interview Bande dessinée

Yves Swolfs

©Soleil édition 2011

Avec des récits « de genres » aux contextes variés, comme Dampierre (10 tomes), Durango (15 tomes), Le prince de la nuit (6 tomes) et plus récemment Légende (5 tomes), Yves Swolfs s‘est fait une jolie petite renommée au sein du 9e art. Auteur complet avant tout, le belge scénarise aussi nombre de séries pour d’éminents collègues (Vlad pour Griffo, James Healer pour De Vita, Remission pour Yves Cossu…). Dès lors, peu, hormis ses fans, savent que la grande passion de Swolfs, c’est… la guitare et le rock ! A l’occasion de la sortie du dénouement de sa saga médiévale Légende, il a accepté de répondre à une petite interview/mail…

Réalisée en lien avec l'album Légende T5
Lieu de l'interview : le cyber espace

interview menée
par
11 mars 2011

Bonjour Yves, pour faire connaissance avec ceux qui ne te connaissent pas (ou te connaissent mal), comment te présenterais-tu (rapidement) ?
Yves Swolfs : Comme un auteur éclectique, « touche à tout », qui aime passer d'un univers à l'autre et qui commence à avoir derrière lui un sacré paquet d'albums et de séries diverses et variées.

Comment en es-tu venu à faire de la bande dessinée ?
YS : Très tôt, je me suis mis à écrire des petites nouvelles. Je passais aussi beaucoup de temps à dessiner, étant un peu solitaire. Les découvertes simultanées de l'univers des westerns de Sergio Léone et de séries comme Blueberry, Red Dust et Jerry Spring m'ont tout naturellement poussées vers ce mode d'expression.

Western avec Durango, fantastique avec Le prince de la nuit, anticipation avec Vlad, thriller contemporain avec James Healer, fantasy médiévale avec Légende… Tu aimes varier les genres ?
YS : Effectivement!

A quand le space-opéra ? L’érotique ?
YS : Le Space-opéra est peut-être le seul univers qui ne m'a jamais attiré, que ce soit au cinéma ou en littérature donc je ne m'y attaquerai jamais. Par contre, l'érotique pourquoi pas !

Quelle était ton intention en écrivant Légende ? Tes inspirations ?
YS : L'intention de départ, était de créer un récit autour de l'envie de dessiner du « médiéval »... Châteaux, armures, ambiances brumeuses et compagnie... et de créer un personnage « archétype » du Chevalier Errant. Puis, le récit s'est développé, complexifié et sa structure est devenue atypique, basée sur le principe d'un grand flaschback, d'une boucle où le présent et le passé se rejoignent au Tome 4 pour le dénouement. Le récit contient, sous une forme métaphorique, une bonne part de légende personnelle, sans entrer dans le détail. C'est finalement cet apport particulier et cette structure qui donnent a l'histoire sa spécificité, même si le contexte médiéval est restitué de manière classique.

Qu’est-ce que tu as appris de cette série ? En quoi te « nourris »-tu des projets de BD que tu concrétises ?
YS : En général, je nourris mes scénarios de mes propres intuitions, observations, sentiments et analyses de comportement. De mes colères, mes aspirations, de ce qui provoque en moi révoltes ou émerveillements. Ce métier, comme les autres modes d'expression artistique, est un excellent vecteur d'expression des émotions, ce qui fait de moi un privilégié à plusieurs titres.

Qu’est-ce qui te pousse à n’être que scénariste ou auteur complet sur une série ? Est-ce juste une question de temps ou des envies ?
YS : Question de temps évidemment. Je n'arrive pas à dessiner plus d'un album en 18 mois. Mais aussi question d'affinité pour les univers, comme je l'ai dit plus haut.

Comment approches-tu, techniquement, la création d’un personnage ? (psychologiquement et graphiquement)
YS : Chaque personnage doit avoir une fonction bien précise dans un récit, il doit donc être porteur d'une ou plusieurs idées, être représentatif de ce qui est à démontrer, avec une charge positive ou négative. Il doit être totalement crédible dans le contexte, mais surtout, un personnage jouant un rôle plus ou moins important dans le scénario est en fait une forme de projection, un pion de l'échiquier créé par cette part du cerveau qui fonctionne de manière particulière et quasi en auto-hypnose, lors du travail de scénariste. Graphiquement le processus de création d'un personnage est plus varié. Il m'arrive assez souvent de m'inspirer de physionomie d'acteurs que j'ai appréciés au cinéma. Gabin, dans le Prince de la nuit, Thomas Milian, Lee Van Cleef, Jack Palance, pour ce qui est de Durango. Le « Prince » lui-même m'ayant été inspiré par Steve Vai (guitariste génial) qui a mon avis, en aurait été la meilleure incarnation en cas d'adaptation cinématographique.

