de vue des scénaristes, j'aime beaucoup Alan Moore, bien entendu, et Mark Millar. Depuis Kick Ass John Romita Jr Mark Millar Kick Ass, j’ai lu pratiquement tout ce qu'il a écrit et j'ai eu le coup de foudre pour Secret Service et Star Light qui sont absolument formidables. Plus récemment, il a fait Chrononauts, une excellente série sur les voyages dans le temps. Sinon, je lis ce que fait Tom Scioli, un auteur travaillant dans la tradition du King et qui a tout compris aux liens entre comics et Pop Art...

Comment juges-tu l'évolution des comics ces dernières années ?
Jean Depelley : Les comics évoluent vers quelque chose qui me déplaît et m’effraie. Comme il s'agit d'un support relativement bon marché, les grosses sociétés détentrices des maisons d’édition expérimentent avec leurs personnages, testant de nouveaux concepts pour, en cas de succès, vendre les licences sur d'autres supports, tels les jeux vidéo, la télévision ou le cinéma. Ça peut sembler intéressant, mais en fin de compte, le seul objectif recherché est de décliner les licences sur des supports qui rapporteront beaucoup plus que le papier. On le voit très bien lorsque l'on va à la San Diego Con. Les stands de Marvel ou de DC ne proposent plus rien à la vente et sont simplement des vitrines pour les droits des licences. Aujourd'hui, les éditeurs de comics lancent des maxi séries qui durent l'année, entraînant des crossovers et une continuité absolument illisibles pour le lecteur occasionnel que je suis. La plupart des nouveaux concepts seront de toute façon abandonnés à la fin de l'année, de manière à ce que la licence n’évolue pas. Donc, on se retrouve tous les ans chez Disney et Warner avec ces politiques de business-plans qui sentent le réchauffé et l’artificiel à plein nez. Les auteurs embauchés, si talentueux qu’ils soient, sont réduits à de simples exécutants ; ils ne peuvent pas faire preuve d'une grande créativité, vu les contraintes auxquelles ils sont soumis.Pour relancer la sauce, les éditeurs font des reboots, ressortant des numéros 1. On compte aujourd’hui par dizaine les X-Men n°1... À titre d'exemple Marvel fait actuellement une nouvelle Secret Wars, inspirée semble-t-il de Crisis on Infinite Earths de DC, et je n'y comprends absolument rien ! Je ne cherche d’ailleurs même plus à comprendre et je me contente de lire un ou deux comic books de façon ponctuelle, car dessinés par Allred, Cho ou Davis. Cela ne présente plus aucun intérêt pour moi... Heureusement, il y a d’autres éditeurs plus modestes que les Big Two, tels Image ou Dark Horse, qui essayent de sortir de l'ornière des super-héros... J'ai pu voir à la San Diego Con des petites séries Secret Wars indépendantes sympathiques faisant du policier, de la SF, de l'espionnage... Autre point qui m’effraie : la disparition programmée des comic books. Le support numérique va remplacer celui du papier et les titres sortiront directement sur la toile pour les abonnés, avant d’être compilés et imprimés en collected books ou autres graphic novels. C’est malheureusement la fin d’une époque...

Aimes-tu les adaptations cinématographiques qui sont réalisés par Disney / Marvel ? Ou préfères-tu l'angle plus sombre de DC/ Warner ?
Jean Depelley : Les adaptations cinéma actuelles des grandes licences des comic book sont parfois très réussies. J’adore les deux premiers Spider-Man de Sam Raimi des années 2000 produits par Fox, notamment le deuxième qui est un pur joyau de mise en scène, grâce au talent de Raimi et à cette espèce de synergie totale entre le cinéaste et son sujet. En plus, c'est extrêmement fidèle à la version Ditko, donc c’est un total bonheur ! Sinon, j'ai bien aimé le premier Captain America de Joe Johnston, un réalisateur qui avait déjà brillé sur l'excellent Rocketeer d'après Dave Stevens. Quant aux Avengers, je trouve les films plutôt réussis et distrayants, même si, passé le choc des effets spéciaux et des scènes d'action, les scénarios ne sont pas forcément si intéressants que ça. En tout cas, la caractérisation des personnages est plutôt sympa, même si elle est différente des bandes dessinées. Robert Downey Jr. dans le rôle d’Iron Man est un vrai régal, même si ce n’est pas le Tony Stark de mes lectures d’enfant. Par contre, j’ai soigneusement évité de me faire du mal en allant voir le reboot de Fantastic Four cet été. Il ne faut pas exagérer quand même ! Concernant les films DC-Warner, j'ai bien aimé le premier Superman. Je suis un peu gêné par les films de Christopher Nolan. Même si ses Batman sont très bien dirigés, avec de très bons scénarios et d’excellents acteurs, le montage est trop « cut » pour moi, trop jeux vidéo... La bande-son me gène aussi. Les bruits du quotidien mixés aux dialogues et aux fracas des combats rendent l’ensemble complètement inaudible. Je comprends cette volonté artistique d’intégrer le super-héros dans le monde réel grâce à l’environnement sonore, comme dans le cinéma-vérité, mais là tout va trop vite et tout se mélange. Pareil pour les derniers James Bond... Je suis peut-être trop vieux ou fan irréductible de l’âge d’or hollywoodien ! Ma dernière excellente surprise au cinéma a été Kingsman de Matthew Vaughn, un petit chef-d'œuvre digne du comic book originel.

