L'histoire :
Jules César rêve de faire aussi bien qu’Alexandre en matière d’Empire. Aussi renforce-t-il son assise à Rome en faisant frapper de la monnaie à son effigie ; et envoie-t-il des ambassadeurs aux quatre coins de l’Europe pour rallier des peuples barbares à son territoire. Le gaulois Alix Gracchus est l’un d’eux, qui accoste avec son compagnon Enak aux confins de la Crimée, à Panticapée (actuelle Kertch). Son objectif : s’allier avec les Sarmates, afin qu’eux-mêmes vainquent les Parthes. Alix est accueilli par le gouverneur Quintus Valerius, qui lui explique l’archaïsme de ces peuples des steppes. Ils mangent de la viande crue, ils font des sacrifices humains, leurs femmes montent à cheval et guerroient… On présente à Alix un guide sarmate, Rumo, qui a le mérite de parler latin. Ce dernier ne comprend pas qu’Alix tienne à voyager en toge romaine et non en pantalon… les voyageurs partent néanmoins à la rencontre du roi Eunonès. A travers les mornes paysages des steppes, Alix et Enak constatent l’extrême habileté des sarmates à cheval, mais aussi la rudesse de leurs mœurs. Après une expédition de plusieurs jours, ils arrivent au campement mobile du roi, qui reçoit ces curieux étrangers avec méfiance. Sont-ils des espions ? Pourquoi sont-ils aussi méprisants ? Ont-ils au moins déjà tué un adversaire au combat ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’instar d’Astérix, Alix le gaulois voyage beaucoup au cours de ses albums de la série « régulière ». On l’a vu en Egypte, en Angleterre, en Grèce, en Espagne et jusqu’en Chine… Mais il n’avait que peu côtoyé les peuples barbares des steppes d’Europe centrale, à savoir les sarmates, les parthes, les scythes, les aorses, les alains et les terribles androphages (littéralement « mangeurs d’hommes »). Le voilà donc émissaire de César, en quête d’improbables alliances avec des peuplades aux mœurs archaïques (comparé à la magnificence de la civilisation romaine), à travers des paysages de steppes d’un ennui mortel. Le point de départ de ce scénario est sensé et parfaitement centré sur la géopolitique de l’époque. Pour autant, son développement s’avère ensuite pour le moins baroque. Primo, Alix et Enak écornent leur traditionnelle vertu psychologique, en montrant agacement et mépris (Enak, surtout…). Deuzio, à partir de la p.21, lorsqu’une géante sortie de nulle part fait un croc-en-jambe à un cheval au galop, la narration fait un virage subi vers l’incongru… voire l’hermétique. Ici scénariste, David B délaye son récit dans des problématiques secondaires pour le moins décalées (tiens, et si on se mettait un quête d’un cheval géant ?). On se perd dans certains combats muets et plus globalement, dans le sens du récit. De même, à l’image de cette couverture ratée où Alix arbore une posture (et des proportions) douteuse(s), l’équilibre graphique n’est pas vraiment de mise dans le dessin de Giorgio Albertini. Un best-of de ces limites se trouve dans la 6ème case de la p.17 : un effet d’escalier numérique dans le motif répliqué des tentures de fond, un personnage féminin finement détaillé en milieu de plan et le visage d’Alix comme zoomé avec des traits épais au premier plan, dans une expression faciale qui ne lui ressemble pas. Le dessinateur italien fournit tout de même un gros boulot de documentation historique via les tenues et les apparats de ces civilisations méconnues ; et il respecte foncièrement la sacro-sainte ligne claire jacquesmartinienne. Les peccadilles que l’on pointe ne font donc pas généralité ; ils révèlent surtout une forme de laisser-prise (ou de précipitation) dans le suivi éditorial.