Et comment construis-tu une case ? (en matière de plans) Une planche ? (le parcours de l’œil ?) Un album (le rythme narratif ?)
YS : La question mériterait une réponse digne d'une conférence. Je dirais que chaque étape (case, groupe de cases, planches) répond à des impératifs de narration, de lecture, de sens de lecture, d'équilibre esthétique que l'on retrouve aussi dans le langage cinématographique. Donc, même si pas mal d'images naissent de rêveries, de flashs ou de siestes productives, elles doivent s'intégrer à l'ensemble selon des règles bien spécifiques. Il en va de même pour l'écriture d'un scénario qui, outre le sujet lui-même, répond aussi à des schémas de construction, de rythme dans l'évolution du récit.

D’où te viennent tes inspirations ? As-tu des auteurs référents, une ligne artistique que tu suis ?
YS : Mes inspirations, outre mes préférences pour certains contextes qui me correspondent graphiquement, me viennent de ce que j'ai viscéralement envie de raconter. La lecture de bouquins peut parfois ouvrir des pistes ou alimenter le propos que j'ai envie de tenir, mais je n'ai pas d'auteur référent particulier.

Une thématique récurrente semble se dégager de toutes tes œuvres : celle du frère jumeau… Est-ce vrai et pourquoi ?
YS : Il s'agit sans doute d'une manière d'aborder le thème de la dualité.

La série Légende est-elle vraiment terminée… où conserves-tu un prochain cycle sous le coude ?
YS : La saga du « Duché de Halsbourg » est bouclée, mais des prolongements sont envisageables. J'ai effectivement pas mal de matière en réserve pour le Prince de la nuit, mais ceci étant dit, je ne sais absolument pas, au moment ou je réponds à tes questions, quel chantier j'entamerai dans les mois qui viennent. Peut-être prendrais-je un virage totalement surprenant, même si les éditeurs et les lecteurs avec qui je suis en contact, espère effectivement une suite à Légende ou au Prince.

A part les reprises, ou les suites des séries existantes, as-tu d’autres projets pour de nouvelles séries ?
YS : Non, pas pour l'instant.

Durango est la seule série en cours que tu continues à scénariser et dessiner. Est-ce par nostalgie ou l'amour de ses débuts ?
YS : En fait, je ne fais que scénariser Durango depuis le Tome 14. Thierry Girod se charge avec énormément de talent de la partie graphique. Il travaille en ce moment sur le Tome 16. La série continuera aussi longtemps que je pourrai l'alimenter, car je n'ai pas envie de laisser mourir à petit feu une série qui fut ma première réussite et pour laquelle je garde un attachement particulier.

Il paraitrait qu’en marge de ta carrière d’auteur, tu ambitionnes aussi de devenir rock-star ? Où en es-tu sur ce long cheminement ?
YS : Je fais un métier passionnant, mais la musique a toujours été ma vraie passion. Je joue donc pour le plaisir pur, en amateur convaincu et en essayant d'obtenir le meilleur résultat possible mais, jusqu'à présent, sans prétentions particulières. Ce positionnement me permet de ne pas exposer cette passion aux aléas des relations avec les producteurs et les tenants de la finance. Ce qui n'est malheureusement pas trop possible en ce qui concerne mon passionnant métier. Ceci dit, si je pondais un « tube » planétaire ou si le groupe remplissait le Palais des Sports, vous en seriez les premiers informés... ;-)

Quels sont tes derniers coups de cœur en matière de BD ?
YS : J'ai été bluffé par la manière dont Guilio De Vita s'est intégré au monde de Thorgal et par le talent de quelques jeunes dessinateurs comme Thimotée Montaigne, par exemple.

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter un moment dans le crane d’un autre auteur (pour percer son talent, ses techniques ou ses inspirations…) qui choisirais-tu de visiter et qu’espèrerais-tu y trouver ?
YS : Sans conteste, Steve Vai, guitariste et musicien fabuleux. J'y trouverais le talent à l'état pur, le mélange parfait du contrôle de l'instrument et de la folie la plus débridée dans l'inspiration et le pouvoir de transmettre les émotions.

Merci Yves et bon courage pour la suite !