Kirby Eisner Quel est ton prochain défi ? Une nouvelle biographie ?
Jean Depelley : Je ne sais pas si mon prochain projet sera un défi... C’est un film documentaire sur Jack Kirby pendant la guerre en France. Ce ne sera pas une biographie, bien que de nombreux éléments biographiques y figureront. Ce sera une interprétation des faits et une analyse de l'évolution artistique de Kirby en un des génies du XXe siècle. Pour moi, l’épisode de la guerre est fondamental à cette évolution. C'est ce que nous allons essayer de démontrer et de visualiser, avec le réalisateur Marc Azéma, dans un documentaire qui s'intitulera Kirby at War, La guerre de Kirby, qui devrait sortir pour 2017, année du centenaire de Jack. Autres projets qui va voir le jour en 2016, un ouvrage partiellement inédit de Will Eisner, Les boucaniers, qui va sortir chez Neofelis. Grâce à l'aide de Louis Cance de la revue Hop !, dix pages perdues du premier chef-d’œuvre de Will Eisner ont été redécouvertes. Au cours de recherches complémentaires, j'ai encore trouvé seize pages inconnues et non référencées parues dans les comic books en 1939. Le livre sera donc la première édition complète au monde de cette fabuleuse histoire de pirates. Il sortira en 2016. Nous avons bien entendu l'autorisation du Will Eisner Estate, auquel nous avons donné toutes les planches. Ces gens nous ont également écrit une introduction pour le livre. Une belle aventure qui clôturera des années de recherche des deux côtés de l'Atlantique pour retrouver les planches manquantes de ce chef-d'œuvre.

Si tu avais le pouvoir métaphysique de visiter le crâne d'un autre artiste pour en comprendre son génie, chez qui irais-tu ?
Jean Depelley : Question difficile ! Kirby est à un auteur passionnant qui restait somme toute assez méconnu... Je pense que je m'intéresserais aux grands sphinx de la BD. Mœbius a déjà été copieusement étudié. Trop tard ! Il reste Steve Ditko, un véritable reclus, un auteur qui se cache et se protège et dont l'œuvre reflète totalement le mode de pensée. Ditko vit selon ses préceptes, ceux de la Philosophe objectiviste Ayn Rand. Il y a beaucoup à écrire sur cet homme, des choses qu'il exprime déjà dans son trait. Enquêter sur Ditko, le suivre dans son existence et le comprendre dans ses actes courageux. N’oublions pas qu’il a toujours refusé la compromission concernant Spider-Man et Dr Strange, face à Marvel et les sociétés de production cinématographiques... Mais je ne crois pas être la personne légitime pour un tel travail et je ne souhaiterais pas déranger l’homme. Sinon j'ai beaucoup d'admiration pour de nombreux illustrateurs français, anglais ou américains. J'aime beaucoup Gustave Doré, Arthur Rackham, John R. Neill, l'illustrateur des livres de Oz de Frank L. Baum... Tous ces grands artistes restent encore mystérieux ! Peut-être l’occasion d’articles. Je me suis déjà intéressé à l’école Métal Hurlant, à Druillet, Mœbius et les autres. Peut-être que cela fera un livre ? Nous en discutons en ce moment aux États-Unis. En tout cas, je ne sais pas si j'aurais la force et le courage de m'atteler à suivre les traces d'un autre géant... Peut-être plutôt d’écrire des scénarios de BD...

Un grand merci Jean !

Nous tenons également à remercier chaleureusement Jean Depelley qui a gentiment accepté de nous accompagner et de nous apporter ses conseils et annotations sur l'interview de Jack Kirby que vous pouvez retrouver ici.


Jean Depelley Jack Kirby le super-héros de la bande dessinée