interview Comics

Run

©Ankama édition 2013

Depuis son arrivée dans le monde de la bande dessinée en 2006, Run n'a pas chômé. Auteur de l'excellente série Mutafukaz, cet artiste surdoué a multiplié les projets et les casquettes. Tout d'abord, il a lancé le Label 619 qu'il dirige au sein des éditions Ankama et qui lui a permis de lancer de jolis succès comme Freak's Squeele ou The Grocery du duo Singelin-Ducoudray. Jamais en manque d'inspiration, Run a encore trouvé le temps de lancer DoggyBags, une série compilant des récits dignes des films Grind House. On l'avait rencontré en 2007 et 2008, aux premiers pas de ses deux carrières d'auteurs et de directeur de collection. L'envie de converser une nouvelle fois avec lui n'a pas pu être contenue...

Réalisée en lien avec les albums Mutafukaz T4, Doggybags T3, Mutafukaz T3
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême

interview menée
par
18 février 2013

Bonjour Run, peux-tu te représenter ?
Run : Je m’appelle Run, je suis directeur de collection chez Ankama, le Label 619 et je suis auteur de Mutafukaz et de Doggybags.

© Run – Mutafukaz Tu sors en ce début d’année le quatrième opus de Mutafukaz
Run : En fait, il s’est passé pas mal de temps entre la sortie du tome 3 et du nouvel album. Trois années c’est très long, je n’ai pas chômé non plus, puisque j’ai restructuré le Label 619, j’ai lancé Doggybags, qui est devenu une série régulière. J’ai travaillé sur la pré-production d’un éventuel long métrage pour le cinéma. Cela prend énormément de temps, d’écriture, de chara-design, même si je bosse en équipe. Il était temps que ce quatrième tome sorte. J’ai pu revenir sur des personnages que j’avais mis de côté sur le volet précédent. C’est avec un grand plaisir que je les ai retrouvés et j’espère que le lecteur s’y retrouvera. On y voit l’agonie de Dark Meat City à son lente implosion. Je pense que c’est assez jouissif pour les lecteurs qui me suivent depuis le début.

Au début de Mutafukaz, la série était prévue en 3 albums, non ?
Run : En fait, il y en aura 5 ! L’erreur que j’ai commise est d’avoir annoncé au début de la série qu’elle ne ferait que trois tomes. C’est resté dans les têtes des gens et pour tout dire, je pensais qu’il n’y en aurait que trois. C’est pendant la conception du second que je me suis rendu compte que ce n’était pas jouable et qu’il me faudrait plus de place. L’autre erreur est qu’à la fin du tome 3, on n’a pas indiqué qu’il y aurait des suites. Beaucoup de gens ont imaginé que c’était la fin de la série. Ces deux erreurs ont semé un peu le trouble pour les lecteurs. Aujourd’hui, je peux t’assurer qu’il y aura un cinquième Mutafukaz et que ce sera le dernier de cet arc narratif.

J’imagine que tu ne veux pas trop en parler mais ton projet ciné, c’est sur quoi ?
Run : C’est en rapport avec Mutafukaz. C’est... tout (rires) !

© Run – Mutafukaz

Comment as-tu imaginé le concept de Doggybags ?
Run : Ce n’est pas évident de répondre à ce genre de questions. C’est au fur et à mesure des pistes et des embryons d’idées qu’un projet se bâtit. C’est un mélange de chance, d’instinct…

Le troisième album de Doggybags comprenait principalement des récits autour du Mexique. As-tu prévu d’autres concepts particuliers pour Doggybags ?
Run : Je ne pense pas. Je suis passionné par le Mexique et en France, on est loin de s’imaginer ce qui s’y passe réellement. C’est assez hallucinant, car pour moi, le Mexique peut s’effondrer dans les dix prochaines années. En restant divertissant, je voulais essayer de montrer certains aspects sur ce pays. Par exemple, je ne comprends pas la polémique sur Florence Cassez, elle a été libérée et là, je suis courroucé par le nombre de gens qui © Run – Mutafukazprétendent que si elle a été emprisonnée, c’est qu’elle le méritait sûrement. J’invite tous les gens qui n’ont pas lu le dossier que l’on avait fait sur le sujet dans Doggybags 3 à le faire. Je m’étais investi dedans et franchement l’affaire est à charge pour la justice mexicaine. Les plus vindicatifs sur cette affaire sont ceux qui en connaissent le moins dessus. Je suis content qu’elle soit libérée, mais je ne comprends pas bien le débat autour de sa libération. Fin de la parenthèse. Pour Doggybags 3, j’avais une histoire se passant au Mexique et j’ai reçu une proposition de deux auteurs se déroulant là aussi là-bas. Finalement, il y avait aussi Florent qui avait son histoire, mais qui n’avait pas de lieu précis. Comme l’action se situait surtout dans un bar, il a adapté son histoire au contexte mexicain. On s’est dit que ce serait plus sympa d’avoir un album entier avec une thématique spéciale. Cela nous permettait aussi de faire des articles plus adaptés et dédiés au Mexique. Dans le prochain Doggybags, il n’y a pas de thématique particulière. Pour l’instant, ce n’est pas prévu que l’on en fasse d’autres.

Doggybags possède des histoires que ne rechigneraient pas Quentin Tarantino ou Robert Rodriguez. Te sens-tu proche d’eux ?
Run : Je me sens plus proche de Roger Corman, avec ce côté un peu foutraque. Sinon, ce serait plutôt de Rodriguez. Tarantino c’est le 7ème art à son paroxysme, un peu surévalué, il y a des remakes. Heureusement qu’il existe, mais il y a ce côté un peu élitiste vis-à-vis de lui qui m’exaspère un peu. Rodriguez a ce côté crasseux que j’aime bien.

De quoi es-tu le plus fier avec le Label 619 ?
Run : Je suis fier de son existence en France. Je suis infiniment reconnaissant vis-à-vis de Tot qui m’a permis de le faire. Peut-être que cela se serait fait ailleurs, mais jamais comme ça. En plus, il y a plein d’auteurs talentueux et qui, au fil des années, deviennent de vrais amis. Je suis content de ça. Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un auteur pour en comprendre son génie, qui choisirais-tu ? Run : J’irai peut-être dans l’esprit de Frank Miller. Cela m’interpelle un peu ces derniers temps car j’ai l’impression qu’on a un petit peu caricaturé son travail depuis Terreur Sainte. En France, on aime bien jeter le bébé avec l’eau du bain. Je ne peux pas croire que ce gars est aussi raciste. Peut-être que je me trompe. Ce que j’ai lu de lui, c’est radical, c’est hardcore. J’aimerais bien visiter son crâne, savoir s’il parle des islamistes ou alors de qui il parle, s’il fait la part des choses entre les islamistes hardcore, les terroristes, les salafistes, les musulmans. S’il ne fait pas la part des choses, c’est dommage. En plus j’aime beaucoup Miller et si c’est le cas, je serais vraiment déçu.

Merci Run !

© Run – Doggybags

Retrouvez également notre interview de Run en compagnie de Florent Maudoux et de Raf datant de 2008 en cliquant ici !


Retrouvez également notre première interview avec Run datant de 2007 en cliquant ici !